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Déclarations Procédures spéciales

Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible M. Dainius Pūras Visite de pays en Algérie, du 27 avril au 10 mai 2016

11 mai 2016

Observations préliminaires

Alger, le 10 mai 2016

Membres de la presse,
Mesdames et messieurs,

Je souhaiterais commencer par remercier sincèrement le Gouvernement algérien de m'avoir invité à évaluer, dans un esprit de dialogue et de coopération, la réalisation du droit à la santé dans le pays. Au cours de ma visite j'ai rencontré de hauts responsables du Gouvernement, des membres du législatif, et les institutions pertinentes de la santé. J'ai également rencontré les membres de la Commission nationale des droits de l'homme, et des représentants d'organisations internationales, ainsi qu'un ensemble d'acteurs de la société civile, y compris les associations professionnelles dans le secteur de la santé.

J'ai eu la possibilité de visiter des établissements de santé à différents niveaux à Alger, Blida, Djelfa, Sétif, Tipaza et Oran, y compris les Unités de dépistage et de suivi (UDS) dans les écoles primaires, les polycliniques, les centres hospitalo-universitaires, une unité de santé dans une prison, des unités psychiatriques dans les hôpitaux généraux, et des centres de santé mentale pour enfants. Je saisis cette opportunité pour remercier le Coordinateur résident de l'ONU ainsi que l'équipe de pays de l'ONU pour leur soutien crucial à ma visite. 

Vous trouverez dans cette salle un court document expliquant mes responsabilités en tant que Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (le droit à la santé). Je suis expert indépendant, relevant de et conseillant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU et l'Assemblée générale de l'ONU sur la réalisation du droit à la santé.

Après deux semaines dans le pays, j'ai rassemblé une grande quantité d'informations et de témoignages, qui m'aideront à évaluer la réalisation du droit à la santé en Algérie.

Aujourd'hui, je ne présenterai que certaines de mes observations préliminaires, qui seront détaillées dans un rapport à présenter au Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève, en juin 2017.

Contexte général et réalisations

Depuis son indépendance en 1962, l'Algérie a fait des réalisations considérables dans l'amélioration de la situation de la santé dans le pays, à travers un engagement soutenu à la politique de santé publique. Les indicateurs relatifs à la santé ont connu des améliorations radicales depuis l'indépendance.  L'espérance de vie de la plupart des segments de la population a considérablement augmenté, les taux de mortalité maternelle et infantile ont baissé, et des campagnes de vaccination réussies ont été introduites. Le pays s'est également engagé dans d'importantes réformes sociales, y compris l'accès gratuit universel à la santé et à l'éducation. 

Les revenus des exportations d'hydrocarbures ont permis à l'Algérie de garantir la stabilité macroéconomique et la croissance et le développement économiques pendant les dernières décennies.  Combiné à un engagement clair des autorités publiques, cela a ouvert la voie à certains exploits concernant la réalisation du droit à la santé.

Le secteur de la santé en Algérie s'est développé avec un accent clair sur l'accès gratuit et universel aux soins primaires de santé pour la majeure partie de sa population, y compris les non ressortissants. Des investissements considérables ont été faits pour développer les infrastructures de santé et pour rendre les services disponibles et accessibles, ainsi que pour répondre aux déterminants sous-jacents de la santé, y compris la pauvreté, l'éducation, l'alimentation et la nutrition, et le logement. 

En dépit de la crise financière actuelle liée à la chute des prix internationaux du pétrole depuis la moitié de l'année 2014, le pays a maintenu son engagement à améliorer la santé de sa population. Aujourd'hui il y a de sérieuses tentatives de répondre aux défis de la transition démographique et épidémiologique en cours d'un pays où près de 55 % de la population a moins de 30 ans, et les maladies non transmissibles sont devenues la principale source de préoccupation. 

