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Le Conseil des droits de l’homme tient un dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition
16 septembre 2022
Cet après-midi, le Conseil des droits de l’homme a tenu un dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Fabian Salvioli, venu présenter son rapport intitulé « Rôle et responsabilités des acteurs non étatiques dans les processus de justice transitionnelle ». En début de séance, Le Conseil a en outre achevé l’examen du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur le droit à la vie privée à l’ère du numérique, en entendant les déclarations de deux organisations non gouvernementales*.
Présentant son rapport M. Salvioli a indiqué qu’il est essentiel que les États et les acteurs internationaux tiennent les entreprises responsables de leur implication dans des violations graves commises pendant les périodes de conflit armé ou sous un régime autoritaire. Les processus de justice transitionnelle devraient s’attaquer à la responsabilité de ces entreprises, disposer de l’autorité légale et des ressources nécessaires pour entreprendre cette tâche et veiller à ce que les entreprises participent aux processus, a-t-il ajouté.
Les commissions de vérité devraient évaluer les responsabilités directes et indirectes des entreprises en ce qui concerne les violations, identifier les structures et les acteurs qui en ont permis et bénéficié, et faire des recommandations pour la participation des entreprises à la réparation des dommages causés, a poursuivi le Rapporteur spécial.
M. Salvioli a ajouté que lorsque, dans le cadre de procédures nationales, l’amnistie ou l’immunité est accordée à des membres de groupes armés non étatiques en échange d’une clarification de la vérité, ces procédures ne peuvent pas être applicables aux crimes internationaux ou aux violations graves des droits de l’homme, et ne devraient s’appliquer qu’à des cas spécifiques et non à des catégories de coupables.
Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte des visites qu’il a effectuées à la fin de l’année dernière en Bosnie Herzégovine et en Croatie, suite à quoi les délégations de ces deux pays ont fait des déclarations.
De nombreuses délégations** ont ensuite pris part au dialogue avec M. Salvioli. Nombre d’entre elles ont salué l’accent mis par le Rapporteur spécial, dans son rapport, sur le rôle et les responsabilités des acteurs non étatiques, tels que les groupes armés ou les entreprises, dans les processus de justice transitionnelle. De nombreuses délégations ont soutenu que le droit international humanitaire, les normes internationales relatives aux droits de l’homme et le droit pénal international sont applicables aux groupes armés non étatiques.
En fin de séance, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont exercé leur droit de réponse.
Lundi matin, à 10 heures, le Conseil tiendra un dialogue avec le Groupe de travail sur la détention arbitraire, suivi d’un dialogue avec l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme.
Fin du dialogue autour du rapport du Haut-Commissariat sur le droit à la vie privée à l’ère du numérique
Aperçu du débat
Deux organisations non gouvernementales ont conclu le débat avec Mme Peggy Hicks, Directrice de la Division de l’engagement thématique, des procédures spéciales et du droit au développement au Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Integrated Youth Empowerment - Common Initiative Group a dénoncé des persécutions contre des militants dans l’État d’Assam, en Inde. Mother of Hope Cameroon Common Initiative Group a, pour sa part, déploré que le droit à la vie privée à l'ère du numérique se réduise en Inde, où de nombreux jeunes, a dit l’ONG, sont détenus et arrêtés pour avoir publié leurs commentaires sur les médias sociaux.
Réponses et remarques de conclusion de la représentante du Haut-Commissariat
MME HICKS a constaté que la surveillance pouvait avoir des conséquences graves pour les membres de certaines minorités – un problème qui préoccupe le Haut-Commissariat. Le profilage racial en ayant recours à l’intelligence artificielle a fait l’objet d’un rapport antérieur du Haut-Commissariat ainsi que de l’Observation générale n°36 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a rappelé Mme Hicks.
Par ailleurs, la surveillance a un impact sur les défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, qui jouent un rôle essentiel dans une démocratie, et cet aspect préoccupe également le Haut-Commissariat, a poursuivi Mme Hicks.
