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« Nous devons favoriser un nouveau mouvement pour la paix », déclare le Haut-Commissaire

Arrière

21 juin 2024
Prononcé par: Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Madame la Présidente, 
Chers collègues et amis,

Merci de m’avoir invité. Je suis désolé de ne pas pouvoir me joindre à vous en personne.

C’est un grand privilège de prononcer la première allocution en l’honneur de l’ancien Secrétaire général Kofi Annan.

Son engagement inébranlable en faveur de la mission des Nations Unies, son dévouement pour les plus vulnérables et sa direction dans des périodes politiques difficiles m’ont profondément marqué.

Son rapport Dans une liberté plus grande, a donné naissance au Conseil des droits de l’homme, au renforcement du pilier des droits humains et à la création de la Commission de consolidation de la paix.

Il est donc opportun que cette conférence inaugurale ait lieu en son nom, alors que nous nous préparons pour le Sommet de l’avenir, compte tenu de l’héritage qu’il a laissé : un héritage qui a consisté à remodeler les priorités et les méthodes de travail des Nations Unies afin de répondre à la dynamique et aux priorités changeantes d’un monde qui traverse une nouvelle période de transition majeure.

Pour moi, il s’agit sans aucun doute de la période la plus difficile que j’ai vécu au cours de mes trois décennies au sein des Nations Unies.

Il y a quelques jours, j’ai dû, une fois encore, commencer mon bilan de la situation mondiale devant le Conseil des droits de l’homme par une liste d’horreurs liées aux conflits qui déchirent actuellement notre monde.

59 guerres en 2023, selon l’Uppsala Conflict Data Program. Nos données indiquent également une augmentation significative du nombre de décès de civils par rapport à 2022.

Des vies perdues de manière totalement insensée. Un constat inadmissible.

Le tout accompagné d’une cruauté et d’une destruction à une échelle grotesque.

Nous voyons les fondements de notre ordre mondial s’écrouler à mesure que les normes fondamentales sont vidées de leur substance.

L’invasion russe de l’Ukraine, une violation flagrante de la Charte des Nations Unies, a constitué un tournant.

Aujourd’hui, de l’Ukraine au Soudan, en passant par le Myanmar et Gaza, nous assistons à des violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.

La machine de guerre s’accélère. Les dépenses de défense montent en flèche alors que les grandes puissances nucléaires renoncent à leurs engagements en matière de désarmement.

La toile de fond plus large n’offre guère de réconfort.

L’état de droit s’affaiblit dans toutes les régions. La politique cynique de division et de distraction persiste. Les institutions du multilatéralisme font l’objet d’attaques politiques et, dans le cas des Nations Unies, d’attaques physiques sans précédent. Tout cela alors que l’action mondiale en faveur du Programme 2030 et pour lutter contre la triple crise planétaire prend un retard désastreux.

Une situation pour ainsi dire absurde. Résumée en quelques statistiques. En 2023, les dépenses mondiales en matière de défense ont atteint près de 2 500 milliards de dollars des États-Unis, alors que le déficit annuel de financement du développement s’est creusé pour atteindre environ 4 000 milliards de dollars. 4,8 milliards de personnes sont plus pauvres qu’il y a cinq ans. Plus de 330 millions d’enfants sont contraints de vivre dans l’extrême pauvreté.

L’ensemble de ces morts, ces destructions et ces dysfonctionnements engendrent un certain cynisme quant à la capacité du multilatéralisme à tenir ses promesses.

Pourtant, je pense que cette situation représente également une véritable opportunité, car les gouvernements sont contraints de réfléchir aux conséquences désagréables du maintien du statu quo.

Tout calcul honnête et rigoureux de l’intérêt national pointe dans une seule direction : une complète remise à zéro. Le Sommet de l’avenir offre aux États une occasion importante de le faire.

Ce qui est en jeu, et ce que nous avons tous à gagner, c’est la paix.

Si nous ne mettons pas fin à cette horrible escalade des conflits, nous pouvons oublier tout progrès important en matière de développement, de lutte contre la triple crise planétaire ou tout autre avancée.

Après avoir gaspillé les dividendes de la paix durement gagnés, nous devons maintenant faire face à un impératif de paix.

La Déclaration universelle des droits de l’homme est née de la volonté de débarrasser le monde des cycles de terreur, d’effusion de sang et d’atrocités qui le dévorent et l’anéantissent.

En reconnaissant clairement que les droits humains sont « le fondement » de la paix dans le monde.

Nous devons maintenant nous engager pleinement en faveur des droits humains au service de la paix, en nous débarrassant de l’idée que les droits et l’instauration et le maintien de la paix sont d’une certaine manière incompatibles.

