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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Déclaration d’Andrew Gilmour, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, à la Formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, New York, 13 mars 2017

Situation au Burundi

13 mars 2017

​Excellences,

Dans son dernier rapport sur le Burundi, le Secrétaire général a noté ceci: «on signale que les violations des droits de l’homme se poursuivent à un rythme inquiétant. Malgré une baisse de la violence et une réduction du nombre d’affrontements armés, on continue de signaler des violations des droits de l’homme, notamment des meurtres, des disparitions forcées, des cas de violence sexiste, des arrestations et détentions arbitraires, des cas de torture et de mauvais traitements, ainsi que la présence de corps non identifiés.»

Dans sa déclaration au Conseil des droits de l’Homme le 8 mars, le Haut-Commissaire Zeid a souligné sa crainte «que l’espace démocratique n’ait été maintenant réduit à néant. (...) La décision récente de libérer près de 2 500 détenus est un signe encourageant, mais des centaines de personnes restent emprisonnées en raison de leur opposition réelle ou supposée au gouvernement.»

Quoi que décroissant, le nombre de cas présumés de détention arbitraire reste élevé. Nous continuons de recevoir des rapports d’exécutions extrajudiciaires ciblées, mais à un niveau nettement inférieur à celui atteint au plus fort de la crise. Cependant, les disparitions forcées sont à la hausse et les allégations de torture ont augmenté de façon significative.

Au cours des derniers jours, les collègues du HCDH ont interrogé un nombre important de réfugiés dans les pays voisins – pour citer un passage d’un rapport interne que j’ai reçu: «On recense de nombreux témoignages faisant état du recours systématique à la torture par le Service national de renseignement (SNR) à Bujumbura. Les personnes interrogées ont montré leurs cicatrices et contusions, témoignant des coups de bâtons assénés, elles ont rapporté avoir été forcées à marcher sur du verre brisé et évoqué des actes tels que de l’essence versée sur une plaie ouverte ou de l’acide sur certaines parties du corps. Certaines avaient des dents cassées après avoir été frappées avec la crosse d’un fusil et d’autres s’étaient fait arracher des dents.  Les allégations d’arrestation et de torture formulées par bon nombre des personnes interrogées, principalement en raison de leur appartenance ethnique, sont particulièrement préoccupantes.» Ces actes ont des implications évidentes – et franchement alarmantes – pour la consolidation de la paix au Burundi et dans la région.

Les médias et la société civile demeurent en proie à l’intimidation. La liberté d’expression et d’association est de plus en plus restreinte, avec l’adoption de nouvelles lois visant à contrôler le travail des ONG.  À la fin de l’année dernière, 11 ONG au moins ont été interdites ou suspendues, pour beaucoup par arrêté ministériel signé de la main du ministre de l’Intérieur.

Nous sommes préoccupés par les représailles à l’encontre des personnes qui ont coopéré avec le HCDH ou d’autres mécanismes des droits de l’homme. En janvier par exemple, la Cour d’appel de Bujumbura a décidé de radier trois avocats de l’Association du barreau et d’en suspendre un quatrième. Ces représailles sont liées à la contribution des quatre avocats, en juillet dernier, à un rapport soumis par une coalition d’OSC au Comité contre la torture des Nations Unies (CAT).

Le HCDH n’a été informé d’aucune enquête ouverte contre les auteurs présumés des violations des droits de l’homme. Il en résulte bien entendu un sentiment d’impunité, encore exacerbé par le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire.
Nous sommes également préoccupés par la progression du nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire – qui est passé de 1,1 million à au moins 3 millions (soit 26 pour cent de la population totale); également, l’insécurité alimentaire concerne aujourd’hui quatre fois plus de personnes – passant de 730 000 à 3 millions d’individus, en raison de la hausse des prix des produits alimentaires, de la baisse des précipitations et des mauvaises récoltes. La crise sociopolitique s’est répercutée sur l’état de droit et sur l’accès aux services de soutien essentiels, exposant ainsi les plus vulnérables aux risques de protection multiples, y compris la violence sexiste et d’autres violations et abus.

