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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SON DÉBAT SPÉCIAL SUR LA TOLÉRANCE ET LE RESPECT

26 mars 2001



Commission des droits de l'homme
57ème session
26 mars 2001
Matin





La Commission des droits de l'homme a entamé, ce matin, sa journée de débat spécial sur la tolérance et le respect. Elle a entendu dans ce cadre des déclarations liminaires de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson; de l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix; du Sénateur australien Aden Ridgeway, unique membre autochtone du Parlement fédéral australien; et du mufti de Marseille, le Sheikh Sahib Ben Sheikh.

Ces déclarations liminaires ont été suivies d'un dialogue au cours duquel ont pris part aux débats les représentants de près d'une quinzaine de pays et d'organisations non gouvernementales.

Dans sa déclaration liminaire, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme a notamment fait observer que les victimes de l'intolérance dans le monde entier ont le regard tourné vers la Conférence de Durban pour engager un tournant dans le climat d'intolérance, de préjugés et de marginalisation qu'ils subissent, et instaurer un climat nouveau fait de respect et de mise en valeur des différences. Elle a rappelé l'importance d'une politique de prévention en soulignant que la promotion de la tolérance et du respect constitue un élément clef de toute stratégie préventive.

L'archevêque Desmond Tutu a pour sa part souligné que les êtres humains doivent vivre dans la solidarité, l'amitié, l'entraide, l'altruisme, l'interdépendance et la complémentarité et que toutes les expériences qui n'ont pas suivi cette loi d'airin de la condition humaine ont été un désastre.

Le Sénateur australien Aden Ridgeway a quant à lui exposé les progrès du processus de réconciliation avec la population autochtone en Australie. Il a ainsi rappelé que la reconnaissance des droits est fondamentale pour parvenir au respect et à la tolérance. Il a en outre apporté son soutien à l'idée de nommer un rapporteur spécial sur les questions autochtones.


Le mufti de Marseille a notamment rappelé que depuis l'origine de l'humanité, tout regroupement humain dans une même communauté a abouti à la création d'une éthique commune. Aussi, en sommes-nous aujourd'hui au stade où une éthique nouvelle va émerger. Si, en tant que religieux, le mufti s'est dit porté à croire que cette éthique devrait être fondée sur la foi, il a rappelé que la planète n'est pas peuplée que de croyants de sorte que l'on peut imaginer une éthique qui ne soit pas fondamentalement religieuse.

Au cours du débat qui a suivi ces interventions liminaires, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Jamahiriya arabe libyenne, États-Unis, Fédération de Russie, Égypte, Uruguay, Suède (au nom de l'Union européenne), Bahreïn, Israël, Irlande, Allemagne, Inde.

Les organisations non gouvernementales suivantes se sont également exprimées, au nom de plusieurs organisations: Association internationale contre la torture, Fédération mondiale pour la santé et United Methodist Church.

La Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, et jusqu'à ce soir 21 heures, son débat spécial sur l'intolérance et le respect.




Déclarations liminaires sur le thème de la tolérance et le respect

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré que la communauté internationale devra se pencher, lors de la Conférence mondiale contre le racisme qui se tiendra à Durban dans quelques mois, sur quatre forces négatives qui doivent absolument être combattues : le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Le débat d’aujourd'hui sur le thème de la tolérance et du respect devrait fortement contribuer à enrichir notre compréhension des forces positives qui devront nous guider dans un monde en phase d'intégration de plus en plus poussée. Mme Robinson a fait observer que la promotion de la tolérance permettrait de faire échec à l'intolérance à l’origine des quatre forces négatives susmentionnées. Le respect, pour sa part, va encore plus loin dans la mesure où il reconnaît la dignité et la valeur intrinsèque de chaque individu.

