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Examen du Chili devant le Comité des droits de l’enfant : la situation des enfants placés en institution et la répression de manifestations pacifiques sont au cœur du débat

25 mai 2022

La situation des enfants placés en institution est une énorme priorité pour le Comité des droits de l’enfant.  C’est ce qu’a souligné une experte du Comité alors qu’était examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par le Chili au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.  Il y a encore 10 000 enfants placés au Chili, a relevé l’experte.   

Un autre membre du Comité a regretté la persistance de certaines anciennes structures et pratiques qui étaient à l’origine de problèmes diagnostiqués par le Comité dans une enquête menée en 2018 dont les résultats ont été publiés en 2020. Dans les années 2010, plusieurs centaines d’enfants placés dans des centres d’accueil ont perdu la vie, ce qui avait entraîné la réalisation de cette enquête par le Comité, a rappelé une experte, avant de s’enquérir de ce qui a concrètement changé depuis. Le Chili est confronté à des problèmes redoutables et est redevable envers les enfants d’une dette énorme, qui ne peut attendre, a déclaré un membre du Comité à l’issue de l’examen du rapport chilien, avant de faire observer qu’un simple changement de nom des institutions ne suffit pas à changer la réalité.

Durant le dialogue noué entre les experts et les membres de la délégation chilienne venue présenter le rapport, un membre du Comité s’est par ailleurs dit préoccupé par la confirmation à son poste de la personne responsable de la répression des manifestations de 2019, dont plus de 800 enfants et adolescents auraient été des victimes directes. A également été dénoncée la participation active de carabiniers à la répression, il y a encore quelques jours à peine, de lycéens qui manifestaient pacifiquement. Il a demandé jusqu’à quand le ministère public et la justice continueraient de tolérer cette manière d'agir des carabiniers.  

Autre sujet de préoccupation pour le Comité, les enfants mapuches au Chili sont victimes de graves discriminations dans un contexte de racisme structurel, a indiqué un expert, regrettant que le Gouvernement n’applique à cet égard que des politiques fragmentaires qui ne vont pas au cœur du problème.   

Présentant le rapport de son pays, Mme Jeannette Vega, Ministre du développement social et de la famille du Chili, a informé le Comité que le Chili disposait aujourd’hui d’un cadre institutionnel complet pour la protection des droits de l’enfant, grâce notamment à l’entrée en vigueur, le 15 mars dernier, de la loi portant création du « système de garanties et de protection intégrale des droits des enfants et des adolescents ». Cette loi oblige les institutions à travailler de manière coordonnée pour qu’aucun enfant ne soit victime de discrimination au Chili, pour quelque raison que ce soit, a-t-elle précisé.   

De même, a poursuivi Mme Vega, le Service national de protection spécialisée a été créé en 2021 en réponse à l'engagement de l'État de réformer l'ancien Service national des mineurs. Enfin, Mme Vega a fait savoir que son Gouvernement avait présenté, le 4 mai dernier, le projet de loi imposant l'âge de la majorité comme condition essentielle pour la célébration du mariage civil et faisant passer l'âge minimum du mariage de 16 à 18 ans.  

Complétant cette présentation, M. Diego Simpértigue, juge à la Cour suprême du Chili, a indiqué que le pouvoir judiciaire était lui aussi concerné par le processus intense de transformation structurelle dans le domaine des droits de l’enfant. Il a notamment mentionné la création des centres d'observation et de contrôle du respect des mesures de protection, qui contrôlent chaque mesure de protection ordonnée par le juge aux affaires familiales.   

Pour sa part, Mme Maite Orsini, députée au Parlement de la République du Chili, a fait remarquer que la Convention avait changé le cadre institutionnel, ainsi que les perspectives que la société chilienne a sur les enfants et les adolescents. Mais, d’un autre côté, on ne peut ignorer le fait que le Chili n’a pas toujours été à la hauteur de la tâche consistant à s’occuper des enfants les moins protégés, a-t-elle ajouté.  Il faut néanmoins souligner les progrès substantiels accomplis par le Chili, a poursuivi Mme Orsini, citant la réduction substantielle – « mais insuffisante » – de la pauvreté des enfants, ainsi que la mise en place du Bureau du Défenseur des droits de l’enfant, du Service national de protection spécialisée des enfants et des adolescents et, bientôt, du Service national de réinsertion sociale des mineurs.   