Mme Hicks a dit apprécier que des délégations aient recommandé d’adopter des règles pour encadrer l’utilisation des données personnelles. Le Haut-Commissariat recommande un moratoire sur les technologies de surveillance jusqu’à ce que des garanties adéquates en matière de droits de l’homme soient en place, a rappelé Mme Hicks. Le rapport du Haut-Commissariat souligne que les entreprises doivent faire preuve de vigilance dans la mesure où ces outils sont quand même vendus ; il faut notamment veiller aux problèmes posés par les technologies à double usage. Les États doivent faire preuve de beaucoup plus de transparence, a ajouté Mme Hicks.
Il est aussi important de dire que les États ont le devoir de réglementer leurs activités en tenant compte des droits de l’homme, en particulier s’agissant des hautes technologies qui représentent un danger pour les droits de l’homme, a insisté Mme Hicks. Enfin, a-t-elle ajouté, les personnes victimes de surveillance doivent disposer de recours.
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, intitulé « Rôle et responsabilités des acteurs non étatiquesdans les processus de justice transitionnelle » (A/HRC/51/34) ainsi que de ses rapports de visite en Croatie (A/HRC/51/34/Add.1) et en Bosnie-Herzégovine (A/HRC/51/34/Add.2).
Présentation
Présentant ce rapport, M. FÁBIÁN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a indiqué qu’il est essentiel que les États et les acteurs internationaux tiennent les entreprises responsables de leur implication dans des violations graves commises pendant les périodes de conflit armé ou sous un régime autoritaire. Les processus de justice transitionnelle devraient s’attaquer à la responsabilité de ces entreprises, disposer de l’autorité légale et des ressources nécessaires pour entreprendre cette tâche et veiller à ce que les entreprises participent aux processus, a-t-il ajouté.
Les commissions de vérité devraient évaluer les responsabilités directes et indirectes des entreprises en ce qui concerne les violations, identifier les structures et les acteurs qui en ont permis et bénéficié, et faire des recommandations pour la participation des entreprises à la réparation des dommages causés, a poursuivi le Rapporteur spécial.
M. Salvioli a précisé que son rapport détaille les cadres réglementaires et opérationnels pour aborder, dans la conception des processus de justice transitionnelle, la conduite des groupes armés non étatiques.
Les commissions de vérité sont un moyen approprié d’enquêter sur la mesure dans laquelle des groupes armés non étatiques ont planifié et mis en œuvre des stratégies qui violent délibérément le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. Les groupes armés non étatiques et les ex-combattants ont l’obligation juridique, politique et morale de coopérer aux efforts de recherche de la vérité, a souligné le Rapporteur spécial.
L’expert a ajouté que les groupes armés non étatiques sont responsables des actes de leurs membres. Les ex-combattants qui ont été directement impliqués dans des violations passées et les dirigeants responsables de la conduite de leurs subordonnés devraient être traduits en justice, a-t-il souligné. Lorsque, dans le cadre de procédures nationales, l’amnistie ou l’immunité est accordée à des membres de groupes armés non étatiques en échange d’une clarification de la vérité, ces procédures ne peuvent pas être applicables aux crimes internationaux ou aux violations graves des droits de l’homme, et ne devraient s’appliquer qu’à des cas spécifiques et non à des catégories de coupables. Les groupes armés non étatiques doivent, en outre, contribuer à la réparation du préjudice subi par leurs victimes, a insisté M. Salvioli.
Dans les contextes de transition, les processus de préservation de la mémoire doivent viser à construire une société démocratique, pluraliste, inclusive et pacifique, à restaurer la dignité des victimes, à permettre à la société de regagner la confiance et à favoriser la réconciliation, ainsi qu’à créer les conditions d’un débat au sein de la société sur les causes et les conséquences de la violence passée.
S’agissant de sa visite en Croatie, effectuée en novembre-décembre dernier, M. Salvioli a pris note des efforts considérables déployés par la Croatie après la guerre, avec l’appui de la communauté internationale, pour répondre aux violations passées, en particulier en ce qui concerne la recherche de personnes disparues, la poursuite pénale des criminels de guerre et les réformes institutionnelles et juridiques visant à promouvoir l’État de droit et la gouvernance démocratique.