Mme Robinson a déclaré que les victimes de l'intolérance dans le monde entier ont le regard tourné vers la Conférence de Durban pour amorcer un tournant dans le climat d'intolérance, de préjugés et de marginalisation qu'ils subissent, et instaurer un climat nouveau fait de respect et de valorisation des différences. Mme Robinson a rappelé l'importance d'une politique de prévention en soulignant que la promotion de la tolérance et du respect constitue un élément clef de toute stratégie préventive. Il est avant tout indispensable de promouvoir une meilleure compréhension des raisons pour lesquelles les différences entre les hommes sont parfois perçues comme une menace, a déclaré Mme Robinson. Les attitudes d'intolérance ont tendance à trouver leur origine dans la peur: la peur de ce qui n'est pas familier ou de ce qui est différent; la peur de l'autre; la peur de perdre sa sécurité personnelle; la peur de la concurrence économique.

La Haut-Commissaire aux droits de l'homme a souligné que cette journée de débat spécial fournit une bonne occasion d'aider la Commission dans son engagement en faveur de la tolérance et du respect en étudiant les questions relatives à l'intolérance religieuse, à l'exclusion économique, politique et sociale et à la discrimination contre les migrants. Le débat pourrait notamment se concentrer sur la manière dont nous pourrions recourir plus efficacement à l'éducation afin de mieux comprendre et accepter les différences culturelles, religieuses, raciales et ethniques, ainsi que sur le rôle que les médias pourraient jouer en la matière.

L'archevêque DESMOND TUTU, lauréat du Prix Nobel de la paix, a déclaré que Dieu n'a pas fait d'erreur en nous créant tous différents. Indiquant que dans sa langue on parle d'ubuntu, qui décrit l'essence de l'être humain fait de générosité, de compassion, de magnanimité, de pardon et de réconciliation, il a souligné que l'homme se réalise en communauté. C'est l'ubuntu qui a permis à Nelson Mandela et aux autres victimes de l'apartheid de pardonner leurs bourreaux, et aussi de pouvoir entendre les horreurs qui ont été racontés devant la Commission vérité et réconciliation. Nous habitons un univers caractérisé par la diversité, a-t-il poursuivi, et pour le chrétien qui croit en Dieu la diversité dans l'unité est un reflet de l'oeuvre divine. Il n'y a donc pas de race inférieure ou supérieure; nous sommes tous égaux en dignité et nés libres. C'est pourquoi nous méritons le respect, quelles que soient les circonstances extérieures. Ces sont des valeurs intrinsèques.

L'archevêque Tutu a réitéré que le propre de l'être humain est de vivre dans la solidarité, l'amitié, l'entraide, l'altruisme, l'interdépendance et la complémentarité. Toutes les autres expériences ont été un désastre: racisme, xénophobie, discrimination, esclavage. Cela a donné naissance au Ku Klux Klan, aux holocaustes d'Allemagne, d'Arménie, du Rwanda, aux nettoyages ethniques des Balkans. Au nom de la religion, qui encourage la tolérance, le respect, la compassion, la paix, la réconciliation, ou a trop fréquemment fait le contraire. Quelques-unes des pires atrocités ont été commises au nom de la religion. Les chrétiens doivent savoir que Dieu n'est pas chrétien et qu'ils est le Dieu de la paix. Notre survie en tant qu'espèce ne dépend pas d'un pouvoir manquant de direction morale. Nous avons besoin de travailler pour la coexistence et pour la tolérance, a-t-il poursuivi, comme cela a été le cas pour l'Afrique du Sud, et peut-être d'autres découvriront qu'il n'y a pas de futur sans pardon, car nous sommes tous membres de la même famille. Il y a de la place pour toutes les cultures, races, langues et opinions.

M. ADEN RIDGEWAY, Sénateur autochtone au Parlement fédéral d'Australie, abordant le thème du respect et de la tolérance dans son rapport à l'exclusion sociale, à la participation et la promotion des capacités, a rappelé que la tolérance et le respect impliquent la compréhension et l'acceptation. À cet égard, le sénateur a évoqué les progrès du processus de réconciliation avec la population autochtone en Australie et les efforts qui restent à faire pour vaincre le racisme. Dans cette optique, il a rappelé que la reconnaissance des droits est fondamentale pour parvenir au respect et à la tolérance. Ces droits comprennent le droit à l'autodétermination, le droit sur son territoire (terre, eaux, mers, ressources), le droit à la culture et à l'héritage. Ces droits, a précisé M. Ridgeway, ne sont pas seulement des droits fondamentaux liés à la citoyenneté; il faut les intégrer aux droits civiques pour garantir que ce qui distingue les populations autochtones et qui fait la spécificité de leur identité et de leur culture, ne soient pas détruites.

