Déclaration de M. ZONGO Fortuné Gaetan, Rapporteur Special Des Nations Unies Sur La Situation Des Droits De L’homme Au Burundi
29 juin 2022
Monsieur le Président,
Distingués représentants,
Mesdames et messieurs,
Je suis honoré de me retrouver devant cette auguste assemblée pour ma première présentation orale après ma nomination comme rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi le 1er avril 2022. C’est un honneur immense mais également une responsabilité majeure que j’accepte avec engagement et dévouement.
A titre de rappel, le mandat qui a été voté le 08 octobre 2021 par la Résolution 48/16 intitulée « Situation des droits de l’homme au Burundi » intervient dans un contexte international difficile, marqué par la COVID 19, toujours présente et la crise en Ukraine. Ces deux événements impactent de manière indélébile la question des droits de l’homme à travers le monde.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
La résolution 48/16 énonce les principales attributions ci-après relativement à mon mandat :
- De surveiller la situation des droits de l'homme au Burundi, de formuler des recommandations en vue de son amélioration, de recueillir, d'examiner et d'évaluer les informations provenant de toutes les parties prenantes concernant les droits de l'homme au Burundi, en s'appuyant sur les travaux de la Commission d'enquête sur le Burundi,
- De conseiller le gouvernement du Burundi pour qu'il s'acquitte de ses obligations en matière de droits de l'homme découlant des traités internationaux
- D’offrir un soutien et des conseils à la société civile et à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l'Homme
Tel qu’énoncé, le mandat n’est pas prescriptif mais fondé sur une approche d’appui-conseil. Il est conçu pour qu’à travers une coopération dynamique et constructive, le titulaire de mandat que je suis, renforce la prise en compte des droits de l’homme au Burundi. Dans cette perspective, je souhaite placer mon mandat sous le signe de la collaboration, de la recherche du consensus avec les autorités du Burundi et ses partenaires, ce d’autant plus que les droits de l’homme sont l’une des seules références universelles capable de jeter des ponts entre tous les acteurs.
C’est à cet effet que je soutiens pleinement la préparation en cours par le Burundi de son passage à l’Examen Périodique Universel. La mise en œuvre des recommandations acceptées qui en découleront, fournira certainement d’importantes pistes de collaboration entre les acteurs en présence. Aussi, conscient de ce que chaque processus doit correspondre à une solution adaptée et proportionnée, je voudrais encourager l’intégration des droits de l’homme dans le Plan-cadre de Coopération des Nations Unies pour le Développement Durable également en cours d’élaboration.
Mesdames et messieurs,
Je constate avec une grande satisfaction depuis le début de mon mandat une tendance plus que positive au retour du Burundi sur la scène régionale et internationale avec le Président Ndayishimiye ainsi que la levée des sanctions par l'UE, les Etats Unis et l'OIF. A cela s’ajoute les efforts notables du Burundi notamment : la réouverture vers les acteurs internationaux et sous-régionaux, le renforcement des attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature, la ré-accréditation au statut A de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme, la réouverture de certains médias, Je voudrais ajouter la grâce présidentielle accordée à environ 5255 personnes détenues et les récentes libérations des professionnels des médias et des organisations de la société civile.
Ces progrès nous confortent dans la conviction que des voies de collaboration, de coopération et de consensus peuvent être efficaces.
Malgré ces progrès remarquables réalisés depuis 2020, des efforts supplémentaires sont nécessaires dans les domaines de la lutte contre l’impunité, dans le renforcement des institutions notamment le secteur de la justice, la police et l’armée, dans l’exercice des libertés publiques, de l’élargissement de l’espace démocratique à travers une participation effective et efficace de la société civile et des médias.
Excellence,
Mesdames et messieurs,
La mise en œuvre de mon mandat induit qu’un diagnostic impartial soit conduit dans le domaine de la prévention, et de la protection des droits de l’homme. J’envisage de prendre connaissance de la documentation existante produite par tous les acteurs sans exclusive. Je voudrais toutefois souligner que je ne dispose jusqu’à présent que des informations partielles, recueillies au travers de sources secondaires, ce qui pourrait fortement entacher la crédibilité et la neutralité de ce travail, je souhaite à cet effet garder le recul et l’indépendance nécessaires, des principes qui me sont chers. Je voudrais donc, du haut de cette tribune solliciter des autorités burundaises la possibilité d’interagir avec elles, de visiter ce pays frère à l’effet de mieux comprendre ses réalités, ses opportunités, ses défis ainsi que ses priorités.
Je suis pleinement engagé à soutenir le processus de réconciliation si cher au Burundi. Pour ce faire, nous devons donner au Burundi toutes les chances de réussir pour l’intérêt des burundais et des burundaises. Je souhaite à cet effet placer mon mandat sous le prisme d’un dialogue constructif entre tous les acteurs. Mais une réconciliation durable exige le respect des droits de l'homme. Le Burundi comme de nombreux pays fait face à des défis dans différents domaines. De manière concrète, la situation des droits de l’homme sera analysée suivant une approche holistique. Ainsi, seront pris en compte les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Une attention particulière sera accordée aux femmes, aux enfants ainsi qu’aux différents groupes vulnérables.
Mesdames et messieurs,
La situation actuelle dans le domaine des droits de l’homme au Burundi n’est pas statique, mais dynamique. Le Burundi dans ce sens devrait à un moment donné quitter l’agenda du Conseil des Droits de l’Homme. Mieux, le Burundi n’est pas le seul pays avec des défis relatifs aux droits de l’homme. Dans le même schéma, il est aussi nécessaire de prendre en compte les défis soulevés afin d’y apporter des correctifs. A cet égard, je suis conscient de la nécessité de l’établissement d’un dialogue franc. Je reste convaincu de l’opportunité et de la pertinence de l’adage africain : « La langue et les dents sont obligés de cohabiter quand bien même de temps en temps des conflits peuvent naitre entre eux, les dents mordent à diverses occasions la langue ».
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
Il me plait d’encourager solennellement la communauté internationale à apporter un appui optimal au Burundi dans le domaine des droits de l’homme. Je plaide également pour une pleine et entière coopération entre le titulaire de mandat que je suis et les autorités du Burundi.
Je vous remercie pour votre bienveillante attention, Murakoze cane.