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Femmes

Selon un expert de l’ONU, la relance au lendemain de la COVID-19 est « irréalisable » sans les organisations et les mouvements dirigés par des femmes

05 novembre 2020

« En dépit de leur importance vitale, la contribution des femmes et des filles au militantisme et à la société civile continue d’être sous-estimée, de manquer de moyens et d’être sapée », a déclaré Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association.

C’est devant l’Assemblée générale à New York que M. Voule a présenté son dernier rapport, dans lequel il reconnaît et renforce le rôle des militantes dans la promotion de la démocratie, de la paix et du développement durable.

Cet expert exhorte les États à renforcer leur action afin de protéger et financer les organisations et les mouvements sociaux dirigés par des femmes en cette période de crise liée à la COVID-19 et lorsque la communauté internationale s’efforcera de se relever de la pandémie.

Selon lui, les femmes ont été en première ligne de la lutte contre la pandémie de COVID-19 et de nombreuses femmes œuvrent bénévolement afin de protéger leur communauté. Cela montre que même dans les moments les plus difficiles, lorsque les femmes exercent leurs droits de réunion pacifique et d’association, c’est la société entière qui en bénéficie.

Dans son rapport, M. Voule reconnaît que les femmes de tous âges et horizons ont guidé des mouvements sociaux, des manifestations pacifiques et des initiatives de la société civile dans le but de transformer les structures sociales, politiques et économiques à l’échelle internationale.

« De nombreux mouvements phares des cinq dernières années ont été dirigés par des femmes et des filles. Sans leur impulsion et leur vision, il aurait été impossible de faire autant de progrès dans l’atteinte des objectifs de développement durable », a souligné M. Voule.

Manque de financement et sous-représentation

Si les femmes sont en première ligne des mesures mondiales de lutte contre la COVID-19, elles ne représentent environ que 24 % des organes décisionnels nationaux en la matière. Les efforts des organisations dirigées par des femmes, en particulier des organisations locales, sont également affaiblis, car certains donateurs ont privilégié d’autres domaines durant la crise sanitaire, exposant de manière disproportionnée les groupes de femmes à davantage de risques financiers.

« De nombreux groupes locaux de femmes risquent de perdre un appui vital et de fermer leurs portes », a alerté l’expert. « Ces groupes travaillent dans les zones les plus affectées et les plus reculées, et ce sont pourtant eux qui reçoivent moins de soutien. »

Pour M. Voule, les obstacles au financement et à la représentation des organisations dirigées par des femmes sont encore plus nombreux lorsque d’autres facteurs multiples viennent s’y ajouter, comme l’âge, la race, l’ethnicité et le handicap.

Représailles et hostilités dans les sphères privées et publiques

Bien que d’importants progrès aient été réalisés pour garantir la participation des femmes à la vie publique, et en dépit de l’accent mis par les engagements internationaux sur la participation des femmes aux processus décisionnels, M. Voule a souligné que certains acteurs étatiques et non étatiques continuaient de violer les droits des femmes à la liberté de réunion pacifique et d’association, que ce soit en ligne ou hors ligne.

Dans de nombreux cas, la situation s’est détériorée et beaucoup de femmes ont été affectées par la multiplication des violations de ces libertés fondamentales et des hostilités envers l’égalité des sexes. La pandémie de COVID-19 a exacerbé beaucoup de ces problèmes et contraintes.

Lorsqu’elles exercent ces droits, certaines femmes font l’objet de représailles, dont les plus sévères sont la violence fondée sur le genre, qui commence avant même qu’elles quittent leur foyer et qui continue dans la rue, au travail et dans le monde numérique, a-t-il ajouté.

« Les actrices de la société civile et les dirigeantes syndicales sont souvent victimes de menaces de violence et de harcèlement pour s’être exprimées et avoir œuvré à améliorer la vie des gens », a souligné M. Voule. « Dans les pays où les taux de violence à l’égard des femmes sont élevés et où l’espace civique est restreint, les femmes sont confrontées, souvent sans le savoir, à une « double menace ».

Tout en admettant que les organisations et mouvements de femmes ont renforcé leur action collective grâce aux technologies numériques, l’expert a souligné que « les médias sociaux sont devenus un espace hostile et extrêmement dangereux pour les actrices de la société civile et les militantes ». Certaines défenseuses des droits de l’homme que M. Voule a rencontrées ont indiqué que les commentaires sexistes et désobligeants sur les médias sociaux sont devenus partie intégrante de leur vie quotidienne.

Lors d’une manifestation en ligne en marge de la présentation de M. Voule intitulée « Célébrer les femmes dans la société civile et dans le militantisme », Marusia Lopez, coordinatrice de la production et de la systématisation des connaissances du réseau méso-américain des défenseuses des droits de l’homme en Colombie, a décrit les attaques qu’elle et d’autres défenseuses subissent sur les médias sociaux.

« Des insultes misogynes, des menaces de violence sexuelle, la stigmatisation et le dénigrement de notre travail, et des appels lancés pour que nous retournions chez nous pour assumer les responsabilités domestiques qui ont traditionnellement été imposées aux femmes », a déclaré Mme Lopez. « Ces femmes ont également vu leurs données personnelles divulguées sur Internet, elles ont fait l’objet d’appels au lynchage, et leurs webinaires, sites Web et comptes sur les médias sociaux ont été piratés. »

Concrétiser les engagements

Le Rapporteur spécial a souligné qu’il n’y avait aucune justification acceptable quant aux tendances continues à la discrimination et à la violence décrites dans son rapport, et encore moins quant à la régression des progrès durement acquis en raison de la pandémie de COVID-19.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Programme d’action de Beijing et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes offrent un cadre normatif solide pour garantir l’égalité des sexes. Il nous suffit d’accélérer leur mise en œuvre et de concrétiser ces engagements.

Le rapport demande aux organismes donateurs et de développement d’accroître leur financement et leur flexibilité afin que les organisations et mouvements locaux de femmes puissent rapidement élargir leurs programmes et s’adapter aux risques liés à la COVID-19.

« Lorsqu’elles sont protégées et disposent de ressources, les organisations et les mouvements de femmes pourront aider et aideront à reconstruire en mieux. »

5 novembre 2020