S'agissant du rôle des gouvernements dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones, M. Ridgeway a rappelé que les politiciens ont non seulement pour obligation d'assurer aux autochtones la possibilité d'exercer leurs droits mais aussi d'adapter leurs programmes et politiques aux exigences, valeurs, croyances et styles de vie des peuples autochtones. Il a ajouté que pour parvenir au respect et à la tolérance, le rôle de l'autodétermination est important car il oblige le gouvernement à démontrer qu'il peut répondre aux priorités déterminées par les représentants autochtones. À cet égard, il faut que les gouvernements et les organismes de financement facilitent l'action des peuples autochtones pour exercer leurs droits et les affirmer dans toutes les situations pratiques. D'autres formes de participation et de promotion des capacités peuvent être mises en oeuvre à travers la représentation politique, la reconnaissance constitutionnelle et l'application d'une loi précisant les droits et devoirs de tous les citoyens et offrant une protection contre la discrimination raciale, assurant que des lois soient adoptées au bénéfice des peuples autochtones et que des mesures soient prises pour promouvoir les capacités économiques plutôt que la dépendance vis-à-vis de l'État providence.

M. Ridgeway a en outre recommandé l'incorporation des conclusions et recommandations de la Réunion régionale sur le racisme et les peuples autochtones qui s'est tenue à Sydney dans le document final de la Conférence de Durban. Il a en outre demandé que celui-ci reconnaisse que les peuples autochtones ont souffert et continuent de souffrir de racisme et de discrimination raciale systématique et appelle à l'adoption du projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Il a également appuyé la proposition de nommer un rapporteur spécial sur les questions autochtones.

SHEIKH SAHIB BEN SHEIKH, mufti de Marseille, s'est dit très honoré que soit offerte à un dignitaire musulman l'occasion de parler devant cette Commission des questions de tolérance et de respect sous l'angle religieux. Il a rappelé que nous vivons tous dans un monde rétréci par la mondialisation où nulle culture n'est désormais exotique ni lointaine. Depuis l'origine de l'humanité, tout regroupement humain dans une même communauté a abouti à la création d'une éthique commune, a-t-il fait observer. Nous sommes aujourd'hui au stade où une éthique nouvelle va émerger. En tant que religieux, le mufti s'est dit porté à croire que cette éthique devrait être fondée sur la foi. Mais la planète n'est pas peuplée que de croyants, et l'on peut imaginer une éthique qui ne soit pas fondamentalement religieuse, a-t-il estimé. Une religion sûre d'elle-même ne doit pas avoir besoin que sa vérité soit soutenue par l'État ou par le bras séculier de la loi, a-t-il souligné. L'Islam n'appartient pas aux seuls musulmans; il s'agit d'un message adressé à toute l'humanité, a ajouté le mufti de Marseille. Les musulmans sont les instruments et les témoins de leur vérité qui est l'Islam mais ne sont pas propriétaires ni tuteurs de cette vérité, sous peine d'usurper la place de Dieu. Il ne saurait être question pour des individus, quels qu'ils soient, d'imposer des vérités qui ne sont des vérités qu'à leurs propres yeux. Il convient donc de réfléchir aux moyens de promouvoir cette éthique commune à l'humanité.

Le mufti de Marseille a invité chacun à distinguer entre l'Islam qui a engendré Cordoue et de grands philosophes, pour ne citer que ces deux exemples, et les agitations commises aujourd'hui au nom de cette grande religion. L'Islam est une religion extrêmement libérale et individualiste. Le Coran n'est pas une législation mais une source d'inspiration pour les législateurs, a déclaré le mufti.


Débat sur la tolérance et le respect

MME NAJAT AL-HAJJAJI (Jamahiriya arabe libyenne) a rappelé que les différentes religions et cultures dans le monde appartiennent à la même souche. Cette diversité ne saurait être considérée comme une menace pour personne. La tolérance, de ce fait, consiste en l'acceptation positive de cette diversité. Pendant plusieurs siècles, l'Afrique a souffert du colonialisme et de l'esclavage, conséquences directes de l'intolérance, et il ne fait aucun doute que ces pratiques ont eu des conséquences extrêmement graves sur le continent, qui continue d'en souffrir.



