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Déclarations Procédures spéciales

Conclusions préliminaires du groupe de travail sur le recours à des mercenaires - Mission en Belgique, 12 - 16 octobre 2015

16 octobre 2015

Nous souhaitons remercier le gouvernement belge d'avoir invité le groupe de travail à visiter le pays et de l'excellente coopération de ses différents représentants lors de notre visite. J'aimerais aussi remercier le coordinateur antiterrorisme de l'Union européenne et les partenaires du Réseau de sensibilisation à la radicalisation que nous avons pu rencontrer. Nous avons également apprécié le soutien de nos collègues du Bureau régional pour l'Europe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme dans le cadre de la préparation et de l'organisation de cette visite.

Nous présentons aujourd'hui, au nom du groupe de travail, les conclusions préliminaires de notre visite officielle en Belgique du 12 au 16 octobre. Lors de cette visite, nous avons eu l'occasion de rencontrer des parties prenantes, y compris des fonctionnaires du gouvernement, des universitaires et des représentants d'organisations de la société civile, y compris des familles de personnes ayant voyagé de la Belgique pour rejoindre le conflit en Syrie. Ces rencontres nous ont aidé à mieux comprendre ce phénomène complexe des combattants étrangers, en particulier dans le contexte belge.

La visite a coïncidé avec une période de préoccupation croissante en Belgique, suite à une série d'attentats terroristes et d'incidents liés au terrorisme, à savoir l'attentat de Charlie Hebdo en France, l'attentat du Musée juif à Bruxelles en mai 2014 et les raids antiterroristes de Verviers en janvier 2015, qui ont abouti récemment à l'adoption de différentes mesures de la part du gouvernement.

Le contexte actuel est également encadré par les circonstances politiques et socioéconomiques propres à la Belgique, dont la structure étatique complexe comporte différents niveaux de gouvernance : l'état fédéral, les communautés et les régions, et les villes et les municipalités, chacun ayant des responsabilités et des pouvoirs différents, mais avec une validité juridique identique. Les citoyens belges qui ne sont pas d'origine européenne sont sur-représentés dans les couches socioéconomiques inférieures et sont confrontés à des difficultés au niveau d'accès à l'emploi. Ces personnes sont également davantage exposées à la discrimination au travail et ont un niveau d'étude inférieur. Il y a également un taux de chômage des jeunes élevé (24 % de la population de moins de 25).

Le groupe de travail a été informé d'un certain nombre d'initiatives entreprises aux niveaux fédéral, régional et communautaire, et local, pour s'occuper des problèmes liés au phénomène des combattants étrangers. Il se félicite de ces initiatives opportunes et impératives pour veiller à ce que ce problème figure au premier rang de ses priorités nationales et que le discours fasse écho dans toute la société belge.

Étant donné la myriade d'acteurs impliqués et la prolifération des initiatives sur les combattants étrangers, le contexte politique complexe, les disparités socio-économiques susmentionnées, ainsi que la menace potentielle que représente la prolongation du phénomène, le groupe de travail juge qu'il est essentiel d'assurer une collaboration efficace entre les différents organes faisant face à cette question pour adopter une solution durable. À cet égard, nous recommandons le renforcement du plan stratégique, qui doit être entièrement intégré par le biais d'une participation la plus large possible, sur la base des informations issues de recherches et d'analyses multi-disciplinaires approfondies. Ce plan stratégique devrait apporter une compréhension claire des rôles respectifs et attirer les ressources nécessaires pour la mise en œuvre complète dans l'immédiat, ainsi qu'à moyen et à long terme. Il doit adopter une approche basée sur les droits de l'homme, et faire particulière attention à l'inclusion des communautés spécialement touchées, avec des indicateurs clairs, accompagnés du contrôle et de l'évaluation des programmes liés.

À la lumière des informations recueillies, le groupe de travail aimerait aborder plusieurs sujets. A l'occasion des réunions et d'autres actions communes, le groupe de travail a appris que le nombre de combattants étrangers (en Iraq et Syrie) en provenance de Belgique était estimé à 500 personnes. On nous a informé que les départs s'effectuaient par vagues, caractérisées dans la première vague par l'association à Sharia4Belgium en 2010, puis par le recrutement de pairs en 2012. Depuis 2014, il semble que la principale méthode de recrutement passe par des réseaux informels d'amis et de famille, et par les réseaux sociaux. Il convient de noter que les informations signalent également qu'un recrutement important s'effectue à l'heure actuelle par le biais d'amis et de membres de la famille en Syrie, qui sont aussi payés en fonction du nombre de personnes recrutées et du fait que leurs recrues se marient par la suite.

