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Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Déclaration de Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, tirant la sonnette d’alarme sur les meurtres de personnes fuyant El Geneina dans le Darfour occidental, au Soudan

24 juin 2023

Des réfugiés soudanais se rassemblent alors que les équipes de Médecins sans frontières (MSF) assistent les blessés de guerre du Darfour occidental, au Soudan, à l'hôpital d'Adre, au Tchad, le 16 juin 2023 dans cette image du document. Avec l'aimable autorisation de Mohammad Ghannam/MSF/Document via REUTERS

Plusieurs entretiens menés avec des personnes ayant fui El Geneina, dans le Darfour occidental, pour se réfugier à Adre, au Tchad, ont décrit des scènes horribles où les milices « arabes » armées, soutenues par les Forces d’appui rapide, ont tué des personnes essayant de fuir El Geneina à pied. Nos spécialistes des droits de l’homme ont entendu de nombreux témoignages concordants selon lesquels les milices « arabes » s’en prenaient principalement aux adultes de sexe masculin de la communauté massalit. Toutes les personnes interrogées ont également parlé de cadavres éparpillés le long de la route, et de l’odeur nauséabonde de leur décomposition. Plusieurs personnes ont dit avoir vu des dizaines de corps dans une zone appelée Shukri, à environ 10 km de la frontière, où une ou plusieurs milices arabes auraient une base.

Nous sommes gravement préoccupés par la poursuite de ces massacres gratuits et nous demandons instamment que des mesures soient prises immédiatement pour y mettre un terme. Les personnes fuyant El Geneina doivent pouvoir se déplacer en toute sécurité et les organismes d’aide humanitaire doivent être autorisés à accéder à la zone pour ramasser les corps des personnes tuées.

Sur les 16 personnes que nous avons pu interroger jusqu’à présent, 14 ont déclaré avoir été témoins d’exécutions sommaires et d’attaques ciblées de groupes de civils sur la route entre El Geneina et la frontière, soit en tirant à bout portant sur des personnes sommées de se mettre à terre, soit en ouvrant le feu sur la foule. Ces témoignages portent sur des meurtres qui ont eu lieu les 15 et 16 juin dernier, mais aussi au cours de la semaine écoulée. D’après les informations que nous avons reçues, les meurtres et autres violences se poursuivent et s’accompagnent de discours de haine persistants visant la communauté massalit, notamment des appels à les tuer et à les expulser du Soudan.

Un homme de 37 ans a déclaré que sur les 30 personnes de son groupe qui fuyaient vers le Tchad, seulement 17 ont réussi à passer la frontière. Certaines ont été tuées après avoir essuyé des tirs provenant de véhicules des Forces d’appui rapide et des milices « arabes » près de la frontière tchadienne, tandis que d’autres ont été sommairement exécutées, a-t-il expliqué. Les personnes qui ont survécu se sont fait voler leur téléphone et leur argent par des hommes armés qui criaient : « Vous êtes des esclaves, vous êtes des Nouba ».

Une jeune femme de 22 ans a fait part de récits similaires. Selon elle, un jeune homme gravement blessé a dû être laissé par terre, car elle et son groupe n’avaient aucun moyen de le transporter en lieu sûr de l’autre côté de la frontière. « Nous avons dû l’abandonner car nous n’avions qu’un seul âne avec nous », a-t-elle déclaré. Il est difficile d’estimer le nombre de personnes blessées laissées pour mortes dans des circonstances similaires.

Deux personnes interrogées ont témoigné séparément que les Forces d’appui rapide leur avaient ordonné, ainsi qu’à un groupe de personnes, de quitter El Geneina. L’une d’entre elles a déclaré avoir été frappée à coups de bâtons alors qu’on lui disait « Lève-toi et pars au Tchad, ce n’est pas ton pays ».

Le Haut-Commissaire appelle les dirigeants des Forces d’appui rapide à condamner immédiatement et sans équivoque le meurtre des personnes fuyant El Geneina et à y mettre un terme, ainsi qu’aux autres violences et discours de haine à leur égard sur la base de leur appartenance ethnique. Les responsables de ces meurtres et autres violences doivent répondre de leurs actes.

El Geneina est devenue inhabitable. Les infrastructures essentielles ont été détruites et l’acheminement de l’aide humanitaire vers El Geneina continue d’être bloqué. Nous demandons instamment l’établissement immédiat d’un corridor humanitaire entre le Tchad et El Geneina, ainsi que des voies de passage sûres pour les civils quittant les zones touchées par les hostilités.

FIN

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