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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN DU TROISIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE L'ISLANDE
13 mai 2003
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CESCR
30ème session
13 mai 2003
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entamé, cet après-midi, l'examen du troisième rapport périodique de l'Islande sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Présentant son rapport, la délégation islandaise, composée de Mmes Björg Thorarensen, professeur de droit constitutionnel à l'Université d'Islande, Hanna Sigridur Gunnsteinsdottir, du Ministère des affaires sociales, Vilborg Hauksdottir, du Ministère de la santé et de la sécurité sociale et Ingibjörg Davidsdottir, de la Mission permanente de l'Islande à Genève, a souligné les protections constitutionnelles des droits consacrés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et mis l'accent sur les lois et mesures adoptées en 2002-2003. À cet égard, la délégation a cité plusieurs arrêts et cas illustrant le fait que les dispositions du Pacte sont de plus en plus souvent invoquées devant les tribunaux. Elle a par ailleurs évoqué un certain nombre de lois, nouvelles ou amendées, concernant notamment les droits des étrangers et les droits de l'enfant, ainsi que les recherches et les mesures prises pour tenter de réduire l'écart de rémunération qui persiste entre les hommes et les femmes. La délégation a attiré l'attention sur l'instauration d'un congé maternité-paternité ainsi que sur la nouvelle législation en matière de santé et de sécurité sociale et, en particulier, les mesures en faveur des personnes âgées et des handicapés.
Au cours du dialogue avec les membres du Comité, la délégation a notamment précisé les dispositions existant contre la discrimination, indiquant que l'Islande n'était pas encore en butte à des mouvements racistes ou xénophobes mais que la législation permet de les réprimer et que le pays met en œuvre un effort de prévention, notamment par le biais de la promotion de la tolérance et de l'ouverture aux autres cultures. La délégation a en outre développé les mesures prises pour promouvoir l'égalité entre les sexes. À cet égard, elle a indiqué que des efforts sont déployés, notamment, pour réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Reconnaissant que le problème persiste, la délégation a néanmoins mis l'accent sur les changements en cours, qui sont encourageants.
Le Comité poursuivra demain, à partir de 10 heures, son dialogue avec la délégation islandaise.
Présentation du troisième rapport périodique de l'Islande
Présentant le troisième rapport périodique de son pays, Mme Ingibjörg Davidsdottir de la Mission permanente de l'Islande à Genève, a souligné que les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme ont acquis une influence croissante au cours des dernières années dans le système juridique islandais ainsi que dans l'application du droit interne. Cela s'est manifesté à travers plusieurs arrêts de la Cour suprême et d'autres tribunaux qui se réfèrent de plus en plus aux instruments internationaux en matière de droits de l'homme. Elle a en particulier cité trois arrêts récents qui ont reconnu que les droits protégés par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ont été violés. Le premier de ces jugements fait référence aux articles 9, 11 et 12 du Pacte, et une loi visant à réduire les prestations de la sécurité sociale a été déclarée inconstitutionnelle. Un autre arrêt a été prononcé contre l'Université d'Islande qui n'a pas offert l'aide dont avait besoin un étudiant aveugle. Le troisième a eu pour objet une plainte d'une personne malentendante qui a abouti à l'obligation faite à la télévision nationale de diffuser les programmes ayant trait à la campagne électorale en langage des signes. La représentante a cité un autre jugement qui a fourni une interprétation de la Constitution à la lumière des dispositions du Pacte et qui confirme la protection constitutionnelle du droit de grève.