La délégation chilienne était également composée – entre autres – de plusieurs représentants de la Cour suprême, du Congrès national, du ministère public, de l’Institut des droits de l’homme, du Défenseur pour les droits de l’enfant, ainsi que des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de l’intérieur et de la santé.  
Pendant le dialogue, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement du Président Boric envisageait de créer une commission de vérité sur les faits mentionnés dans le rapport établi par le Comité en 2018 ; et que le Président chilien avait annoncé un programme concret de réparations aux victimes des manifestations sociales de 2019.  

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Chili et les publiera à l’issue de sa session, le 3 juin prochain.  

Examen du rapport  
Le Comité est saisi du rapport périodique du Chili (CRC/C/CHL/6-7), qui a été préparé sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.  

Présentation

Présentant le rapport de son pays, MME JEANNETTE VEGA, Ministre du développement social et de la famille du Chili, a informé le Comité que le Chili disposait aujourd’hui d’un cadre institutionnel complet pour la protection des droits de l’enfant, grâce notamment à l’entrée en vigueur, le 15 mars dernier, de la loi portant création du « système de garanties et de protection intégrale des droits des enfants et des adolescents ». Cette loi oblige les institutions à travailler de manière coordonnée pour qu’aucun enfant ne soit victime de discrimination au Chili, pour quelque raison que ce soit, a précisé la Ministre. Il s’agit là du dernier d'une série de progrès concernant les enfants survenus ces dernières années, après la création, en 2018, du Sous-Secrétariat à l'enfance – institution publique dédiée à la protection intégrale des enfants et des adolescents – et l’entrée en fonction, la même année, du Défenseur des droits de l'enfant, organe de surveillance autonome qui joue un rôle fondamental dans la sensibilisation et la protection des enfants.   

De même, a poursuivi Mme Vega, le Service national de protection spécialisée a été créé en 2021 en réponse à l'engagement de l'État de réformer l'ancien Service national des mineurs. Enfin, Mme Vega a fait savoir que son Gouvernement avait présenté, le 4 mai dernier, le projet de loi imposant l'âge de la majorité comme condition essentielle pour la célébration du mariage civil et faisant passer l'âge minimum du mariage de 16 à 18 ans.  

Complétant cette présentation, M. DIEGO SIMPÉRTIGUE, juge à la Cour suprême du Chili, a indiqué que le pouvoir judiciaire était lui aussi concerné par le processus intense de transformation structurelle dans le domaine des droits de l’enfant. D’abord, la Cour suprême a adopté, en 2020, la Politique pour l'effectivité des droits des enfants et des adolescents : cet instrument engage une série d'actions concernant les données et les statistiques, les ressources humaines et les infrastructures, la participation des enfants et des adolescents, les règlements internes ou encore les institutions concernant les enfants.   

Parallèlement, a poursuivi M. Simpértigue, le pouvoir judiciaire a progressé dans la création du cadre institutionnel nécessaire pour garantir les droits des mineurs. Dans ce domaine, il a mentionné la création des centres d'observation et de contrôle du respect des mesures de protection, qui contrôlent chaque mesure de protection ordonnée par le juge aux affaires familiales. D’autres initiatives ont été lancées pour renforcer les compétences des fonctionnaires ainsi que leur connaissance de la Convention relative aux droits de l'enfant, a ajouté M. Simpértigue. Il a par ailleurs souligné que la Cour suprême a créé plusieurs comités techniques chargés, notamment, de la mise en œuvre du nouveau service de l'enfance, ainsi que de la prise en charge des mineurs non accompagnés ou séparés dans le contexte de la mobilité.  