L'Algérie est actuellement membre du Conseil des droits de l'homme de l'ONU (2014-2016), et a signé et ratifié pratiquement tous les traités internationaux en matière de droits de l'homme, à l'exception de la Convention contre les disparitions forcées et la plupart des Protocoles facultatifs des différents traités sur les plaintes individuelles .  Pendant les quelques dernières années, le pays a accueilli la visite d’un certain nombre  d’experts indépendants du Conseil des droits de l'homme, mais n'a pas encore lancé une invitation ouverte. Au niveau régional, l'Algérie a été active en matière de santé et d'importantes initiatives ont été prises notamment dans l'éradication du paludisme et la lutte contre le VIH/Sida. 

Le cadre législatif et normatif algérien reconnaît le droit à la santé et d'autres droits qu’y sont associés, ainsi que le droit à la protection de la violence et de la discrimination. Il existe un nombre de politiques, programmes et initiatives publics qui résultent de ce cadre, y compris les importants efforts consentis au cours des dernières années pour lutter contre le cancer. Je loue les efforts faits pour répondre aux inégalités dans l’accès à la santé, comme les programmes de jumelage, l’utilisation de la télémédecine et des unités de santé mobiles.

Principaux défis et populations dans les situations vulnérables

Les deux prochaines décennies représentent un moment important pour l'Algérie pour atteindre deux objectifs importants et interdépendants: réaliser les Objectifs de développement durable à l'horizon 2030, notamment en investissant dans la santé individuelle et de la société; et assurer la réalisation effective du droit à la santé de sa population. 

Au niveau international, l'Algérie a introduit des réserves à certains traités, ce qui, ajouté au retard dans la présentation de rapports à certains organes de contrôle des traités, peut sérieusement porter atteinte à la responsabilité du Gouvernement et aux efforts entrepris jusqu'à présent dans le domaine du droit à la santé.

Algérie n'a pas réalisé l'OMD 5 sur la réduction des taux de mortalité maternelle à l'horizon 2015, et a encore un taux de mortalité néo-natale élevé.  Malgré le travail louable accompli avec les organismes des Nations Unies sur ces questions, la disponibilité et la qualité des données pertinentes liées à la santé, ainsi que de bonnes études analytiques, restent un défi important qui compromet sérieusement les efforts de la politique publique en matière de santé et les secteurs liés à la santé. J'encourage les autorités à investir dans les évaluations menées à l'échelle nationale des politiques et programmes de santé. 

Système de santé

Le système de santé algérien a réalisé des résultats impressionnants en termes de disponibilité et d'accès aux soins, et a été renforcé en termes d'infrastructures, d'équipements et d'effectif. La population dispose d'une couverture financière pour la plupart des services de santé publique, ce qui a contribué à l'amélioration radicale des indicateurs de santé. 

Pendant les deux semaines dans le pays, j'ai visité diverses structures de santé à différents niveaux.  Les établissements que j'ai visités étaient relativement en bon état, et les services fournis semblaient adéquats.  Cependant, j’ai connaissance des études qui montrent des lacunes dans les infrastructures et les équipements, ainsi que dans la disponibilité et la qualité des personnels de santé, en particulier dans les régions éloignées. Cela comprend l'étude menée par la Commission nationale des droits de l'homme en 2008/2009. 

Le système de santé actuel met fortement l'accent sur les soins primaires (de proximité) et les services spécialisés, ce qui est une bonne base pour parvenir à une couverture complète. Mais des défis importants subsistent quant à l'accès équitable et la qualité des services, et l'accent excessif sur la médecine spécialisée. J'ai observé un recours disproportionné aux soins hospitaliers par rapport à l'attention portée aux soins aux patients externes, et la promotion de la santé et la prévention. Il semble y avoir un manque de bonne gouvernance et de stimulants à gérer correctement les différents niveaux du système de santé afin d'encourager l'utilisation des soins primaires.  L'Algérie devrait investir dans le renforcement du rôle des médecins généralistes, l’amélioration de leurs capacités et leurs compétences, ainsi que de celles de leurs équipes (infirmiers, travailleurs sociaux, assistants), et pour mettre en place des stimulants innovantes pour consolider leur position en tant que «gardiens» du système.