La représentante islandaise a par ailleurs mis l'accent sur l'adoption de nouvelles lois relatives, l'une aux étrangers, qui garantit les droits légaux des étrangers et contient des dispositions sur le droit d'asile et la protection des réfugiés; et l'autre aux enfants, qui contient notamment de nouvelles dispositions concernant la paternité, les enfants incarcérés et la protection des enfants contre la violence. La nouvelle loi sur la protection des enfants clarifie les règles que doivent suivre les Comités de protection des enfants pour enquêter sur les cas de maltraitance et instaure des protections judiciaires. Des mesures spéciales ont également été instaurées pour entendre les enfants victimes de violence. En ce qui concerne la loi sur le droit des étrangers à travailler, révisée en 2001-2002, elle prévoit notamment que l'employeur souscrive une assurance maladie pour un employé étranger. Au début de l'année 2003, la loi sur les conditions de travail, la santé et la sécurité a été amendée afin de préciser les périodes de repos des travailleurs et d'améliorer les conditions de sécurité et d'hygiène sur les lieux de travail. Par ailleurs, le Gouvernement islandais est très préoccupé par les études qui font apparaître que des différences subsistent entre les rémunérations des hommes et des femmes, y compris pour un travail égal et chez le même employeur, et que les femmes touchent en moyenne 70% du salaire d'un homme. Beaucoup a été accompli au cours des dernières années pour réduire le fossé des rémunérations entre hommes et femmes mais des efforts restent à faire pour parvenir à l'égalité. Le Gouvernement tente de trouver en outre les moyens d'évaluer le nombre de personnes vivant dans la pauvreté.
Une nouvelle législation sur la sécurité sociale a été adoptée qui vise à mieux calculer les prestations et à accroître les droits des bénéficiaires, en particulier des étudiants. Un amendement prévoit l'augmentation des pensions de vieillesse et d'invalidité. La délégation a par ailleurs évoqué des accords conclus entre le Gouvernement et des organisations non gouvernementales au sujet des personnes âgées et des handicapés qui ont eu pour résultat la mise en place d'un comité chargé de formuler des propositions sur les modifications à apporter à la législation sur la sécurité sociale et au régime de pensions ainsi que d'élaborer un plan sur les maisons de retraite et les services aux personnes âgées d'une part et, d'autre part, d'accroître les droits des handicapés à percevoir une pension du régime national des pensions.
Le troisième rapport périodique de l'Islande (E/1994/104/Add.25) dresse un tableau d'ensemble des principales lois et pratiques du pays dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Il stipule notamment que les nouvelles dispositions relatives aux droits de l'homme introduites dans la Constitution ont élargi la protection constitutionnelle d'un ensemble de droits garantis dans les conventions internationales relatives aux droits de l'homme. Même si ces conventions n'ont pas directement force de loi dans le système juridique islandais, elles sont à présent protégées par la Constitution du fait de la pratique récente des cours et tribunaux consistant à interpréter les dispositions constitutionnelles au regard des obligations internationales. Un bon exemple en est fourni par un arrêt récent de la Cour suprême faisant directement référence au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en tant que source de droits sociaux fondamentaux. Les références à l'article 65 de la Constitution, qui pose le principe d'égalité, se font toujours plus nombreuses dans les affaires relatives aux droits de l'homme.
Le rapport présente un récapitulatif des principaux amendements législatifs introduits depuis la présentation du deuxième rapport et notamment, les nouvelles lois relatives respectivement à l'assurance des patients qui leur garantit une indemnisation lorsqu'ils ont subi un préjudice lié à une activité de recherche ou imputable à des soins reçus; à l'égalité entre les sexes; au congé de maternité/paternité et au congé parental; à la mise en place d'une base de données relative au secteur de la santé; au logement; aux droits des patients; et à la capacité juridique qui a porté de 16 à 18 ans l'âge de la capacité juridique pour la gestion des affaires personnelles. En outre, des modifications importantes ont été apportées au droit du travail avec l'adoption des lois no 12/1997 sur les mesures relatives au marché de l'emploi et no 13/1997 sur l'assurance-chômage, toutes deux entrées en vigueur le 1er juillet 1997.