Pour sa part, MME MAITE ORSINI, députée au Parlement de la République du Chili, a fait remarquer que le processus d'intégration de la Convention – ratifiée au début des années 1990 – dans les réglementations nationales existantes avait été un chemin sinueux. D'une part, la Convention a changé le cadre institutionnel, ainsi que les perspectives que la société chilienne a sur les enfants et les adolescents, a fait valoir la députée. Mais, d’autre part, on ne peut ignorer le fait que le Chili n’a pas toujours été à la hauteur de la tâche consistant à s’occuper des enfants les moins protégés, a-t-elle ajouté.  

Il faut néanmoins souligner les progrès substantiels accomplis par le Chili, a poursuivi Mme Orsini, citant la réduction substantielle – « mais insuffisante » – de la pauvreté des enfants, ainsi que la mise en place du Bureau du Défenseur des droits de l’enfant, du Service national de protection spécialisée des enfants et des adolescents et, bientôt, du Service national de réinsertion sociale des mineurs.   

Concluant cette présentation du rapport, MME VEGA a indiqué que le présent dialogue coïncidait avec le changement de gouvernement au Chili, le Président Gabriel Boric Font s’étant fortement engagé en faveur des enfants et des adolescents.  

Questions et observations des membres du Comité  

M. CLARENCE NELSON, coordonnateur du groupe de travail chargé d’examiner plus en détail le rapport du Chili, a demandé quelle part du budget annuel de l’État était consacrée à l’enfance. L’expert a constaté des progrès dans le système statistique chilien, même s’il ne semble pas en mesure de ventiler les données. 

La création du Défenseur des droits de l’enfant est une bonne initiative, mais des rumeurs font état de la fermeture possible de cette institution, a poursuivi M. Nelson.  
L’expert a par ailleurs demandé si le Chili entendait légiférer pour encadrer le respect, par les entreprises privées, des droits de l’enfant, et si les sociétés minières étaient tenues de réaliser des études sur l’impact environnemental de leurs projets.  

D’autre questions de l’expert ont porté sur la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les affaires de divorce et de garde.  

M. Nelson a regretté que persistent en 2022 certaines anciennes structures et pratiques qui étaient à l’origine de problèmes au Chili diagnostiqués par le Comité dans une enquête menée en 2018 dont les résultats ont été publiés en 2020. M. Nelson s’est également inquiété de la participation active de carabiniers à la répression de lycéens manifestant pacifiquement, il y a un jour à peine.  

Un autre expert a lui aussi regretté que le même schéma de répression se soit répété lors de ces manifestations pacifiques d’élèves du secondaire. Il a demandé jusqu’à quand le ministère public et la justice continueraient de tolérer « cette manière incroyable d'agir des carabiniers ».  

L’expert a en outre fait part de sa préoccupation suite à la confirmation à son poste de la personne qui était en charge de la répression des manifestations de 2019. Plus de 800 enfants et adolescents auraient été des victimes directes de cette répression, avec des détentions arbitraires et illégales, des mauvais traitements, des tortures ; des enfants auraient été touchés par des tirs de chevrotine ou blessés aux yeux par des produits chimiques, a-t-il rappelé. L’expert a voulu savoir combien de carabiniers avaient été poursuivis pour les actions menées lors des manifestations, quelles sanctions avaient été prononcées à leur encontre, et si le ministère public disposait des outils nécessaires pour reconnaître le statut particulier des enfants ou adolescents en tant que victimes de la répression.   

Le même expert s’est interrogé sur la pratique du « contrôle d'identité préventif et investigateur ». Il a demandé si le nouveau Gouvernement entendait abroger la loi 21128 [ndlr : dite loi « aula segura », ou salle de classe sécurisée], qui permet l'expulsion immédiate (de l’établissement scolaire concerné) d’étudiants et qui, selon des informations, a été appliquée à des étudiants ayant participé à des manifestations.   

D’autres questions de l’expert ont porté sur les intentions de l’État s’agissant de l’éradication des châtiments physiques et humiliants dans tous les contextes ; sur les recours dont disposent les personnes intersexuées qui ont subi un traitement médical ou chirurgical irréversible et involontaire dans leur enfance ; et sur les mesures prises pour faire cesser la stérilisation forcée des filles handicapées.  