Or c’est tout le contraire. La voie en faveur des droits humains nous éloigne de l’illogisme qui alimente la guerre et l’insécurité.

Après avoir passé ma carrière à me battre contre les coûts humains et politiques de la guerre, je pense que le choix est clair.

Nous devons utiliser pleinement le potentiel des droits humains pour résoudre les problèmes et provoquer des changements systémiques. Nous devons aussi redécouvrir l’art de la désescalade, en gardant tous les moyens de communication ouverts.

Le concept des droits en tant que solutions (le pragmatisme ancré dans des principes) est au cœur de ma déclaration de principes, qui a été publiée au début de cette année. Il s’agit d’une vision qui s’appuie sur les messages clés de notre initiative « Droits humains 75 ». En tant que l’un des trois piliers de l’ONU, les droits humains constituent le fil conducteur de la gouvernance mondiale, qui est essentiel à la revitalisation de la coopération internationale. Et le droit à la paix en est la base.

Les droits humains, qui trouvent leurs racines dans des valeurs profondes et communes aux cultures et à l’histoire du monde, peuvent transcender les profonds clivages sociaux et politiques qui existent aujourd’hui au sein des sociétés et entre elles. Ils ont le soutien de la majorité silencieuse. Comme l’enquête mondiale sur les attitudes publiques de l’Open Society Barometer l’a révélé, 72 % des personnes interrogées considèrent les droits humains comme une « force positive », un pourcentage similaire de personnes les plaçant au même niveau que leurs valeurs personnelles.

Les droits sont également à l’épreuve du temps ; ils sont aussi pertinents pour guider l’action face à l’urgence climatique et aux progrès des technologies numériques, qu’ils le seront face à des défis encore inconnus. C’est ce que montre la vague de procédures judiciaires liées au climat dans le monde entier, notamment le récent succès d’un groupe de femmes suisses devant la Cour européenne des droits de l’homme et l’avis consultatif à venir de la Cour internationale de Justice.

Quelle est alors la force des droits humains à la paix ? Nous savons qu’à chaque étape du cycle des conflits, les approches fondées sur les droits humains produisent des résultats tangibles. Un grand nombre d’entre vous a contribué à recueillir des données probantes à cet égard.

Les droits humains nous permettent d’identifier le problème et de trouver des solutions. Plus fondamentalement, ils jouent un rôle moteur pour bâtir des sociétés pacifiques, résilientes et justes, des sociétés dans lesquelles les problèmes qui pourraient autrement dégénérer en violence sont traités à un stade précoce, de manière véritablement préventive. Cette vision est au cœur de l’étude conjointe Chemins pour la paix, menée par les Nations Unies et la Banque mondiale.

Permettez-moi de développer cette question en abordant cinq aspects.

Premièrement, l’alerte précoce. La détérioration de la situation des droits humains laisse souvent présager une vague de violence. Dans ce cas, pourquoi l’intégration systématique de l’analyse des droits humains dans les processus d’alerte précoce fait-elle encore défaut ? Cela doit changer. Nous pourrions par exemple assurer de meilleurs liens entre le système des droits humains d’un côté, et le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix de l’autre.

Le HCDH consacre une grande partie de son travail au suivi et au recensement des droits humains, ainsi qu’à l’établissement de rapport sur ces derniers, notamment la capacité croissante d’analyse des alertes précoces dans nos bureaux régionaux. En affinant nos indicateurs et nos données, y compris sur les droits et les inégalités socioéconomiques, nous pouvons approfondir l’analyse qui alimente le mécanisme d’alerte précoce du système des Nations Unies en cas de crise imminente.

Au Paraguay, par exemple, notre collecte de données et notre analyse des allégations d’expulsions forcées de communautés paysannes et autochtones nous ont permis de coopérer avec les autorités et les communautés locales dès que des risques de conflit social et d’agitation ont été identifiés.

L’alerte précoce est toutefois superflue si elle n’est pas suivie d’une action rapide. Prenons un exemple frappant. Les nombreux rapports que nous avons rédigés ces dernières années sur l’aggravation brutale de la situation dans le Territoire palestinien occupé n’ont été que des sonnettes d’alarme ignorées à plusieurs reprises et de manière tragique.

J’encourage les États influents à réfléchir honnêtement au prix de tant d’occasions manquées dans tant de contextes, et à adopter une position plus réactive. Cela doit s’accompagner d’un investissement plus important dans les plateformes et les mécanismes dédiés à l’action précoce, y compris le renforcement de la capacité des Nations Unies à proposer des plans d’action ciblés.