En outre, en raison de la faible qualité des soins dispensés dans le secteur public, le secteur privé est en croissance rapide de manière non réglementée conduisant à un système qui offre des soins de meilleure qualité pour ceux qui peuvent payer (par eux mêmes) et donc augmente les inégalités dans l'accès aux soins de santé.

Les réalisations du système de santé pourraient être renforcées en investissant dans la participation significative de toutes les parties prenantes, y compris les utilisateurs des services de santé (patients), la société civile indépendante et les autorités locales. Les consultations menées en juin 2014 pour l'élaboration de la nouvelle loi sanitaire sont un signe positif. La nouvelle loi et les décrets connexes seront certainement adoptés bientôt, et je demanderai plus d’informations aux autorités concernant cette loi.  Toutefois, davantage d'efforts sont nécessaires pour assurer le suivi et la transparence adéquats dans le secteur des soins de santé, y compris par la mise en place et la collaboration avec des mécanismes indépendants. 

Je vais maintenant aborder les questions et la situation de certains groupes et segments de la population qui ont émergé au cours de ma visite comme pertinents en ce qui concerne la pleine réalisation du droit à la santé en Algérie.

La violence comme question transversale pour le droit à la santé

Pour des raisons historiques, les dommages causés par la violence sont bien connus de la société algérienne.  Durant les années 1990, le pays a connu des troubles sociaux et une décennie de violence extrême appelée la « décennie noire ». Pendant cette période, le pays a fait face à la violence des groupes armés, ce qui a causé un traumatisme profond au sein de la population, et qui n'a pas encore été abordé de manière adéquate à différents niveaux. 

Lors de ma visite, j'ai observé qu'il existe un héritage de tolérance envers certaines formes de violence dans certains contextes, et contre certains groupes et tranches de la population.

Dans une large mesure, la violence contre les enfants et les femmes est largement tolérée par la société.  Les châtiments corporels, y compris contre les enfants, restent légaux dans la famille, les structures d'accueil et les établissements pénitentiaires.  Les femmes maltraitées, y compris par leurs maris, ne reçoivent pas toujours une protection et des services adéquats, et sont socialement stigmatisées. 

Les mesures législatives récentes sont à saluer, telles que celles concernant la protection des enfants (loi 15-12 de 2012), et la protection des femmes contre la violence (amendements au Code pénal, 2016).  J'ai demandé davantage d'informations sur ces récentes modifications législatives que je vais étudier au cours des prochains mois. 

Toutefois, ces changements normatifs ne sont que des premiers pas. La mise en œuvre nécessite des allocations budgétaires adéquates, la mise en place de services et de protocoles appropriés ainsi que la sensibilisation générale et la formation des professionnels clés (travailleurs de la santé, la police et les enseignants). Des efforts concertés soutenus par les autorités et toutes les parties prenantes, y compris les organisations représentant les femmes et les jeunes, sont nécessaires. J’encourage les autorités à continuer à travailler sur les campagnes intersectorielles pour mettre un terme à la violence dans le pays, avec l’assistance technique des institutions pertinentes des Nations Unies.

La prévention de la violence est essentielle pour assurer la pleine jouissance du droit à la santé et pour répondre efficacement aux objectifs dans le cadre des ODD. Cela doit être fait par des investissements dans les services de soutien modernes pour les enfants, les femmes, les familles et les jeunes, ainsi que par le biais de la sensibilisation du grand public au fait qu'aucune forme de violence - même «légère»- ne devrait être tolérée, et les victimes doivent être protégées et non blâmées.

Droit des femmes à la santé

Les femmes en Algérie ont bénéficié de l'amélioration globale des indicateurs de santé depuis l'indépendance, y compris l'augmentation de l'espérance de vie, et la lutte contre les maladies infectieuses. L'Algérie devrait être félicitée pour les efforts déployés au cours des dernières années pour la prévention et le traitement du cancer, notamment les cancers du sein et du col de l'utérus.

La transition démographique en cours a impliqué une diminution importante des taux de fécondité. Les femmes ont accès au système éducatif à tous les paliers, sont représentées à tous les niveaux du gouvernement national et local, et forment une grande partie de l'effectif de la santé, y compris le personnel médical.