Une autre experte du Comité a posé des questions sur la définition de l’enfant utilisée au Chili. Elle a constaté que des mineurs de 16 ans sont autorisés à se marier avec le consentement d’un représentant légal. En outre, les enfants LGBT sont confrontés, au Chili, à des attitudes discriminatoires à l’école et dans l’accès aux services de santé, a fait observer l’experte.  

Les enfants placés doivent pouvoir rester en contact avec leur famille et préparer leur retour, a par ailleurs recommandé l’experte. Dans les années 2010, plusieurs centaines d’enfants placés dans des centres d’accueil ont perdu la vie, ce qui avait entraîné la réalisation par le Comité de l’enquête déjà mentionnée : l’experte a demandé ce qui avait concrètement changé depuis.  

Un expert a voulu savoir si le nouveau Gouvernement abrogerait la disposition autorisant la police à détenir un mineur pendant huit heures pour établir son identité - un système que l’expert a jugé abusif, arbitraire et dangereux pour les mineurs. 

La situation des enfants placés en institution est une énorme priorité pour le Comité, a souligné une experte. Elle a demandé s’il existait une approche systématique de la protection de remplacement au Chili et si un mécanisme permettait d’éviter la séparation pure et simple des jeunes d’avec leur famille. Il y a encore 10 000 enfants placés au Chili, a relevé l’experte. Une autre experte a souligné qu’une grande proportion de ces enfants étaient atteints dans leur santé mentale. Ces deux expertes ont voulu savoir pourquoi les personnels de santé qui interviennent dans ces institutions étaient accompagnés de policiers. L’ouverture de structures de plus petite taille ne règle en rien les problèmes de fond rencontrés dans ces institutions pour mineurs, a fait observer un autre membre du Comité durant le dialogue.   

D’autre part, Le Chili est le pays d’Amérique du Sud où la consommation de narcotiques et de stupéfiants par les mineurs est la plus élevée, a-t-il été relevé. La délégation a été priée de dire quel était le résultat de « l’approche islandaise » appliquée par le Chili pour gérer cette situation.   

D’autres questions ont porté sur la lutte contre l’obésité parmi les jeunes et sur les effets de la pollution atmosphérique et environnementale sur les enfants. Il a été demandé, d’autre part, si le Chili appliquait un plan national de prise en charge des enfants handicapés.  

La délégation a aussi été priée de dire comment était prise en charge une adolescente souhaitant avorter dans une région où tous les médecins et toutes les institutions de santé refusent, comme ils en ont le droit, de pratiquer une interruption volontaire de grossesse.  

De nombreux enfants migrants originaires du Venezuela vivent au Chili dans des camps gérés par des sociétés privées, a d’autre part déploré un expert.   
Une question a porté sur l’explosion du nombre d’inscriptions dans le système d’enseignement privé chilien.   

Les enfants mapuches au Chili sont victimes de graves discriminations dans un contexte de racisme structurel, a déploré un expert. Il a regretté que le Gouvernement chilien n’applique que des politiques fragmentaires qui ne vont pas au cœur du problème.   

Des experts ont salué la franchise de la délégation pendant le dialogue.  
Une experte a demandé si les juges tenaient compte de l’intérêt supérieur de l’enfant au moment de décider de son placement dans une institution. Elle a regretté que les services sociaux ne semblent pas avoir leur mot à dire dans de telles décisions. En outre, des jeunes filles victimes d’agression sexuelle dans des institutions ont été, sur décisions de justice, renvoyées dans ces mêmes institutions, a-t-il été déploré.   
Un expert a regretté que les mesures prises contre la pauvreté pendant la pandémie aient été levées.   

Réponses de la délégation

Dans le projet de nouvelle Constitution chilienne, les enfants sont mentionnés comme de véritables sujets de droits, contrairement à la charte actuelle, qui ne prend en compte que les adultes, a fait valoir la délégation.  