Deuxièmement, les opérations de paix. Elles sont aujourd’hui moins nombreuses, et l’intégration des mandats et des éléments relatifs aux droits humains est de plus en plus difficile, même s’il est prouvé qu’ils sont bénéfiques à tout le monde. Trois décennies d’intégration des droits humains ont constitué, à certains égards, un exercice au potentiel inexploité. Comme l’indique la récente étude de l’Effectiveness of Peace Operations Network, les droits humains peuvent être un puissant moyen d’atteindre les objectifs de ces missions : au-delà de la protection des civils et de l’alerte précoce, ils peuvent s’attaquer aux facteurs qui ont déclenché la violence en premier lieu.

Les États ont une opportunité à saisir. Des mandats plus clairs, plus réalistes et dotés de ressources suffisantes de la part du Conseil de sécurité, comme le demande le nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général, pourraient garantir un impact plus important des composantes relatives aux droits humains dans ces opérations complexes. Si l’on s’oriente vers des opérations de paix plus petites et plus souples, des capacités bien conçues en matière de droits humains peuvent aider à « faire plus avec moins ».

L’analyse des droits humains peut également faciliter les transitions lorsque les opérations de paix prennent fin, grâce à un plan solide de continuité de la protection des droits humains. Cela nécessite une présence permanente et dotée de ressources dans le domaine des droits humains. Cela illustre également les avantages liés au fait de fournir à la composante des droits humains les ressources nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes.

Ce concept de la continuité de la protection est au cœur de l’Agenda pour la protection, lancé en début d’année par le Secrétaire général et moi-même. Cet agenda indique clairement comment, au sein du système des Nations Unies, nous veillerons à ce que nos mandats et nos efforts soient menés de manière à faire de la protection la priorité de tous nos travaux, dans les situations de crise et au-delà.

Troisièmement, le rétablissement de la paix. Permettez-moi de dissiper l’idée fausse selon laquelle une approche fondée sur les droits humains est incompatible avec le pragmatisme et les négociations difficiles nécessaires pour mettre fin à un conflit.

Si nous n’ancrons pas un accord de paix dans les droits humains, nous le condamnons à une faille fatale, qui conduira à son échec lorsque les problèmes à l’origine du conflit réapparaitront. Cela a été clairement compris lors des accords de paix conclus tout au long des années 1990, de Dayton au Guatemala et au Cambodge. En effet, le processus du Cambodge a abouti à la création d’un bureau du HCDH dans ce pays.

Regardons la Colombie. Notre participation aux négociations a contribué à ancrer les accords de 2016 dans les droits humains, en abordant des problèmes de longue date, comme la discrimination et la violence à l’égard des femmes, des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine.

Après tout, l’approche fondée sur les droits humains nous sert de modèle pour reconstruire une société fracturée, tissé autour de l’état de droit, de l’égalité, de l’inclusion, d’une vie dans la dignité et d’institutions responsables. Nous disposons des outils nécessaires à la mise en place et à la consolidation des institutions pertinentes pour garantir des progrès en matière de droits.

Nous disposons des piliers nécessaires aux processus de justice transitionnelle pour gérer de manière constructive l’héritage douloureux des violations des droits humains. Non pas car les droits humains sont intrinsèquement tournés vers le passé ou axés sur le reproche, comme certains sont enclins à le croire. Au contraire. Les droits humains peuvent constituer un outil tourné vers l’avenir pour faciliter la prise en compte du passé et permettre aux victimes, ainsi qu’à la société dans son ensemble, d’aller de l’avant.

Il est essentiel que nous continuions à briser les barrières entre la sphère de la paix et celle des droits humains. Les avantages se font sentir dès le début de tout processus de paix, où des acteurs présents depuis longtemps et disposant d’un bon réseau, comme le HCDH, peuvent contribuer à l’instauration d’un climat de confiance. Les discours favorisant les droits humains encouragent la participation et agissent comme un antidote à la mentalité binaire du « gagnant rafle la mise ». Il s’agit plutôt de puiser dans des espoirs communs et une vision partagée d’un avenir où les droits de tous sont respectés. Les activités en cours dans le domaine des droits humains peuvent renforcer la confiance dans ce qu’un accord de paix, s’il est suffisamment ancré dans les droits, apportera à toutes les parties prenantes.

L’inclusion, si cruciale pour la légitimité et la solidité d’un accord de paix, est intrinsèque à une approche fondée sur les droits humains. En Colombie, par exemple, notre engagement a permis d’inclure de manière significative les voix des victimes, y compris des femmes. Le Libéria est un autre exemple où la participation des femmes a été transformatrice.