Toutefois, le Rapporteur spécial a indiqué avoir observé des lacunes dans certains domaines s’agissant notamment de la réparation globale des victimes civiles et des victimes de violences sexuelles; des initiatives globales de recherche de la vérité et de collecte de données; des processus de commémoration et d’éducation visant à transmettre des comptes rendus complets de la violence passée et à prévenir le révisionnisme des crimes de guerre; et des politiques éducatives et culturelles visant à favoriser la compréhension mutuelle et la diversité culturelle.
S’agissant de sa visite en Bosnie-Herzégovine, effectuée en décembre dernier, M. Salvioli a ici aussi souligné les efforts déployés par le pays au lendemain du conflit, avec l’appui continu de la communauté internationale, pour remédier aux violations passées, en particulier en ce qui concerne la recherche de personnes disparues, la poursuite pénale des criminels de guerre et les réformes institutionnelles.
Toutefois, le Rapporteur spécial a souligné l’insuffisance manifeste des mesures de réparation, ainsi que les dommages que cela cause aux victimes depuis longtemps. M. Salvioli a en outre déclaré avoir observé les positions hautement incendiaires des élites politiques nationalistes et l’exploitation des griefs interethniques à des fins politiques, qui ont eu un impact sur la polarisation de la vie politique et sociale du pays. Cela se reflète dans la persistance de discours de haine et le déni des crimes flagrants commis contre les groupes ethniques, a-t-il relevé. Il a également expliqué avoir perçu dans certaines régions une atmosphère d’insécurité et de manque de respect pour les victimes appartenant à des groupes minoritaires.
Pays concernés
La Bosnie-Herzégovine a relevé que le rapport présenté par M. Salvioli suite à sa visite dans le pays prend note des mesures positives qui ont été prises dans le domaine de la vérité, de la réparation de la justice et de la commémoration, mais identifie également des défis et contient un certain nombre d’évaluations et de recommandations.
Les autorités de Bosnie-Herzégovine examineront de près les recommandations du Rapporteur spécial conformément à leur compétence constitutionnelle au niveau des États et des entités et au niveau cantonal, et informeront régulièrement des activités entreprises en vue de les mettre en œuvre, a ajouté la délégation de Bosnie-Herzégovine.
La Croatie s’est félicitée que le rapport de visite de M. Salvioli ait détecté de nombreux domaines dans lesquels la Croatie a fait des progrès importants, notamment pour ce qui est de la mise au point d’un cadre juridique complet qui couvre la question des personnes disparues et de la poursuite des crimes de guerre.
La Croatie a demandé aux délégations d’étudier l’addendum au rapport présenté par son Gouvernement concernant les inexactitudes factuelles reprises dans le rapport du Rapporteur spécial. Elle est revenue sur les circonstances de l’invasion de la Serbie en Croatie – dont le scénario est aujourd’hui identique, selon elle, à celui de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie. La Croatie a rappelé l’ensemble des efforts diplomatiques qu’elle a entrepris pour trouver une issue politique au conflit. À la suite du conflit, la Croatie a ouvert la voie à une justice transitionnelle en exhumant de nombreux corps. La Croatie est toujours attachée à la coopération internationale dans ce domaine, mais regrette le manque de volonté politique en Serbie, a indiqué la délégation croate.
Aperçu du débat
Plusieurs délégations se sont félicitées de l’accent mis par le rapport de M. Salvioli sur les acteurs non étatiques, tels que les groupes armés et les entreprises, dans les processus de justice transitionnelle. A ainsi été salué l’engagement du Rapporteur Spécial pour une plus forte implication de ces acteurs dans tous les processus de justice transitionnelle.
Dans un contexte de conflit armé, le respect du droit international humanitaire par toutes les parties, y compris les groupes armés, est crucial, a tenu à rappeler une délégation.
Une délégation a relevé que le Rapporteur spécial exprime à la fois la nécessité et la difficulté d’adopter une approche de la justice transitionnelle adaptée au contexte, centrée sur les victimes, tenant compte des questions d’égalité femmes-hommes et de genre et des responsabilités respectives des acteurs étatiques et non étatiques.
Certains intervenants ont lancé un appel pour que soient mis en œuvre les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme à l'échelle mondiale. Une délégation a en outre appelé tous les États à endosser le Document de Montreux de 2008, premier document international qui réaffirme les obligations des États relatives aux activités des entreprises militaires et de sécurité privées.
