Journée des femmes : « Une paix durable ne sera possible que si les femmes participent activement aux débats », déclare Volker Türk

Sans femmes dans les sphères du pouvoir, il ne peut y avoir de paix. De justice. De démocratie.

Sans les femmes, dans toute leur diversité, il n’y a absolument aucun progrès. 

Nous célébrons la Journée internationale des femmes alors que nous traversons une période de crise sans précédent . Les changements climatiques frappent de plein fouet notre planète et menacent l’existence de l’humanité. Les inégalités se creusent, s’aggravent et infligent encore plus de souffrances. Les multiples conflits qui font rage dans le monde provoquent des tragédies humaines inimaginables.

En période de conflit, les femmes maintiennent l’unité des familles et de communautés entières. Je l’ai constaté à maintes reprises, étant témoin de leur résilience et de leur force incroyables.

Cependant, elles subissent également d’importants préjudices.

Je pense aux milliers de femmes qui sont aujourd’hui délibérément prises pour cible dans les zones de guerre et sont victimes de viols ou de violences sexuelles.

Je pense aux millions de femmes qui se retrouvent responsables de la survie de leur famille ou qui doivent prendre la décision de rester ou de fuir.

Aux femmes enceintes qui n’ont pas d’autre choix que d’accoucher dans un abri, sous les bombes, sans assistance médicale.

Aux millions de femmes et de filles qui ont perdu tout pouvoir et toute capacité d’agir en raison de l’absurdité de la guerre.

Cela devrait nous faire tous réagir.

Se pose également la question de savoir comment nous en sommes arrivés là.

Les femmes ont connu des siècles de structures de pouvoir patriarcales.

Des siècles de misogynie et de domination masculine.

La normalisation de la haine. Des voix passées sous silence.

Et l’incapacité totale de la gouvernance mondiale, centrée sur les hommes, à fournir des solutions adéquates.

Les conflits actuels, principalement déclenchés et menés par des hommes, mettent en péril la sécurité mondiale.

Les dépenses militaires ont atteint des sommets et les gains tirés du commerce des armes montent en flèche.

Mais aujourd’hui j’aimerais savoir : où est l’investissement dans la paix ?

Et où est l’investissement dans l’égalité des sexes, dont nous avons désespérément besoin pour y parvenir ?

À l’échelle locale, des femmes courageuses défendant les droits humains et œuvrant à la consolidation de la paix, ainsi que les organisations de femmes ont mené des efforts considérables pour instaurer la paix et encourager une transformation sociale.

Les changements que nous avons constatés en faveur de l’égalité des sexes sont remarquables.

Pourtant, la parole des femmes et des filles reste, au mieux, marginale aux tables des négociations où se prennent les décisions importantes en matière de paix et de réconciliation.

Les données disponibles dressent un sombre tableau. Sur les 18 accords de paix conclus en 2022, un seul a été signé ou attesté par une personne représentant un groupe ou une organisation de femmes.

Seule une petite partie de l’aide bilatérale soutient des organisations féministes, dirigées par des femmes et de défense des droits des femmes dans les pays touchés par un conflit ou une crise.

Le manque de participation des femmes aux processus de paix et de consolidation de la paix témoigne de leur sous-représentation plus générale aux postes de direction dans tous les secteurs.

Aujourd’hui encore, aucun pays au monde n’a atteint l’égalité des sexes. Par ailleurs, les pressions exercées sur les femmes et les filles et la remise en cause de la valeur de l’égalité des sexes continuent de porter atteinte aux droits, aux libertés et à l’autonomie de la moitié de l’humanité.

Cette année constitue la plus grande année électorale de l’histoire, au cours de laquelle nous avons l’occasion de modifier le statu quo, d’avoir davantage de femmes à des postes de direction et de lutter contre la dégradation de la paix et de la sécurité dans le monde. Les résultats de ces élections sont susceptibles d’influencer les politiques liées à l’autonomisation des femmes, à l’égalité des sexes et à la paix, et ce pour les années à venir.

Une paix durable ne sera possible que si les femmes participent activement aux débats. La communauté internationale doit d’urgence faire en sorte que cela devienne une réalité.

Nous avons besoin de plus de femmes dans nos systèmes de gouvernance et de davantage d’investissements pour la paix, la protection sociale et la justice climatique.

Nous avons besoin de plus de politiques de consolidation de la paix et de reconstruction capables de pousser les gouvernements à agir et de les transformer de manière à inclure les voix des femmes.

Nous avons besoin d’un financement et d’un soutien durables pour les femmes qui œuvrent à la consolidation de la paix, pour les défenseuses des droits humains et pour les organisations de femmes, notamment de fonds pouvant être utilisés si leur sécurité est menacée.

D’espaces de dialogue sûrs et ouverts et de la participation égale des femmes aux processus politiques.

Nous avons besoin de politiques extérieures s’appuyant sur des principes féministes. Je salue les mesures que certains pays ont déjà prises en ce sens.

Enfin, nous devons nous attaquer aux causes profondes de la discrimination fondée sur le sexe afin de briser le cercle vicieux des conflits et de la répression.

L’année prochaine marquera le 25^e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui affirme que les efforts de paix et de sécurité sont plus durables lorsque les femmes ont une voix égale et déterminante dans la prévention des conflits, l’aide et le redressement, et les processus de paix.

Je tiens à rendre hommage à toutes les femmes et les filles qui défendent les droits humains dans un contexte de conflit et je suis solidaire avec elles.

Nous savons que les droits des femmes et des filles constituent le fondement d’une paix et d’un développement durables. Notre capacité à sortir notre monde de la crise et des conflits dépend des décisions que nous prenons dès maintenant pour veiller à ce que les femmes et les filles dirigent et façonnent toutes les décisions cruciales qui les affectent et qui affectent l’humanité tout entière.

Merci.