Le cadre des droits humains peut faciliter la tâche du médiateur lorsqu’il s’agit d’établir un programme de négociation acceptable pour toutes les parties et couvrant les questions clés. En outre, l’adoption d’une approche fondée sur les droits humains permet de faire des concessions, en les présentant comme des avancées positives vers un principe universel plutôt que comme une faible capitulation. De nombreuses autres idées riches et pratiques sur les droits humains et la médiation sont présentées dans notre note de pratique commune avec le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix. J’invite tous les acteurs concernés à s’inspirer de ces précieuses leçons.

Quatrièmement, la consolidation de la paix. Un accord de paix solidement ancré dans les droits humains a plus de chances de réussir. Citons à nouveau le cas de la Colombie, où l’accord de 2016 nous confie un rôle dans le suivi de la mise en œuvre des aspects relatifs aux droits humains, ce qui nous permet de signaler rapidement les griefs qui pourraient autrement faire dérailler les progrès accomplis. Nous sommes également en mesure d’appliquer la perspective des droits humains à d’autres éléments clés de l’accord, notamment la réforme du secteur de la sécurité, les nouvelles politiques de lutte contre la drogue, la lutte contre les inégalités en matière d’accès à la terre, et bien d’autres.

Le contexte colombien illustre également l’interdépendance complexe des droits humains. Le récent examen thématique du financement de la consolidation de la paix a soulevé le fait que les initiatives axées sur les droits économiques, sociaux et culturels ont permis d’améliorer l’exercice des droits civils et politiques par les femmes et d’autres groupes défavorisés.

Concernant la justice transitionnelle par exemple. Au Népal, dont le parcours est bien connu de Kihara-Hunt. Le HCDH soutient la cartographie des violations des droits économiques, sociaux et culturels, à la fois comme cause première du conflit armé qui dure depuis dix ans et comme ses conséquences. Cette analyse alimentera et renforcera le processus de justice transitionnelle en cours au Népal.

Pourtant, à l’échelle mondiale, la justice transitionnelle reste un outil mal compris et sous-utilisé. J’espère que les recommandations formulées dans la note d’orientation du Secrétaire génal de 2023 déclencheront un changement indispensable dans les perspectives et les pratiques.

Enfin, et peut-être plus fondamentalement, la lutte contre les causes profondes. Nous savons que les griefs non traités, l’exclusion et les inégalités sont les causes sous-jacentes des conflits. Un investissement en faveur des droits humains, accompagné des principes fondamentaux de non-discrimination, de participation significative et de responsabilité, y compris un gouvernement réactif et responsable, offre une approche globale pour contrer ces facteurs.

Cet investissement doit porter sur tous les droits (droits économiques, sociaux et culturels, droits civils et politiques, droit à un environnement sain et droit au développement) et inclure des efforts concertés pour lutter contre les inégalités de toutes sortes.

Cela m’a été rappelé à maintes reprises lors de mes missions dans divers pays. Par exemple, à l’est de la République démocratique du Congo, où la concurrence pour des ressources minérales précieuses continue d’alimenter d’horribles effusions de sang.

Car, en fin de compte, le véritable pouvoir préventif des droits humains réside dans le fait qu’ils fonctionnent ensemble en tant que système, en donnant aux gens les moyens d’élaborer des solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés. L’inclusion et l’engagement sont à la base de sociétés résilientes et pacifiques. Cela nécessite des efforts continus pour renforcer tous les piliers d’une société ouverte, allant de la démocratie et de l’espace civique à l’état de droit et aux médias indépendants.

Cela exige également un réexamen du fonctionnement de nos économies. Nous constatons régulièrement que le manque de possibilités économiques, associée à l’incapacité de changer cette situation, a engendré les conditions toxiques à l’origine de l’insécurité et de la violence.

Un changement fondamental est nécessaire pour que nos systèmes économiques fonctionnent pour les gens et la planète, au lieu d’être au service de quelques privilégiés. C’est précisément ce que défend notre principe d’une économie centrée sur les droits humains, en ancrant toutes les décisions économiques, fiscales, monétaires, commerciales et d’investissement dans l’ensemble des droits, y compris les droits à l’alimentation, à la santé et à l’éducation.

Cela signifie :

  • passer outre la notion de PIB pour se mettre d’accord sur des mesures plus larges susceptibles d’illustrer les tendances en matière de bien-être et d’inégalités ;
  • l’amélioration de la collecte et de la ventilation des données afin de mener des actions ciblées contre la discrimination ;
  • des processus d’établissement du budget inclusifs, participatifs et transparents ; et
  • donner la priorité aux services publics afin qu’ils aient plus de chances de recevoir le financement dont ils ont besoin, conformément à l’engagement pris par les États d’utiliser toutes les ressources disponibles pour réaliser progressivement les droits économiques et sociaux.

