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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

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14 juin 2019

Déclaration de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme

Le 14 juin 2019

Distingués présidents,
Distingués participants,
Excellences,
Chers collègues et amis,

Je suis heureuse de pouvoir discuter aujourd'hui de la nécessité d'effectuer des transitions durables dans le monde du travail. Compte tenu des nombreux changements transformateurs en cours, il est crucial que nous façonnions l'avenir du travail à l'aide de lois et de politiques qui respectent les principes et les normes fondamentaux des droits de l'homme.

Permettez-moi de soulever trois points.

Tout d'abord, nous vivons aujourd'hui dans un monde extrêmement inégal. Le fossé grandissant entre riches et pauvres n'est pas seulement un problème économique ; c'est aussi un problème social et politique et, fondamentalement, une question de justice et de droits de l'homme.

Deuxièmement, les évolutions démographiques modifient nos sociétés. La population des jeunes augmente dans de nombreuses régions du monde, et en 2017, le nombre de jeunes au chômage a atteint 70 millions de personnes. Les jeunes sont d'ailleurs trois fois plus susceptibles d'être au chômage que les adultes. En parallèle, dans d'autres parties du monde, la population vieillit rapidement et cette société vieillissante exerce une pression accrue sur les marchés du travail et les systèmes de protection sociale.        

Troisièmement, les progrès technologiques, y compris l'intelligence artificielle, l'automatisation et la robotique, créent de nouveaux emplois, tout en en éliminant d'autres. Ceux qui n'ont pas les moyens nécessaires pour faire face à la transition seront les plus durement touchés – il s'agit souvent de ceux qui sont déjà victimes de discrimination. Lorsqu'elle est fondée sur des préjugés, l'intelligence artificielle peut aussi renforcer des stéréotypes nuisibles et ainsi favoriser davantage la discrimination.

Comment peut-on gérer le changement et adapter ces forces transformatrices pour qu'elles soient avantageuses pour tous ?

J'ai mentionné trois évolutions ; permettez-moi à présent de présenter trois solutions.

Premièrement : il est crucial d'investir dans le droit à l'éducation, de lutter contre les inégalités et de parvenir à un travail décent pour tous.

Un nombre alarmant de jeunes ne sont ni dans le système éducatif, ni en formation technique ou professionnelle, ni dans le monde du travail. En parallèle, les personnes âgées éprouvent des difficultés à accéder aux formations nécessaires pour s'adapter ou pour réintégrer le marché du travail.

Pour que personne ne soit laissé pour compte, les États doivent investir davantage dans l'apprentissage tout au long de la vie. Ils doivent concevoir plus de solutions d'apprentissage expérimental et pratique, développer des formations professionnelles en fonction de la demande du marché du travail, en mettant l'accent sur les nouvelles technologies, établir des partenariats entre les secteurs public et privé axés sur l'apprentissage et offrir aux personnes de tous âges une bien meilleure orientation quant aux possibilités académiques et professionnelles qui leur sont offertes.

Deuxièmement : les droits des femmes et l'égalité entre les sexes sont essentiels pour garantir un travail décent.

Pour assurer une transition durable et un monde du travail juste à l'avenir, les femmes doivent être pleinement habilitées et capables d'exercer leurs droits et de prendre leurs propres décisions – à la maison et dans la société, ainsi qu'au travail.
       
Aujourd'hui, 14 juin 2019, les femmes font grève en Suisse pour protester contre les abus et l'inégalité entre les sexes dans le monde du travail et au-delà. Au niveau mondial, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes est estimé à environ 23 pour cent.  Actuellement, 740 millions de femmes gagnent leur vie dans l'économie informelle. Les exigences liées au travail domestique non rémunéré obligent souvent les femmes à occuper des emplois informels avec un statut d'emploi précaire et sans accès aux prestations d'assurance sociale, y compris la retraite.
 
Nous avons besoin d'adopter des approches globales et cohérentes qui recoupent plusieurs domaines politiques.

Pour que les femmes, soit la moitié de la population, aient accès à un travail décent, nous avons besoin de systèmes de protection sociale tenant compte des questions de genre qui s'attaquent au travail non rémunéré des femmes. Nous avons besoin d'une éducation de grande envergure capable d'éradiquer les stéréotypes sexistes nuisibles, de promouvoir le droit des femmes et des filles à faire leurs propres choix et de montrer la nécessité de partager les responsabilités familiales liées au travail à la maison. Nous devons réduire le lourd fardeau du travail domestique non rémunéré que les femmes assument toute leur vie. Nous avons besoin de tout cela, et plus encore.