On nous a signalé que les profils des combattants étrangers sont divers, mais que l'on peut affirmer que leur âge moyen se situe aux alentours de 23 ans et moins. Les femmes sont également de plus en plus nombreuses à partir. On nous a également signalé la nature variée des motivations, qui intéressent particulièrement le groupe de travail, et dans une certaine mesure, leur caractère individuel. Parmi les motivations identifiées : conviction religieuse, raisons humanitaires, besoin de connaître un sentiment d'appartenance et d'acceptation, recherche de moyens de subsistance, besoin d'échapper à un passé criminel et recherche d'aventure.

L'attention du groupe de travail a été attirée sur le fait qu'un certain nombre de mesures ont été prises par les autorités à tous les niveaux, afin de faire face au problème des combattants étrangers. Parmi celles-ci, le gouvernement fédéral a annoncé douze mesures le 16 janvier 2015, couvrant notamment l'inclusion d'une nouvelle infraction de terrorisme dans le code pénal, l'extension du recours à des méthodes d'enquête spéciales, l'élargissement du cadre de suppression de la nationalité et des passeports, la révision des procédures de contrôle, l'échange d'informations et la lutte contre la radicalisation en prison. Le groupe de travail demande instamment à ce que les droits de l'homme soient appliqués et respectés, dans le cadre de la mise en œuvre de ces mesures, en particulier en ce qui concerne les droits au respect de la vie privée, à la liberté d'expression et de mouvement, et les droits à une nationalité.

Le groupe de travail a été informé des efforts politiques et administratives en cours aux niveaux fédéral, régional et communautaire, et local. Il semble que leur accent soit sur l'intervention par le biais de la prévention et du droit pénal, de la recherche et d'une meilleure communication en vue de renforcer les capacités et de consolider la résilience. On nous a également signalé qu'un soutien financier a été octroyé à 109 villes et municipalités, qui déterminent leurs propres priorités, avec un complément de subventions annuelles bénéficiant à 10 autres municipalités. Les initiatives englobaient une assistance téléphonique destinée aux parents, un dialogue interreligieux et la formation de professionnels de premier plan au développement identitaire chez les jeunes musulmans et au soutien des familles ou des pairs. Le groupe de travail se félicite de ces actions entreprises, recommande vivement la réalisation d'une étude plus large afin de mieux orienter les mesures et souligne la nécessité d'adopter des structures et des approches à plus long terme.

Dans le contexte de cette série de mesures, le groupe de travail insiste sur le fait qu'il convient de mettre l'accent sur les mesures préventives ainsi que réhabilitatrices, pour répondre aux causes immédiates et profondes du phénomène des combattants étrangers, dans le plus grand respect des droits de l'homme. Toutes mesures punitives devraient être suivies par des magistrats, afin de garantir le droit à un procès équitable et d'inspirer la confiance à l'égard du système judiciaire.

Le groupe de travail constate le manque de programmes de réintégration et de réhabilitation structurés pour les rapatriés. Dans cette optique, nous recommandons l'application de bonnes pratiques de mentorat, tels le modèle Aarhus au Danemark, dans des municipalités comme celle de Vilvoorde et la Communauté francophone.

Nous insistons sur le fait qu'une meilleure cohésion sociale permettra d'atténuer les risques de sécurité à long terme, et qu'un soutien actif aux communautés et aux familles peut également être largement favorable à l'optimisation des mesures. De même, l'enseignement a été désigné en permanence en tant que véhicule essentiel pour la sensibilisation et le dialogue. Le groupe de travail soutient les initiatives de sensibilisation dans les écoles et les plateformes associées, qui permettent un dialogue avec les élèves, en particulier au niveau de l'enseignement primaire.

La coordination était un thème récurrent entre nos interlocuteurs. Les autorités locales, entres autres, ont remarqué que la coordination institutionnelle était primordiale pour assurer l'efficacité des programmes, de même que la compréhension claire du niveau et du rôle de chacun dans le système fédéral au sens large.

En termes d'action au niveau européen et international, le groupe de travail encourage une meilleure coordination, notamment à l'intérieur de l'Union européenne, et, d'une importance cruciale, entre les pays d'origine et de transit des combattant étrangers. Il recommande également vivement une coopération efficace dans le cadre du partage des informations et du rassemblement de preuves, pour soutenir les procédures judiciaires.

En conclusion, le groupe de travail considère que la société belge est arrivée à une occasion à ne pas manquer d'avancer dans son approche au phénomène complexe des combattants étrangers. Le groupe de travail encourage tout effort visant l'intégration dans ce processus.

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