La dernière fois que je me suis tenu ici, devant vous, le 19 octobre 2016, j’ai réaffirmé que «le Haut-Commissariat et le gouvernement du Burundi entretiennent une collaboration positive de longue date depuis 1995». «Celle-ci a conduit à la création d’une Commission nationale en matière de DH ainsi qu’à de nombreux autres développements positifs». Et j’ai fait part de notre gratitude à cet égard. J’ai mentionné également que nous étions alors confrontés à une déferlante de réactions négatives de la part des autorités du Burundi suite à la publication du rapport des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme afin d’enquêter sur les violations commises. Malheureusement, la situation n’a pas connu d’amélioration positive.

Le 11 octobre, le gouvernement a décidé de suspendre toute forme de coopération et de collaboration avec notre Bureau jusqu’à nouvel examen. En novembre, nous lui avons communiqué un projet de modèle de protocole d’entente pour le bureau du HCDH, et trois mois et demi plus tard, à la fin du mois de février, ils sont revenus vers nous en soumettant un projet modifié.

Il ressort hélas des divers amendements proposés par le gouvernement que l’objectif était ici de limiter et d’entraver de façon considérable le bon accomplissement du mandat du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, de même que son indépendance et sa capacité à fonctionner. Leur projet suggérait des changements comme une réduction de 90 pour cent du personnel (nous limitant à un effectif de 5 membres à l’échelon national et international, contre 51 actuellement), une durée de mandat de deux ans seulement, des restrictions à notre liberté de mouvement, l’absence de suivi, et nous imposait de visiter les centres de détention uniquement en étant accompagnés de la Commission nationale des droits de l’homme.

Nous demandons instamment au gouvernement du Burundi de conclure rapidement les négociations et de signer le protocole d’entente régissant les relations avec notre bureau au Burundi. Nous apprécions le soutien de la Commission de consolidation de la paix, qui continue d’encourager le gouvernement à renouer une pleine coopération avec notre bureau.

La reprise de cette pleine coopération entre le gouvernement du Burundi et notre bureau nous permettra de continuer d’appuyer les priorités énoncées par les autorités dans le domaine des droits de l’homme. Celles-ci ont été formulées par S.E. M. Albert Shingiro, Représentant permanent du Burundi, lors de la réunion de la Formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix tenue le 19 octobre 2016.

Je tiens à réaffirmer la volonté de l’ensemble de notre bureau d’accompagner les institutions burundaises dans une perspective de protection et de promotion accrue des droits de l’homme.

Nous encourageons les autorités du Burundi à prendre des mesures concrètes visant à démontrer que «l’engagement inébranlable du Burundi en faveur des droits de l’homme» – pour reprendre les termes du ministre des Affaires étrangères du Burundi à l’Assemblée générale des Nations Unies – est une réalité.

À cette fin, nous exhortons respectueusement le gouvernement burundais à prendre les trois mesures ci-après:
• Traduire en justice et demander des comptes à tous les auteurs de violations des droits de l’homme, y compris, bien entendu, les sympathisants du gouvernement, et pas uniquement ceux qui sont considérés comme appartenant à l’opposition;
• Lever les restrictions et autres mesures visant des ONG, ainsi que les médias, pour leur permettre d’opérer plus librement;
• Exhorter le Burundi à signer sans plus tarder le protocole d’entente avec le HCDH.

En conclusion, dans un contexte tel que celui du Burundi, la dégradation des droits de l’homme affecte la quasi-totalité des secteurs d’activité dans le pays; ce qui cadre bien avec la reconnaissance du fait que «le développement, la paix, la sécurité et les droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement.» D’où les liens très forts – et même fondamentaux – entre les droits de l’homme et le processus de consolidation de la paix au Burundi.

Un grand merci à vous.

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