Troisièmement : les politiques fondées sur les droits de l'homme défendent efficacement les droits des travailleurs et garantissent la protection sociale.

Lorsqu'ils traversent une période de transition, les États devraient utiliser au maximum les ressources dont ils disposent pour établir des budgets permettant de garantir la protection des droits – y compris le droit à un travail décent et le droit à la protection sociale – pour que les services essentiels restent accessibles même en période de ralentissement de l'activité économique.

La protection sociale est un droit fondamental. C'est aussi un filet de sécurité essentiel pour la société, surtout lorsque les progrès technologiques s'accompagnent de pertes d'emplois temporaires ou permanentes et font naître un sentiment d'inquiétude généralisé.

En atténuant l'impact négatif du chômage, en facilitant l'accès à l'éducation supérieure, en améliorant les opportunités sur le marché du travail et en garantissant au moins l'accès aux éléments essentiels des droits à la santé, à l'alimentation, à l'eau et à l'assainissement, à l'éducation et au logement, les systèmes de sécurité sociale peuvent garantir aux individus et à l'ensemble de la société une protection contre les conséquences les plus néfastes de ces bouleversements. 

Les systèmes universels de protection sociale qui contribuent à l'égalité des sexes, respectent les droits de l'homme et protègent les groupes marginalisés – enfants, personnes âgées, personnes handicapées, travailleurs informels et migrants – sont efficaces et réalisables.

Un certain nombre de pays, tant développés qu'en développement, ont mis en place un système de protection sociale universelle et peuvent parler de l'effet très puissant que ces systèmes peuvent avoir sur la réduction de la pauvreté et de la marginalisation, la revitalisation de l'économie et le respect de la dignité humaine.

Lorsque je suis devenue Présidente du Chili, je savais que la plus grande tâche qui nous attendait était de rendre la société chilienne plus inclusive, et de mettre fin à la discrimination et aux inégalités qui ont contraint tant de gens à rester en marge de la société.

Nous devions nous assurer que la croissance économique soit davantage partagée et qu'elle profite à un groupe beaucoup plus large de personnes, avec de meilleurs services et un fort accent sur le développement de la petite enfance.
       
Nous avons permis à tous les élèves et étudiants chiliens, garçons et filles, d'accéder gratuitement à l'enseignement primaire et secondaire, mais aussi à l'enseignement universitaire pour 70 % d'entre eux. 

Nous nous sommes efforcés d'offrir davantage de services publics de garde d'enfants, afin que les mères puissent travailler. Nous avons engagé des réformes pour assurer une plus grande représentation des femmes dans les partis politiques et au parlement.

Ces mesures, et bien d'autres encore, ont permis de renforcer la base économique. Toutefois, leur impact a été beaucoup plus vaste et a résonné dans l'ensemble de la société. 

Les droits de l'homme sont les moteurs de la paix, de la sécurité, de l'assurance, de la résilience et de la confiance du public. Des sociétés inclusives et participatives bénéficient des compétences de chacun ; et lorsque des services essentiels sont fournis, tel que des soins de santé, une éducation et un logement adéquats et accessibles, chacun en retire des avantages économiques, politiques et sociaux considérables.

 Excellences,

Il y a un siècle, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'OIT a été créée avec « la conviction que la justice sociale est essentielle pour assurer une paix universelle et durable ». La Déclaration universelle des droits de l'homme a été rédigée face aux ravages de la Seconde Guerre mondiale, et nombre de ses articles s'inspirent clairement des normes internationales et des valeurs communes définies par l'OIT.

Aujourd'hui, face à l'instabilité croissante observée à travers le monde, les droits fondamentaux et les principes qui sous-tendent le travail décent peuvent nous servir de guide pour affronter les multiples transitions auxquelles nous sommes confrontés dans le monde du travail.

Le Programme de développement durable à l'horizon 2030 nous montre la voie vers des sociétés prospères, pacifiques et résilientes et vers une planète en bonne santé. Nous ne pouvons y parvenir que grâce à des politiques et des programmes fondés sur les droits de l'homme capables de garantir aux populations l'accès à des technologies promettant une meilleure qualité de vie.

Nous disposons des outils nécessaires. Nous connaissons la voie à suivre. Nous avons les moyens de permettre à chacun de vivre dans la dignité.

Il est temps de passer à l'action.

Merci.

 


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