Les autorités chiliennes sont conscientes des lacunes dans le système de protection de l’enfance, comme par exemple le fait qu’il n’existe pas de juges spécialisés dans la prise en charge des adolescents en conflit avec la loi, a par ailleurs souligné la délégation. Les autorités sont en train de combler ces lacunes avec l’aide de la société civile, le but étant notamment d’améliorer la formation des juges dans ce domaine, a-t-elle expliqué.   

Pour assurer l’efficacité de la loi instituant un « système de garanties et de protection intégrale des droits des enfants et des adolescents », le Gouvernement va créer un conseil consultatif des enfants et des adolescents et procédera à l’amendement de plusieurs textes de loi connexes, a d’autre part indiqué la délégation.    

La loi décrit de manière explicite la manière de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en justice, conformément aux normes internationales en la matière, a poursuivi la délégation. Le Chili a mené une expérience fructueuse avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) pour rédiger un manuel destiné à orienter les décisions des juges en matière de placement de mineurs, dans le respect de ce principe. L’intérêt supérieur de l’enfant est également pris en compte pour ce qui concerne le regroupement familial au profit des enfants migrants, a par ailleurs précisé la délégation.  

Tous les enfants migrants au Chili ont le droit de bénéficier de services de santé et d’éducation, a-t-il été souligné.  

Adoptée en avril 2021, la nouvelle loi sur l’immigration et les étrangers reconnaît les enfant et adolescents comme sujets ayant besoin d’une protection renforcée et mentionne explicitement l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette loi servira de base à la politique migratoire fondée sur les droits de l’homme que le Gouvernement est en train de formuler, a indiqué la délégation.  

Le Gouvernement envisage d’interdire par la loi les actes chirurgicaux sur les jeunes enfants intersexes, a en outre indiqué la délégation. La Loi 21120 (2018) reconnaît le droit à l’identité de genre, de même que le droit pour une personne de demander une correction de son sexe dans le registre d’état civil, a-t-elle ajouté.   

La loi protège aussi les droits de personnes ayant des problèmes de santé mentale et interdit, en particulier, la stérilisation forcée, a également souligné la délégation.

On compte désormais au Chili davantage d’enfants placés dans des familles d’accueil que dans des institutions, a poursuivi la délégation. Sur onze centres d’accueil critiqués par le Comité dans son enquête menée en 2018, quatre ont été fermés et remplacés par d’autres structures plus petites, tandis que les mêmes critères d’accueil s’appliquent désormais aux institutions privées et publiques. Le parquet enquêtera sur quelque 500 décès d’enfants survenus dans les centres anciennement gérés par le SENAME (Service national des mineurs), a précisé la délégation.  

Autre progrès, la loi portant création d’un service de protection spécialisé est accompagnée de directives très claires sur la manière de gérer la relation entre l’enfant placé et sa famille, a ajouté la délégation.  

Un nouveau service assure le contrôle administratif et technique des services de protection spécialisée de l’enfance, a par la suite indiqué la délégation. Chaque violation des droits de l’enfant donne lieu à une enquête. Outre le recours à la justice, les enfants et leurs familles ont la possibilité de déposer plainte auprès du service.

La fermeture des établissements de grande taille sera achevée à la fin de 2023, a précisé la délégation. Actuellement, la protection de remplacement est la mesure de dernier recours et le placement en famille est privilégié, a-t-elle fait valoir.   

En 2016, un procureur spécialisé a été chargé de gérer les enquêtes sur – au final – quelque 185 cas d’exploitation et de violences sexuelles subies par des jeunes pris en charge par l’ancien service de protection des mineurs. Sur ces cas, 87 ont trouvé une issue, 23 ayant abouti à une condamnation et sept à un acquittement ; la procédure a été interrompue dans les autres cas, faute d’éléments probants. Le Chili manque toujours de procureurs, d’avocats et de policier spécialisés pour réaliser des enquêtes dans tout le pays, a expliqué la délégation.   

Le Gouvernement actuel envisage de créer une commission de vérité sur les faits mentionnés dans le rapport établi par le Comité en 2018, a d’autre part indiqué la délégation. 

