Tahere Siisiialafia-Mau : « Inclure les jeunes ne se limite pas à écouter ce qu’ils ont à dire »
07 juin 2021
Tahere Siisiialafia s’intéresse aux droits de l’homme depuis son enfance. À 10 ans, elle participait déjà activement à des activités en faveur de sa communauté. Pendant son adolescence, elle a animé des séances d’autonomisation pour les enfants et les jeunes membres de la communauté. Elle a également participé à des forums nationaux de la jeunesse et au parlement samoan des jeunes.
À 31 ans, elle est aujourd’hui présidente du Conseil de la jeunesse du Pacifique, une organisation qui œuvre pour défendre et promouvoir les intérêts et les besoins des jeunes dans le Pacifique. Elle représente les jeunes du Pacifique à l’échelle internationale et à ce titre, elle intervient durant plusieurs événements des Nations Unies, dont le Séminaire intersessions sur la jeunesse et les droits de l’homme*, qui a eu lieu récemment.
Nous nous sommes entretenus avec Tahere sur les problèmes liés aux droits de l’homme dans la région, les raisons pour lesquelles l’opinion des jeunes est si importante et sa vision d’un avenir meilleur pour la jeunesse.
Quels sont, selon vous, les principaux problèmes auxquels sont confrontés les jeunes dans le Pacifique aujourd’hui ?
Les jeunes font face à tellement de problèmes, et à tellement d’enjeux pour lesquels nous devons nous mobiliser. Le manque d’accès à une éducation et à des soins de santé de qualité fait partie des principaux problèmes.
Il y a aussi l’emploi. Les jeunes ont cinq fois moins de chance d’obtenir un emploi que leurs aînés. Même avant la COVID-19, le taux de chômage chez les jeunes du Pacifique atteignait 23 %.
Ceux qui avaient un emploi ont été affectés par les mesures de confinement. Les jeunes étant souvent les principales personnes à subvenir aux besoins de leurs proches, des familles et des communautés entières sont durement affectées et leurs moyens de subsistance sont menacés.
Comment la menace croissante des changements climatiques dans le Pacifique affecte-t-elle les droits de l’homme ?
Les changements climatiques ont de graves répercussions sur le bien-être social des populations du Pacifique. Dans cette partie du monde, nous vivons des terres et de la mer. La plupart des familles vivent encore de la pêche et de leurs propres récoltes.
Les changements climatiques menacent nos sources d’alimentation, nos moyens de survie.
Nous ne pouvons pas continuer à traiter les changements climatiques comme un problème à part entière. Ils affectent tout et à mesure qu’ils s’aggravent, ils affecteront profondément nos droits à l’éducation, aux soins de santé, à l’emploi, à l’alimentation, à tout.
Pourquoi la participation des jeunes est-elle si cruciale pour lutter contre ces problèmes ?
Alors que nous sommes confrontés à de nouvelles vagues de problèmes tels que la pandémie de COVID-19 et les dangers croissants des changements climatiques, la participation des jeunes devient de plus en plus essentielle.
Nous devons explorer en profondeur les aspirations des jeunes et chercher à mieux comprendre comment ils agissent sur les questions qui leur tiennent à cœur.
Si les jeunes sont présents dans les principaux espaces politiques – au niveau national, régional et international – ils pourront à terme être impliqués dans les processus décisionnels. La perspective et la voix des jeunes contribueront alors à un changement réel et durable.
Les jeunes sont-ils écoutés à l’heure actuelle ?
On parle souvent des barrières culturelles et des hiérarchies profondément ancrées qui nous empêchent de défendre nos droits. En réalité, dans notre culture, les jeunes sont réellement valorisés et considérés comme importants dans nos communautés.
Le problème, c’est que nous n’avons pas de rôle dans les processus décisionnels et cet aspect socioculturel ne peut pas changer du jour au lendemain. Nous avons besoin de développer et de renforcer nos propres compétences culturelles afin de pouvoir contourner au mieux les barrières culturelles.
Ces dix dernières années, j’ai personnellement constaté que les jeunes s’expriment de plus en plus fort et qu’ils sont de plus en plus écoutés. Il existe davantage de plateformes, comme les forums et les consultations politiques, où les jeunes participent activement.
Le problème, c’est que nous ne voulons pas seulement que nos voix soient entendues. Nous avons besoin de plus que cela. Nous ne cessons de le répéter : « nous avons besoin que vous nous souteniez de manière tangible ». Nous devons vraiment nous débarrasser de cette culture de la symbolique, des cases à cocher, et passer à un engagement beaucoup plus significatif et authentique des jeunes. Cela nous permettra de prendre des mesures plus concrètes.
En faisant entendre nos voix, nous répondons en théorie aux objectifs fixés ; mais lorsque vous nous « soutenez » littéralement dans nos efforts et dans le travail que nous faisons réellement sur le terrain, non seulement vous renforcez les attentes des jeunes, mais vous avez dix fois plus de chances d’atteindre les objectifs de développement durable.
Quel genre d’avenir envisagez-vous pour la jeunesse du Pacifique ?
Je suis convaincue que nos jeunes ont un énorme potentiel. Nous agissons dans un esprit de service envers nos communautés qui, je l’espère, ne peut que continuer à se renforcer.
Nous devons créer les conditions nécessaires pour que les jeunes soient en mesure de comprendre leurs droits. Plus impérativement, il doit y avoir un équilibre entre nos droits et privilèges, et nos devoirs et responsabilités ; c’est un point essentiel, surtout dans les sociétés très culturelles comme celles du Pacifique. Cet équilibre est vital pour comprendre le rôle des jeunes et l’importance de leur engagement dans le Pacifique, et pour atteindre nos objectifs.
Avertissement : les idées, informations et opinions exprimées dans le présent article sont celles des personnes y figurant ; elles ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Le 7 juin 2021