Plusieurs délégations ont expliqué avoir œuvré pour renforcer leur législation nationale et le droit international s’agissant du devoir de vigilance des entreprises vis-à-vis des atteintes graves aux droits de l’homme.
De nombreuses délégations ont soutenu que le droit international humanitaire, les normes internationales relatives aux droits de l’homme et le droit pénal international sont applicables aux groupes armés non étatiques. Il importe ainsi qu’en plus de la responsabilité individuelle, les groupes armés non étatiques puissent effectivement être tenus responsables au niveau organisationnel des graves violations du droit humanitaire ou des droits de l’homme qu’ils commettent, a précisé une délégation.
Les amnisties pour des violations graves du droit humanitaire ou des droits de l’homme sont inacceptables car cette pratique entérine une culture de l’impunité, conduisant à la répétition de nouvelles violations, a souligné une autre délégation.
Quel que soit l'auteur d’une violation, le droit à la justice, à la vérité, à la réparation et aux garanties de non-répétition est fondamental pour restaurer la dignité des victimes, a insisté un intervenant.
La commémoration d’événements passés doit viser à construire une société démocratique, pluraliste, inclusive et pacifique, où les groupes armés de l’État pourraient engager un dialogue avec l’État et les organisations de la société civile, a-t-il en outre été souligné.
Plusieurs délégations ont partagé les inquiétudes du Rapporteur Spécial sur l’évolution du contexte de la sous-région des Balkans de l’Ouest. Les processus de justice transitionnelle se trouvent dans une impasse, mettant en danger la durabilité de la paix dans la région, a-t-il été relevé. D’autres délégations ont pour leur part dénoncé les faits présentés dans le rapport du Rapporteur spécial dans ce contexte.
Plusieurs délégations ont fait part de leurs propres initiatives pour le règlement juste et équitable de dossiers de violations graves des droits de l’homme commises dans le passé.
**Liste des intervenants : Union européenne, Estonie (au nom d’un groupe de pays), Organisation des États américains, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Costa Rica (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, Libye, Colombie, France, Ordre souverain de Malte, Maroc, Équateur, Irlande, Iraq, Suisse, Paraguay, Afghanistan, Maldives, ONU Femmes, Lituanie, Venezuela, Afrique du Sud, Fédération de Russie, Chine, Pérou, Arménie, Togo, Chili, Népal, Cameroun, États-Unis, Argentine, Timor-Leste, Croatie, Bolivie, Belgique, Azerbaïdjan, Serbie, Ukraine, Malawi, Philippines, îles Marshall, Iran, Cuba, République-Unie de Tanzanie, Bosnie Herzégovine, Ukraine, Syrian Center for Media and Freedom of Expression ; Advocates for Human Rights ; Promotion du Développement Economique et Social – PDES ; Organisation mondiale contre la torture - OMCT; Peace Brigades International ; Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil ; International Commission of Jurists ; Global Life Savers Inc ; Platform for Youth Integration and Volunteerism ; Global Appreciation and Skills Training Network ; Partners For Transparency.
Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial
M. SALVIOLI s’est dit satisfait des commentaires formulés par les délégations s’agissant de son rapport.
En ce qui concerne ses rapports sur les visites qu’il a effectuées en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, il a indiqué que la méthodologie utilisée était transparente et les sources dument citées. Il s’est dit à la disposition des deux pays pour consolider la paix dans cette région.
Les processus de justice transitionnelles doivent respecter l’ensemble des piliers : vérité, obligation redditionnelle, réparations complètes et globales pour les victimes, réformes institutionnelles, et processus de mémoire, a en outre souligné le Rapporteur spécial. Si l’un de ces piliers manque, le processus global échoue, a-t-il insisté.
La réconciliation n’implique pas l’impunité, mais de restaurer la confiance entre la société et l’État, a expliqué M. Salvioli. Pour rétablir cette confiance, l’obligation redditionnelle est essentielle, a-t-il souligné. Il a par ailleurs insisté sur l’importance de veiller à ce que les victimes participent à toutes les étapes du processus de réconciliation.
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