Six enfants sur dix bénéficiant d’une protection de remplacement sont placés dans des familles d’accueil, contre quatre dans des institutions, a par la suite précisé la délégation.   

L’exploitation sexuelle de mineurs est en train d’être définie en tant que délit autonome, aux termes d’un projet de loi qui est à l’examen au Parlement, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le 17 mai, la Chambre des députés a adopté en première lecture le projet de loi du nouveau Gouvernement fixant à 18 ans l’âge légal du mariage au Chili. Le Sénat examine actuellement ce projet, a d’autre part souligné la délégation.   

Le « manuel des carabiniers » décrit la procédure à suivre avec des mineurs et pour prévenir tant les mauvais traitements que les comportements discriminatoires envers certains jeunes – jeunes migrants par exemple. Ces questions font également l’objet d’une formation de 40 heures portant sur ces mêmes droits. Le Ministère de l’intérieur sait qu’il doit améliorer la supervision du traitement des mineurs, a souligné la délégation.   

L’État a pris des mesures pour éviter que les violences policières contre des mineurs, comme il s’en était produites en 2019, ne recommencent. Une politique de réparation intégrale a aussi été adoptée. Le Ministère de l’intérieur, avec d’autres organismes, y compris la société civile, propose une réforme de la formation des agents et du fonctionnement de la police, a indiqué la délégation.   

Pour sa part, le ministère public a opéré un recensement de tous les délits commis par les forces de l’ordre pendant la crise sociale en 2019. Il a ensuite hiérarchisé les quelque 2216 affaires trouvées en fonction de leur gravité, celles impliquant des mineurs étant prioritaires, et a désigné des procureurs spécialisés chargés des instructions. Quelque 210 personnes ont fait l’objet de mesures de détention provisoire, 17 personnes ayant été condamnées pour des crimes commis sur des mineurs ; plusieurs plaintes sont encore en cours d’instructions concernant des crimes contre l’humanité et des crimes impliquant des hauts gradés, a précisé la délégation.   
La délégation a dit déplorer la réponse donnée par l’État chilien aux manifestations pacifiques ces dernières semaines. Des réparations seront accordées aux personnes, y compris des jeunes, ayant subi des blessures, a-t-elle assuré.  

Face à la violence policière, le Parlement a été saisi d’un projet de loi sur l’utilisation d’armes moins létales lors de manifestations : mais la composition actuelle du Congrès rend son adoption improbable, a regretté la délégation. Le Parlement a néanmoins créé un groupe de travail sur la réparation intégrale des victimes d’agents des forces de l’ordre pendant les manifestations sociales, a-t-elle indiqué.  

La police a adopté son manuel de procédure pour tenir compte des obligations en matière de protection des enfants, d’interdiction de la torture et des mauvais traitements, et de respect du principe de non-discrimination, a d’autre part fait valoir la délégation.   

Le contrôle d’identité préventif est interdit sur les mineurs de moins de 14 ans, avec des exceptions en cas de suspicion de délit, a-t-il par ailleurs été précisé. Outre le contrôle d’identité préventif, le contrôle d’identité à des fins d’enquête et d’identification peut être appliqué à toute personne de plus de 14 ans pendant huit heures au maximum. Le Gouvernement actuel entend éliminer les contrôles d’identité illégaux pratiqués sur des mineurs de moins de 14 ans, a déclaré la délégation. 

Dans le Gouvernement actuel, le budget de l’enfance est le dernier à subir des coupes, a fait valoir la délégation.   

Le Chili reçoit suffisamment de statistiques remontant du terrain mais manque d’un mécanisme de recoupement, au niveau des ministères, des données collectées.  Le pays manque également d’un guichet unique qui permette aux citoyens d’accéder facilement aux informations les concernant.  

Le Gouvernement présentera cette année une loi-cadre sur l’éducation sexuelle complète à l’école, a annoncé la délégation. Depuis 2017, l’avortement est autorisé pour des raisons de santé ou en cas de viol. Il n’en demeure pas moins un problème d’accès aux services adéquats et de nombreuses mineures victimes de viol, mal informées, ne peuvent obtenir d’avortement, a souligné la délégation. C’est pourquoi le Gouvernement actuel entend présenter un projet de loi garantissant l’accès à l’avortement jusqu’avant la quatorzième semaine de grossesse.  