Cependant, de sérieux défis restent s'agissant de la pleine réalisation du droit des femmes à la santé, y compris les obstacles à l'accès aux services liés à la santé, l'éducation et l'information fondées sur des faits probants. Le secteur de la santé est l'un des secteurs public les mieux placés pour veiller à ce que les femmes soient suffisamment soutenues, protégées et habilitées par le biais de services accessibles et de qualité.

La mortalité maternelle et néonatale reste élevée en Algérie, et le pays n'a pas réussi à atteindre l'OMD5 sur la réduction de la mortalité maternelle.  La majorité des décès sont évitables et les chiffres sont plus élevés dans les régions rurales éloignées. Le Gouvernement mène actuellement une action importante avec l’appui des agences des Nations Unies pour réduire la mortalité maternelle et néonatale. Cependant, l'engagement au plus haut niveau du Gouvernement doit être associé à des mesures pratiques pour assurer l'égalité réelle à travers le pays. 

L'interruption thérapeutique de grossesse est autorisée en Algérie sous quelques exceptions; cependant les cas de viol et d'inceste ne sont pas inclus, ce qui peut conduire les femmes vers les avortements clandestins dangereux. En outre, la prévalence de la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, crée un problème grave des droits de l'homme et de santé publique qui doit être réglé sans délai. Pour briser le cercle vicieux de la violence, il doit y avoir une volonté politique claire et forte pour veiller à ce que le cadre normatif et politique protège et autonomise les femmes.  En ce sens, certains aspects du cadre normatif doivent être renforcés et mis en œuvre de manière efficace. Comme je l'ai dit, j'ai été informé au cours de ma visite des récentes modifications apportées au Code pénal en ce sens, et j'espère les étudier dans les prochains mois.

Droit des adolescents et des jeunes à la santé

Compte tenu de la transition démographique en cours, avec des taux inférieurs de fécondité et l'augmentation de l'espérance de vie, les adolescents et les jeunes constituent une partie très importante de la population algérienne et offrent une occasion unique au pays de récolter la dividende démographique. Ce groupe joue donc un rôle décisif dans la réalisation efficace des ODD liés à la santé.

En 2012, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a soulevé des questions importantes liées au droit des enfants et des adolescents à la santé, mais beaucoup d'entre elles semblent ne pas avoir été suffisamment prises en compte.  Par exemple, les services de santé sexuelle et reproductive aux adolescents restent insuffisants, et l'éducation et les informations complètes, adaptées à l'âge, en matière de santé sexuelle et reproductive ne sont généralement pas disponibles.

Voilà pourquoi je tiens à souligner la nécessité de concevoir et de mettre en œuvre une politique publique intersectorielle pour les droits de santé sexuelle et reproductive destinée aux adolescents à l'intérieur et en dehors du système éducatif. Cette politique devrait tenir compte des droits à la santé sexuelle et reproductive, la sexualité saine, la prévention des grossesses non désirées, l'utilisation de toutes les formes de contraceptifs et les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/Sida. 

J'ai observé, dans l'ensemble, un manque de mise en œuvre effective des mesures de politique adressées aux enfants en raison de ressources financières et techniques insuffisantes. À ce jour, aucune institution nationale indépendante pour la promotion et la protection des enfants n'a été mise en place.

Les adolescents et les jeunes devraient être impliqués de manière significative dans tous les domaines et décisions qui les concernent. Les services doivent être adaptés aux adolescents et aux jeunes, de sorte que les adolescents aient confiance en eux et ne les évitent pas. Ceci est particulièrement important en ce qui concerne la santé mentale et le bien-être émotionnel des adolescents, y compris la prévention du suicide, et l'identification précoce des problèmes de santé mentale.  Ceci est également crucial en ce qui concerne les adolescents qui consomment des drogues. 