L’économie centrée sur les droits humains appelle également le secteur privé à jouer son rôle en alignant ses modèles opérationnels et ses activités sur ses responsabilités en matière de droits humains.

L’adoption d’une économie centrée sur les droits humains au niveau national peut transformer les perspectives à la fois pour le Programme 2030 et pour la paix. Nous devons veiller, en parallèle, à la mise en place d’un environnement mondial favorable.

Cela inclut :

  • des réformes, attendues depuis longtemps, des opérations et de la gouvernance des institutions financières internationales, l’annonce récente du FMI sur les droits de tirage spéciaux étant très positive ;
  • un mécanisme équitable et efficace de renégociation de la dette souveraine afin de libérer les gouvernements du fardeau d’une dette écrasante qui limite l’investissement dans les services publics ; et
  • une plus forte coopération en matière de fiscalité, de corruption et de flux financiers illicites, notamment à travers une nouvelle convention-cadre sur la coopération fiscale internationale.

Les incitations visant à redynamiser les efforts de prévention sont déjà importantes et se multiplient. Il suffit de se projeter un peu plus loin dans l’avenir pour comprendre comment l’aggravation des effets de la triple crise planétaire affaiblira la sécurité partout dans le monde. C’est maintenant qu’il faut sauver la vision de Kofi Annan d’un « siècle de prévention ».

Chers collègues, chers amis,

Qu’il s’agisse de la paix, du développement ou de toute autre priorité mondiale, le moment est venu pour les États de procéder à une véritable remise à zéro. De sortir du piège de la pensée à court terme, du déni, de la confrontation et de l’escalade. Et de choisir de chercher à obtenir les bénéfices qui découlent d’un investissement décisif dans les droits humains.

Ce n’est pas qu’une illusion. Les demandes de soutien adressées au HCDH par les gouvernements augmentent chaque jour. Pourquoi ? Car il est tout simplement impossible de répondre aux aspirations et aux besoins des citoyens et de s’attaquer aux problèmes les plus redoutables qui les attendent si l’on ne réalise pas de réels progrès en matière de droits.

Dans le cadre de notre initiative « Droits humains 75 », plus de 140 États se sont engagés à prendre des mesures transformatrices sur des questions spécifiques liées aux droits humains. C’est un premier pas vers le travail qui nous attend si nous voulons éviter de nous attaquer aux problèmes de demain avec les mentalités d’hier.

Loin des gros titres, les droits humains continuent de progresser chaque jour, même en ces temps difficiles, grâce au courage et au sacrifice des défenseurs des droits humains.

Pour que l’ensemble de la communauté mondiale franchisse le cap, les enseignements que nous avons tirés des approches efficaces de la paix fondées sur les droits humains, comme dans d’autres domaines essentiels, doivent être appliqués de manière cohérente et à grande échelle. Cela nécessite un espace politique et des ressources soutenues.

Le Sommet de l’avenir est l’occasion de s’attaquer au sous-financement chronique du travail lié aux droits humains en général, y compris le travail mené par le HCDH et le système international des droits humains dans son ensemble.

Les droits humains bénéficient d’une forte mobilisation à l’échelle mondiale axée sur les besoins des individus et des communautés. Sa force renouvelée réside dans sa diversité croissante, rassemblant des organisations de la société civile de toutes sortes, de jeunes militants, des économistes, des défenseurs de l’environnement, des experts en technologie, des décideurs politiques, et bien d’autres encore.

Dans ce contexte, j’ai quelques demandes à adresser à la communauté des chercheurs.

Premièrement, qu’elle aide à mieux comprendre les effets des approches fondées sur les droits humains sur le rétablissement et la consolidation de la paix.

Deuxièmement, qu’elle collabore sur les outils, les méthodes et les preuves que nous pouvons offrir aux États pour les aider à adopter une économie centrée sur les droits humains.

En fin de compte, la construction de sociétés prospères, équitables, inclusives, pacifiques et durables est l’œuvre d’innombrables acteurs dont les expériences vécues, l’expertise et les points de vue méritent d’être valorisés. Aucune entité n’a à elle seule toutes les réponses. Nous devons apprendre les uns des autres.

Nous avons vu où la politique du deux poids deux mesures et le fait de privilégier certaines voix nous ont menés en matière de droits humains, et dans l’ensemble de notre système de gouvernance mondiale. Alors que nous nous efforçons de relancer la coopération internationale, nous devons favoriser un nouveau mouvement pour la paix. Ce mouvement des droits humains compte à ses côtés un allié engagé.

Merci.

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