Le Ministère de la santé assure des services de santé, y compris de santé mentale, au profit des jeunes relevant du système de justice pénale pour mineurs et des jeunes pris en charge dans le système de protection spécialisée. Le Gouvernement est en train de revoir la stratégie pour accompagner au mieux le service de santé qui intervient dans les services spécialisés, en collaboration avec la gendarmerie et les carabiniers.  

Le plan national pour l’enfance contient des objectifs relatifs aux enfants handicapés, mais le Chili ne dispose pas d’un plan national consacré exclusivement aux enfants handicapés, a indiqué la délégation.  Le Ministère du développement social gère des établissements de prise en charge des enfants et adolescents souffrant de handicap grave et une prise en charge ambulatoire est organisée pour les enfants atteints de handicap léger, a précisé la délégation.

Contre l’insécurité alimentaire, le Chili applique un programme d’alimentation complémentaire visant les femmes enceintes et allaitantes, de même que les jeunes enfants. Ce programme s’est poursuivi pendant la pandémie, a indiqué la délégation. Un cadre légal a été adopté pour assurer l’accès à l’eau potable dans le contexte de la crise hydrique, a-t-elle en outre fait valoir.  

Face aux addictions, le « modèle islandais » consiste en mesures, à l’école et au domicile, de réduction du risque de consommation d’alcool et de substances psychoactives.
 
Le Chili applique une loi (1995) et un plan d’action sur les peuples autochtones ayant notamment pour objet le dialogue avec les communautés et la restitution des terres.

S’agissant de la justice pour mineurs, la délégation a indiqué que le Chili se penchait sur un nouveau système destiné à éviter la judiciarisation des affaires impliquant des mineurs, des expériences locales de médiation pénale ayant été réalisées. La loi sur le système de garanties et de protection intégrale des droits des enfants et des adolescents prévoit une nouvelle forme de protection des mineurs : la protection administrative, mise en œuvre par les bureaux locaux de l’enfance et qui est une autre manière de chercher des solutions face à des violations ainsi que d’éviter, ici aussi, le recours aux tribunaux.

La loi régit le témoignage des enfants devant les tribunaux, de manière à éviter qu’ils ne soient « revictimisés » ou obligés de comparaître à plusieurs reprises. Les enfants victimes et témoins bénéficient d’un soutien psychologique.  
La délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité s’agissant de la lutte contre le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles ; de la prévention du suicide parmi les adolescents ; ou encore du fonctionnement du registre national des « mauvais payeurs de pensions alimentaires ».  

Remarques de conclusion  

M. LUIS ERNESTO PEDERNERA REYNA, membre du groupe de travail chargé d’examiner plus en détail le rapport du Chili, a remercié la délégation chilienne pour sa présence et pour ce dialogue fructueux. Le pays est confronté à des problèmes redoutables et est redevable d’une dette énorme envers les enfants, qui ne peut attendre, a souligné l’expert : un simple changement de nom des institutions ne suffit pas à changer la réalité, a-t-il mis en garde. Il a estimé que la délégation avait témoigné d’une volonté de faire changer la vie des jeunes au Chili.

MME VEGA a affirmé que ce dialogue a été un processus important pour le Chili, qui a pu ainsi présenter les progrès accomplis dans la réalisation des droits de l’enfant ainsi que les difficultés qui restent à surmonter. À cet égard, les recommandations du Comité permettront au Chili de mettre l’accent sur les domaines qui le nécessitent, a déclaré la Ministre du développement social et de la famille.

Hier, le Président chilien a annoncé un programme concret de réparations aux victimes des manifestations sociales de 2019, parmi lesquelles se trouvent des enfants, a souligné Mme Vega.  En outre, a-t-elle ajouté, une nouvelle Constitution sera bientôt soumise à référendum, avant d’autres réformes du système social et sanitaire qui profiteront aux enfants.  

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