Examen du troisième rapport périodique de l'Islande
Au cours du dialogue avec les membres du Comité, la délégation a précisé que la tradition constitutionnelle de l'Islande ne permettait pas d'incorporer directement les dispositions figurant dans les pactes et conventions internationales dans le droit interne mais que ces droits ont reçu une protection constitutionnelle car certains de ces droits ont été inscrits dans la Constitution mais aussi parce que la pratique judiciaire du pays veut que les dispositions de la Constitution soient interprétées à la lumière des dispositions des différents pactes et conventions auxquels l'Islande est partie. Elle a souligné qu'il est de plus en plus courant que les tribunaux invoquent les droits inscrits dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques mais aussi dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
En réponse à une question sur les raisons pour lesquelles la Constitution consacre explicitement certains droits et non d'autres, la délégation a reconnu qu'il n'y a pas eu de démarche systématique et que les droits civils et politiques ont reçu la priorité. Toutefois, elle a indiqué qu'il existe une prise de conscience croissante de l'importance des droits économiques, sociaux et culturels et que, même s'ils ne sont pas tous directement consacrés dans la Constitution, les dispositions relatives à la sécurité sociale ou encore au principe d'égalité permettent d'élargir la protection constitutionnelle à des droits même s'ils ne sont pas explicitement mentionnés. En ce qui concerne les procédures de plaintes pour violations des droits de l'homme, la délégation a rappelé que l'objet du Centre des droits de l'homme n'est pas de recevoir des plaintes mais que celles-ci peuvent facilement être portées devant les tribunaux ou devant le Médiateur pour ce qui est des plaintes contre les autorités. Plusieurs personnes ont d'ailleurs fait valoir leurs droits ainsi. La délégation a fait valoir que tous les juristes, au cours de leurs premières années d'étude, ont une connaissance approfondie des différents instruments en matière de droits de l'homme.
Répondant à un expert, la délégation a indiqué que l'Islande consacre 0,16% de son produit intérieur brut à l'aide au développement. Elle n'a toutefois pas été en mesure de détailler la politique d'aide au développement et la façon dont les dispositions du Pacte sont prises en compte.
En réponse à plusieurs questions sur la législation en matière de discrimination raciale et les mouvements xénophobes existants, la délégation a indiqué que ces phénomènes n'ont pas été reconnus jusqu'à présent comme un grand problème. Toutefois, avec l'augmentation de la population étrangère, une préoccupation croissante se fait jour face à l'apparition possible de ce genre de problèmes. À cet égard, elle a cité le cas d'un jeune homme appartenant à un parti nationaliste qui a tenu des propos dégradants contre les Africains dans les médias. Il a été condamné en vertu d'une disposition ancienne du Code pénal qui n'avait jamais été appliquée auparavant car c'était la première fois qu'un tel cas se présentait. L'objet de cette décision était de donner un signal clair visant à dissuader l'émergence de ce genre d'actes. En ce qui concerne les associations à caractère raciste, la délégation a réitéré qu'il n'y a jamais eu de cas mais que la Constitution contient une disposition qui prévoit l'interdiction d'associations dont les objectifs seraient illégaux. La délégation a mis l'accent sur la volonté des autorités de promouvoir la tolérance et l'ouverture aux différentes cultures.
En ce qui concerne l'égalité des sexes et la nouvelle loi sur les congés maternité et paternité, la délégation a précisé que cette loi n'est entrée en vigueur qu'en janvier 2001 et qu'il est trop tôt pour évaluer son impact, notamment sur l'écart des salaires. Toutefois, les premières statistiques montrent que les hommes prennent leur congé paternité, ce dont il faut se féliciter, même si peu de pères prennent le congé parental en entier. Elle a souligné la souplesse qui est prévue pour prendre ce congé et l'augmentation du nombre de personnes qui partageaient leur congé en plusieurs phases. Un projet a en outre été établi afin d'encourager les femmes à accorder une plus grande place à leur vie professionnelle et les hommes à s'occuper davantage de leurs familles. La loi stipule d'autre part que les employeurs de plus de 25 employés doivent mettre en place un programme spécial d'encouragement de l'égalité entre les sexes. Des projets pour tenter de concilier vie professionnelle et vie privée ont été mis en place dans plusieurs entreprises et les études montrent que des changements de mentalités sont en cours.
En ce qui concerne la différence de salaire entre hommes et femmes, des progrès ont été réalisés mais le problème n'est pas encore résolu, a reconnu la délégation. Des recherches et des études sont menées afin d'identifier les causes et les facteurs qui influencent les écarts de rémunération. À cet égard, il apparaît que les femmes travaillent moins longtemps et préfèrent souvent travailler à temps partiel. Les femmes sont en outre souvent moins qualifiées que les hommes, même si la différence s'amenuise chez les jeunes et qu'aujourd'hui les femmes sont plus nombreuses à l'Université. La société évolue et des projets sont en place pour encourager les femmes à prendre des postes de direction, à demander des rémunérations plus élevées et à créer des petites entreprises, notamment. Les progrès sont de plus en plus apparents, a assuré la délégation.
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