M. SICHAN SIV (États-Unis) a déclaré que la tolérance et le respect sont les fondements de la paix et de la réalisation de tous les droits de l'homme, au premier rang desquels la liberté de croyance. Un des défis majeurs consiste à alimenter le respect pour les croyances religieuses à une époque ou les cultures se rapprochent inévitablement, afin d'éviter les conflits. Il ne faut pas oublier que de graves violations des droits de l'homme sont commises en raison de l'intolérance religieuse, comme on a pu le constater récemment en Afghanistan, a-t-il ajouté. À cet égard, il a lancé un appel aux Taliban pour qu'ils assument leurs responsabilités au titre de la Déclaration universelle des droits de l'homme et a condamné vigoureusement les destructions d'oeuvres d'art et ce qu'il a qualifié de terrorisme culturel.

M. V. ERMAKOV (Fédération de Russie) a souligné que l'époque où les pays étaient composés d'une seule ethnie est bel et bien révolue. Nous vivons aujourd'hui dans un système complexe où les frontières ont changé. Le prix payé pour l'absence de compromis idéologique au XXe siècle a été les deux guerres mondiales et la guerre froide, a rappelé le représentant russe. Éliminer la haine et instaurer la paix dans le monde s'avèrent être des tâches complexes. Souvent, on assiste à des tentatives d'imposer une vision du monde comme étant une norme universelle. Il s'agit là d'un exemple flagrant d'intolérance, a déclaré le représentant. L'individualisme à outrance et la méfiance à l'égard des modes de vie collectifs semblent s'imposer tout en suscitant une forte déception au sein des populations de l'Est comme de l'Ouest. Il faut reconnaître aux individus et aux communautés humaines le droit de choisir leurs propres modes de vie.

MME FAYZA ABOULNAGA (Égypte au nom du Groupe des pays arabes) a déclaré que les pays arabes attachent une grande importance au succès de la Conférence mondiale contre le racisme. Il est de la responsabilité de tous de répondre aux nombreux défis posés par l'intolérance et le racisme. La tolérance se fonde sur la reconnaissance de l'égalité de tous et sur le respect de toute opinion et des droits des autres. Il s'agit de favoriser le dialogue mondial en vue de favoriser la paix. Mme Aboulnaga a aussi affirmé qu'il ne faut pas oublier la dimension nationale dans la diffusion de la culture des droits de l'homme. Il faut aussi affirmer la responsabilité internationale qui devient déterminante dans le phénomène de la mondialisation. Mme Aboulnaga a par ailleurs souligné que l'on assiste à une tragédie à Jérusalem et dans les territoires occupés, et à l'intolérance face à la lutte légitime d'un pays aux prises avec l'occupation militaire israélienne qui ne respecte pas les droits de l'homme. Reprenant les paroles de l'archevêque Tutu, elle a affirmé qu'il y a de la place pour tous, et il est donc nécessaire de défendre la tolérance partout dans le monde.

M. FERNANDO LUGRIS (Uruguay) a mis l'accent sur quatre questions fondamentales pour la lutte contre l'intolérance: les aspects législatifs, les échanges de coopération avec les communautés locales, le rôle des médias et de l'internet, et le rôle de l'éducation. Le représentant a indiqué que son pays réprime l'incitation à la haine, le mépris et la violence pour des motifs raciaux raciales. En ce qui concerne la coopération avec les communautés locales, la valorisation de la société civile est fondamentale, a-t-il déclaré. De même, il a souligné la nécessité de trouver l'équilibre entre le droit à la liberté d'expression et l'interdiction de comportements incitant à la haine ou à l'intolérance. Des moyens de surveillance des moyens de communication de masse doivent être mis en place. Enfin, l'Uruguay considère que l'éducation est l'élément essentiel dans la lutte contre l'intolérance. Le représentant a appelé notamment à un réexamen des programmes d'enseignement de l'histoire latino-américaine afin d'y intégrer l'héritage africain et autochtone.