En outre, il est essentiel que les jeunes qui ont l'intention d'avoir des enfants ou qui en ont déjà reçoivent des services de soutien pour leur permettre de développer les compétences parentales adéquates.  Lors de ma visite, j'ai été informé que les couples non mariés et les mères célibataires font face à d'importants obstacles dans l'accès aux services de santé en raison de la stigmatisation et des attitudes négatives des travailleurs de la santé. 

Personnes vivant avec le VIH/sida

L'Algérie a une faible prévalence du VIH/Sida et le pays a mis en place d'importants programmes pour lutter contre la propagation de la maladie et assurer l'accès au traitement pour les personnes vivant avec le VIH/Sida, y compris par le biais des centres de dépistage, et un programme pour l’élimination de la transmission mère-enfant.

Toutefois, la prévalence du VIH/Sida reste élevée parmi les populations clés, y compris les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs du sexe, les toxicomanes, et les migrants. Ces groupes sont confrontés à de sérieux obstacles, à la stigmatisation et à la discrimination, à la fois en droit et dans la pratique, et ont tendance à éviter d'utiliser les services de santé. Tout en louant les changements récents dans les politiques visant ces populations clés, davantage d'efforts sont nécessaires pour les atteindre activement à la fois en tant que mesure préventive, mais également pour garantir l'accès aux services.

Les ODD visent à éliminer le VIH/Sida d'ici 2030. L'Algérie a fait des efforts considérables et pourrait atteindre cet objectif. Cependant, cela ne peut se faire sans assurer la discrimination zéro dans les services de soins de santé.  Lors de ma visite, j'ai appris qu'il y avait encore de nombreux défis puisque le VIH/sida reste un tabou dans la société algérienne.  Les personnes vivant avec le VIH/sida font face à différentes formes de discrimination et de stigmatisation lors de l'accès aux soins et au traitement, et d'importantes disparités régionales demeurent. Les changements normatifs sont nécessaires pour faire en sorte que l'Algérie atteigne l'objectif d'éliminer le VIH/sida d'ici 2030.

Politique anti-drogue et droit des consommateurs de drogue à la santé

La consommation de drogues était, jusqu'à récemment, un tabou dans la société algérienne.  Cependant, j'ai visité deux centres de santé, à Oran et à Alger, qui avaient des programmes et des services spécifiques pour les usagers de drogue. De telles structures et programmes semblent avoir une bonne approche, y compris la fourniture de services de réduction des risques lie à l’usage des drogues, mais devraient être accompagnés par des programmes appropriés de prévention, d'éducation et d'information. 

Les secteurs de santé et les services connexes, y compris les ministères de l'éducation et de la jeunesse, doivent être plus actifs dans la promotion de la prévention, des services et du traitement fondés sur les faits probants pour les usagers de drogues. Conformément à ces programmes, l'Algérie doit faire en sorte que son cadre normatif n’érige pas en infractions les actes mineurs liés à la drogue, et devrait continuer à promouvoir des mesures non punitives/non privatives de liberté à la consommation de drogue. 

Droit à la santé des migrants, réfugiés et demandeurs d'asile

L'Algérie est un centre de transit majeur pour les mouvements de populations mixtes irrégulières. Pendant les quelques dernières années, le nombre de migrants, notamment les travailleurs migrants et les sans papiers, a augmenté dans le pays. La loi algérienne pénalise les migrants irréguliers ou sans papiers de diverses manières.

Dans l'ensemble, les migrants ont accès aux services de soins de santé gratuits, y compris ceux en situation irrégulière. Cependant, il y a absence de données ventilées fiables pour évaluer et surveiller leur situation du point de vue du droit à la santé. Ceci est source de préoccupation puisque la mobilité a été identifiée en Algérie comme un facteur déterminant pour l'épidémie de VIH/Sida et d’autres maladies transmissibles. 

L'Algérie manque d'un cadre juridique pour reconnaître les droits des réfugiés et des demandeurs d'asile, ce qui les amène souvent à être traités comme migrants en situation irrégulière. En l’absence d’un statut juridique et de la documentation civile nécessaire, les réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides sont confrontés à des difficultés administratives pour obtenir les certificats de naissance des enfants nés en Algérie, ce qui peut entraver leur accès aux services sociaux de base, y compris les services de santé. Cela devrait être abordé sans délai, également dans le contexte de l'ODD 16.9 en ce qui concerne la fourniture d'une identité juridique pour tous, y compris l'enregistrement des naissances.

