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Déclarations Procédures spéciales

Déclaration De M. Fortune Gaetan Zongo, Rapporteur Spécial Sur La Situation Des Droits De L’homme Au Burundi - 51ème session du Conseil des Droits de l’Homme

23 septembre 2022

A partir de

Conseil des Droits de l’Homme

Lieu

Genève

Point 4 de l’Agenda

22-23 septembre 2022

Madame le Président du Conseil des droits de l’homme,

Excellences,

Mesdames et Messieurs les délégués,

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations de la société civile,

L’occasion m’est donnée aujourd’hui de présenter mon premier rapport au Conseil des droits de l’homme conformément à la résolution 48/16 qui institue mon mandat. J’ai eu l’opportunité d’observer la situation des droits de l’homme au Burundi sous le prisme d’une approche prudente, tirée du travail du Haut-commissariat aux droits de l’homme, de la Commission d’enquête sur le Burundi, des organes de traités et de plusieurs procédures spéciales. Je poursuis le plaidoyer à l’effet de voir l’établissement d’un cadre de dialogue avec le Burundi, pays dont je salue la riche histoire riche qui a su rester debout malgré les clivages sociaux politiques.

Monsieur le Président,

Je voudrais témoigner ma profonde reconnaissance à cette auguste assemblée ainsi qu’à vous-même pour cette volonté commune de trouver des solutions aux préoccupations matière e promotion et de protection des droits de l’homme. Vous n’avez ménagé aucun effort pour encourager les Etats membres à coopérer avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme et partant, les titulaires de mandats.

Un proverbe africain souligne qu’: « Un seul doigt ne peut prendre un caillou » en d’autres termes l’union fait la force. Telle est l’idée que je me fais de mon mandat. Je reste convaincu que la combinaison des approches pourra apporter des solutions pour avancer la situation des droits de l’homme au Burundi.

Le Burundi a déposé sa déclaration d’acceptation des obligations contenues dans la Charte des Nations Unies le 18 septembre 1962, il y’a précisément soixante ans. Cette adhésion induit qu’il a accepté d’observer les règles et principes pour la réalisation de la paix et la sécurité, les droits de l’homme et le développement. Il est aujourd’hui est donc essentiel que le Burundi réaffirme son adhésion et consente à s’engager plus efficacement à faire avancer les droits de l’homme. Je reste pour ce qui me concerne, disposé à y travailler aux côtés de ses autorités et de tous les acteurs clés.

Excellences,

Mesdames, messieurs,

Le rapport qu’il m’est chargé de présenter ce jour, souligne des avancées en matière de lutte contre la traite des êtres humains au Burundi. La justice a lancé plusieurs enquêtes et poursuites concernant les infractions présumées, condamné des trafiquants et orienté les victimes pour une assistance. Le pays a également institutionnalisé la formation à la lutte contre la traite pour les agents d’application des lois, et le gouvernement a adopté la loi n° 1/25 du 5 novembre 2021 portant réglementation des migrations au Burundi.

Si on note quelques actes isolés visant à poursuivre les auteurs de violations et d’abus des droits de l’homme, l’impunité sélective quant à la poursuite des auteurs présumés des violations graves au profit de crimes de droit commun est notable. Malgré les engagements et les mesures prises par le gouvernement burundais, la situation des droits de l'homme n'a pas changé de manière substantielle et pérenne. L'obligation de rendre des comptes depuis la crise de 2015 constitue un des gages pour une paix durable, tout comme la nécessité de conduire des réformes institutionnelles plus profondes. A cet égard, l’Examen Périodique Universel de 2018 a donné l’occasion au Burundi d’accepter les recommandations visant à lutter contre l’impunité, et à consentir à mettre en place un système judiciaire pleinement transparent et équitable, conformément aux normes internationales.  Les quelques cas de plaintes déposées à la suite de violations graves ont rarement débouché sur l’ouverture d’enquêtes impartiales, et encore plus rarement sur la poursuite et la condamnation des auteurs, ce qui constitue en soi-même une violation du droit à un recours effectif.

La période depuis 2015 a donné cours à des violations graves et massives des droits de l’homme notamment des cas de violations du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, du droit à la vie avec des exécutions extrajudiciaires, des violations de l'intégrité physique (torture, traitements inhumains et dégradants et viols), des arrestations arbitraires, des disparitions forcées. Aujourd’hui encore on note des restrictions à la liberté d'association avec comme corollaire des centaines de défenseurs des droits de l’homme et des professionnels des médias en exil ainsi que des milliers de burundais.

