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Déclarations

Déclaration de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation à la 76e session de l’Assemblée générale

18 octobre 2021

New York, 18 octobre 2021

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur pour moi de prendre la parole devant la 76eme session de cette illustre assemblée en ma qualité de rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation.

En application des résolutions 8/4 44/3 du Conseil des droits de l’Homme et, je présente aujourd’hui, mon rapport qui traite les difficultés rencontrées par les migrants/es pour leur accès à l’éducation, constituant un droit fondamental et les recours pour garantir leur droit à une éducation de qualité.

J’estime que cette question est particulièrement pertinente dans le contexte actuel. Récemment, dans le cadre de l’analyse de la situation de migrants en Libye comme « Un cycle de violence ‘choquant’ pour les migrants venant de Libye en quête de sécurité en Europe ».

Une équipe a été envoyée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme pour examiner la situation des migrants/es transitant par la Libye, a mis en évidence un cycle de violence au cours duquel des personnes ayant été confrontées à des horreurs inimaginables en Libye étaient laissées à la dérive pendant des jours en mer, voyaient leurs bateaux dangereusement interceptés et étaient renvoyées, les conduisant à subir des détentions arbitraires, des tortures et d'autres violations graves des droits de l'Homme , qui ne peut être considérée comme un port sûr pour les migrants.

Les personnes secourues et débarquées sur les côtes européennes sont trop souvent exposées au risque de détention arbitraire, dans des conditions qui peuvent aussi s'apparenter à des mauvais traitements. La situation est devenue d'autant plus grave à la lumière de la pandémie de COVID-19.

Mon rapport met en lumière les obstacles auxquels les migrants sont confrontés dans l’exercice de leur droit à l’éducation.

En 2020, plus de 281 millions de migrants/es dans le monde étaient privé(e)s de leur droit en matière d’éducation. Or, c’est par le biais de l’éducation que chaque individu accède aux ressources culturelles nécessaire pour développer librement son processus d’identification, vivre des relations mutuelles enrichissantes, affronter les problèmes au quotidien et de participer au développement de sa société.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Si le droit à l’éducation prend ses racines dans de nombreuses législations internationales telles que la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les conventions relatives aux droits de l’Homme et les différentes conventions régissant la protection des droits des migrants/es ou dénonçant la discrimination sous toutes ses formes.

Complétées par les cadres régionaux (les chartes de l’Union Africaine, la Déclaration des droits de l’homme de l’ASEAN, convention américaine relative aux droits de l’Homme convention européenne des droits de l’homme, la charte arabe des droits de l’Homme…)

Force est de constater que les migrants (enfants, filles, femmes, handicapes, LGTBQIA, personne en détention…), dans leur quotidien, doivent faire à de nombreux obstacles dans l’exercice de leur droit à l’éducation dont :

  • Les actes de discrimination sous toutes ses formes ;
  • Manque d’infrastructure ;
  • Accès difficile aux systèmes d’enseignements publics ;
  • Exclusion ;
  • Législation restrictive en matière de migration ;
  • Éducation ségrégative ;
  • Manque de documentation (actes de naissance, dossiers scolaires antérieurs) ;
  • Inexistence de mécanismes permettant la collecte des données afin de faciliter leur intégration ;
  • L’abus en termes d’utilisation des outils informatique vis à vis des migrants

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Afin de réaliser l’objectif ambitieux d’une meilleure protection des droits à l’éducation des migrants/es, l’approche par la méthode des 4A (Adéquation des ressources, Accessibilité, Acceptabilité, Adaptabilité) constitue une des pistes de solutions. Ceci se traduit comme suit :

  • La mise à leur disposition des ressources financière humaine et matérielle ;
  • Faciliter leur accès par une meilleure considération de leurs difficultés au niveau national à travers une amélioration des cadres juridiques ;
  • Encourager l’enseignement de qualité par la considération de leurs parcours et situation ;
  • Promouvoir une éducation inclusive et sociétale des migrants/es.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Pour aller plus loin dans notre réflexion visant à un épanouissement des migrants/es, synonyme de leur accès à une éducation de qualité, leur participation à une société plus résiliente tenant compte de leurs aspirations et la levée des obstacles susmentionnés.

En référence, à la pensée de Paulo Freire l'un des plus grands éducateurs du monde qui célèbre son centenaire en 2021 et qui défend une éducation démocratique et émancipatrice nous enseigne que la formation des enseignants /tes doit tenir compte de la recherche, de la critique ,du respect des différents savoir et mode d’apprentissage, de l’éthique, du dialogue, de l’autonomie, de la générosité, de l’espoir, de l’humilité scientifique, du rejet de toute discrimination, de la réflexion critique sur la pratique, reconnaissance et appropriation de l’identité culturelle, conscience de l’incomplétude, bref que l’enseignement est une spécificité humaine et doit s’appuyer sur des principes politiques, axiologiques, gnoséologiques et épistémologiques. L'abandon scolaire n'est pas lié au statut de migrant ou de pauvre ou de minorité mais de la structure de notre société qu'il faille absolument revisiter.

Permettez-moi donc de vous faire la proposition d’actions à l’endroit des pouvoirs politiques (Etats), en guise de recommandations pour l’atteinte de l’objectif commun, à savoir l’exercice plein du droit à l’éducation des migrants/es :

  • L’élaboration participative des politiques et programmes éducatifs conformes aux 4A, couplés à une approche intersectionnelle des droits humains et de la non-discrimination ;
  • Adoption ou amélioration (si déjà existants) de cadres politiques, juridiques, et de financements pour une éducation de qualité et inclusive ;
  • Renforcer l’offre publique en termes d’éducation pour les migrants/es par la formation interculturelle des enseignants, en particulier ceux s’occupant des personnes handicapées, afin de faciliter leur accès à un éventail de possibilité d’instruction et de service d’éducateurs spécialisés ;
  • Garantir un accès universel et inclusif des migrants/es, quelque soit leur statut juridique, à tous les niveaux d’enseignement tout au long de leur vie ;
  • Prendre des mesures garantissant le droit à l’éducation pour les filles et les femmes ;
  • Lutter contre la détention des migrants/es ;
  • Mettre en place des mécanismes, cadres, politiques combattant toutes formes de ségrégations (xénophobie, racisme) induites par les Etats et les systèmes afin d’offrir aux migrants, une éducation de qualité et l’inclusion sociale ;
  • Tenir compte des aspirations et besoins des migrants dans l’élaboration des politiques et programmes éducatifs ;
  • Valoriser les compétences des enseignants migrants avec le meilleur traitement accordé aux nationaux, selon le niveau des diplômes ;
  • Garantir la mobilité des enseignants et des étudiants migrants ;
  • Mettre en place des systèmes de collecte de données différenciées et fiables sur la situation des migrants/es et davantage dans l’éducation ;
  • Et mettre ces données différenciées à la disposition des institutions nationales, régionales et internationales pour une meilleure élaboration des politiques et des programmes.

Je vous remercie de votre attention. Je me réjouis de poursuivre un dialogue constructif et fructueux avec vous tous et toutes et de continuer à recevoir votre soutien inestimable à la réalisation de mon mandat.

Je vous remercie.