Droit à la santé mentale et personnes ayant des déficiences de développement et handicaps psychosociaux

L'Algérie a ratifié la CDPH en 2009 et devrait procéder sans délai à sa mise en œuvre effective.  Cela implique, à mon avis, d'abord, de s'éloigner d'un modèle médical qui met un accent excessif sur le diagnostic médical et d'abandonner les pratiques anciennes qui conduisent à l'exclusion des personnes en fonction du diagnostic. Par exemple, les enfants avec des niveaux modérés et graves de troubles du développement, après avoir été évalués par des médecins et des psychologues, sont orientés vers des centres qui relèvent de la compétence du Ministère de la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme. Cela pourrait être considéré comme une violation de leur droit à l'éducation. Tous les enfants, y compris tous les enfants handicapés, devraient être inscrits dans le système scolaire, et des plans éducatifs individuels devraient être développés pour traiter de manière appropriée le niveau de développement de chaque enfant.

L'Algérie devrait être félicitée d'avoir pris les premières mesures pour développer des services généraux de santé mentale pour les enfants et les adultes; mais ces initiatives restent encore des projets pilotes et doivent être reproduits. Je considère comme bon signe que les psychologues travaillent dans les secteurs de la santé et de l'éducation et que les psychiatres travaillent dans les centres de proximité ou de santé primaire.  Les médicaments essentiels pour traiter les problèmes de santé mentale sont généralement disponibles.

Cependant, cela ne suffit pas pour que les politiques et les services de santé mentale modernes soient en place. Le secteur de la santé mentale en Algérie est excessivement tributaire des hôpitaux psychiatriques, et le nombre de travailleurs de la santé mentale au niveau des patients hospitalisés est supérieur au niveau des malades externes. Cela devrait en fait être le contraire; les services aux patients externes dans les hôpitaux généraux devraient être plus nombreux que les services de santé mentale pour patients hospitalisés.

Au lieu de construire de nouveaux hôpitaux psychiatriques, chaque hôpital général doit avoir une unité de psychiatrie en milieu hospitalier pour rendre les soins de santé mentale plus accessibles à tous et éviter la stigmatisation. 

Membres de la presse,
Mesdames et messieurs,

Il existe des possibilités pour parvenir à la réalisation progressive du droit à la santé en Algérie, mais les pouvoirs publics doivent redoubler d'efforts pour résoudre certains problèmes structurels et systémiques pour faire en sorte que « personne ne soit oublié ».

Du point de vue des ODD, beaucoup de questions liées au droit à la santé sont intersectorielles et devraient être traitées avec des approches horizontales qui favorisent l'utilisation efficace des soins primaires, incorporent les efforts concertés de toutes les parties prenantes, y compris les citoyens et la société civile, par le biais d'une participation et une consultation significatives.  Les systèmes de santé seuls ne peuvent pas répondre à toutes les questions liées au droit à la santé.

La non-discrimination, l'égalité, la participation et la responsabilisation, qui sont cruciales pour la réalisation du droit à la santé et des droits connexes, devraient servir de base pour consolider une approche de «santé dans toutes les politiques » et mettre en place des mécanismes pour assurer la bonne gouvernance du secteur de la santé. 

Permettez-moi de conclure maintenant en disant que je suis sincèrement reconnaissant au Gouvernement algérien de m'avoir invité à visiter le pays.  Cette visite m'a permis d'avoir une meilleure compréhension du droit à la santé et des droits connexes en Algérie. Cette invitation indique qu'il existe un engagement à assurer et garantir la jouissance du droit à la santé, et je souhaite que mes recommandations aident le pays à aller de l'avant. 

Je vous remercie.

L'Algérie n'a pas encore adhéré aux Protocoles facultatifs du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (peine de mort); de la Convention contre la torture; de la Convention relative aux droits de l'enfant; et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

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