Cette situation est renforcée par un contexte socio-économique marqué par les effets multidimensionnels de la COVID 19 qui a exacerbé la productivité agricole, une extrême pauvreté renforcée par le coût élevé de la vie notamment la hausse des prix de première nécessité, la pénurie du carburant, l’absence ou le faible accès aux soins de santé, à l'éducation, une crise alimentaire et le chômage des jeunes.

Monsieur le Président,

Les Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi signés en 2000 restent d’actualité et me servira de boussole, de et de base de réflexion pour identifier des repères et des perspectives pour une paix durable et une prise en compte plus efficace des principes des droits de l’homme au Burundi. L’article 5 dispose que « L’instauration d’un nouvel ordre politique, économique, social, culturel et judiciaire au Burundi dans le cadre d’une nouvelle constitution inspirée des réalités du Burundi et fondée sur les valeurs de justice, de la primauté du droit, de la démocratie, de la bonne gouvernance , de pluralisme, de respect des droits et libertés fondamentales des individus, d’unité, de solidarité, d’égalité entre les hommes et les femmes, de compréhensions mutuelle et de tolérance entre les différentes composantes politiques et ethniques du peuple burundais. ».

C’est dire que le Burundi dispose d’outils pour parvenir à une réconciliation durable. Cela peut sembler idéaliste pour certains mais je suis convaincu qu’une application du droit international des droits de l’homme est une solution idoine pour arrêter et prévenir les cycles de violence au Burundi. Suite aux violences de 2015 de nombreux auteurs de violations et abus des droits de l’homme appartenant aux forces de défense et de sécurité et même à des milices telles que les Imbonerakure n’ont pas été traduits en justice, des enquêtes sur ces violations et abus n’ont pas été initiées et quand bien même ce serait le cas, les conclusions ne sont pas connues.

La lutte contre l’impunité requière de fournir des recours adéquats à toutes les victimes, de reconnaitre les souffrances et de conduire des réformes institutionnelles. Ceci requière des processus concertés, inclusifs qui tiennent compte de toutes les sensibilités, des efforts continus et toute transparence.

L'établissement et la reconnaissance de la vérité est une autre composante importante. Elle donne une chance à ceux qui ont souffert des guerres et dont les voix n'ont pas été entendues de s'exprimer, d'être reconnues comme victimes et d'avoir une chance de réintégration sociale. Il revient aux Commissions vérités d'enquêter, d'établir et de reconnaître la vérité. Le rapport publié récemment déplore les faibles progrès observés sur des aspects du programme de justice transitionnelle, en particulier en ce qui concerne la responsabilité, les réparations, la restitution des terres et la réforme du secteur de la sécurité et de la justice. Beaucoup reste à faire dans ce domaine au Burundi. Un système de protection des victimes et témoins de violations et abus des droits de l’homme doit constituer la clé de voute pour une paix durable ainsi que des mécanismes de réparation adéquats.

En ce qui concerne les restrictions observées dans l’espace civique, les partis politiques d’opposition, les syndicats peuvent difficilement se réunir. La situation difficile des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme dont plusieurs ont été contraints à l’exil où ils vivent dans une grande précarité reste préoccupante. Les organisations des droits de l’homme travaillent dans un climat de peur par crainte de représailles. Par ailleurs, les lois sur les organisations non gouvernementales étrangères et les lois sur la presse limitent l’espace démocratique et renforcent le contrôle du Gouvernement. En outre, les modifications apportées aux lois sur la presse constituent une source de préoccupation pour l’indépendance de ces organisations.

Par ailleurs, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) jouit du « statut A » d’institution nationale des droits de l’homme et s’emploie constamment à protéger et à promouvoir les droits de l’homme au Burundi. Toutefois, il est indiqué que les autorités burundaises garantissent son indépendance formelle et matérielle et la dotent de moyens nécessaires pour la mise en œuvre de son mandat.

En marge de mon rapport, je voudrais saisir l’opportunité de cette tribune pour déplorer les discours de haine, particulièrement la déclaration du secrétaire général du CNDD-FDD, parti au pouvoir en août 2022, appelant les Imbonerakure à poursuivre les patrouilles de nuit et à tuer tout "fauteur de troubles". Je voudrais souligner ici que les forces de défense et de sécurité, conformément à l’Accord d’Arusha consistent en une force de défense nationale, une police nationale et un service de renseignement conformément à la Constitution, aux lois et aux règlements. Des groupes civils ne sauraient remplir des fonctions régaliennes sans fondement et en toute impunité.

Mesdames et messieurs,

Je reste mobilisé et engagé pour travailler aux côtés des autorités burundaises à l’effet d’améliorer la situation des droits de l’homme. Je continue de suivre la situation avec beaucoup d’intérêt et à identifier des domaines d’actions à l’effet de proposer des pistes en vue de l’amélioration de la situation.

Je vous remercie pour votre bien vaillante attention

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