MME CARINA MARTENSSON (Suède, au nom de l'Union européenne) a souligné le lien étroit existant entre les notions de tolérance et de respect et a souhaité savoir comment les responsables religieux et les communautés religieuses entendent contribuer à la promotion du respect et de la tolérance.

M. ABOUL AZIZ (Bahreïn) a affirmé que son pays connaît une période nouvelle de développement et travaille en coopération avec les institutions internationales pour affirmer le respect des droits de l'homme. Dans la poursuite de sa politique nationale, le pays a renforcé le rôle des femmes. Il a par ailleurs pris des mesures d'amnistie pour les coupables de crimes contre le gouvernement. Dans cette optique, le Bahreïn soutient les organisations non gouvernementales pour les activités qu'elles mènent dans différents domaines. Le représentant a souligné que son gouvernement coopère pleinement avec la Commission.

M. ZEEV LURIA (Israël) a déploré que l'intolérance et les préjugés soient encore très présents dans le monde. Il a évoqué les défis auxquels est confrontée la société israélienne qui est composée d'une mosaïque de groupes d'origines différentes. Les différences sont nombreuses entre ces groupes et il est fondamental de renforcer la base juridique de l'égalité. La société civile et les organisations non gouvernementales ont un rôle déterminant à jouer à cet égard, a déclaré le représentant, qui a rendu hommage à ces organisation pour le travail qu'elles accomplissent. Il a également souligné le rôle essentiel de l'enseignement pour lutter contre l'intolérance et a évoqué les programmes mis en place dans son pays pour encourager le dialogue entre les différentes composantes de la société.

MME ANNE ANDERSON (Irlande) a souligné que l'intolérance religieuse est un phénomène que son pays connaît bien et a rappelé les tensions existantes entre différentes familles religieuses, qu'il s'agisse des musulmans et des juifs ou des catholiques et des protestants. L'intolérance religieuse résulte d'un mélange de facteurs religieuses, politiques et économiques, a-t-elle déclaré. C'est précisément cette complexité des problèmes qui doit nous amener à prendre conscience que les solutions ne peuvent que revêtir de multiples aspects, a-t-elle estimé avant de faire valoir que les grands dirigeants religieux se devaient de promouvoir la tolérance et le respect.

M. WALTER LEWALTER (Allemagne) a affirmé que l'expérience du nazisme a poussé les pères de la République fédérale à placer au coeur de la loi fondamentale le respect pour droits de l'homme. Il a souligné l'importance pour chacun de faire preuve de respect pour l'identité des autres. Une partie importante de l'effort de l'Allemagne concerne la protection des minorités, notamment des musulmans, qui constituent la plus forte minorité du pays. La protection de leurs droits passe notamment par la mise en oeuvre, dans le cadre du système éducatif national, de programmes d'enseignement propres à leur culture. Dans les efforts visant à la promotion de la tolérance, il faut veiller à ce que la société tout entière participe dans la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination. Il a insisté sur l'importance de ce débat, et a espéré qu'il aboutisse à un message de tolérance et de respect pour tous.

M. SHARAT SABHARUWAL (Inde) a rappelé que la diversité constitue une richesse dans un monde de plus en plus diversifié. Il est essentiel de promouvoir la culture de la tolérance aux plans national et international. À cet égard, il s'est inquiété des manifestations d'intégrisme religieux qui dévoient les messages religieux pour justifier la violence et l'intolérance. Il a estimé que des stratégies appropriées de promotion de la tolérance doivent être adoptées dans un cadre démocratique, concerté et pluraliste.

M. OMAWALI CLAY (Association internationale contre la torture, AICT, au nom également du Secrétariat international du mouvement 12 décembre) a mis l'accent sur les atteintes à leur dignité et à leur valeur en tant qu'êtres humains dont souffrent encore aujourd'hui les personnes de descendance africaine du fait des dommages économiques, culturels et politiques considérables provoqués par le commerce transatlantique des esclaves -le plus grand crime contre l'humanité jamais perpétré. On demande constamment aux Africains, ouvertement ou non, d'accepter que les injustices du passé ne fassent pas l'objet de réparation alors que cela permettrait de changer radicalement leur situation et leur condition dans le monde. On ne parviendra à la tolérance et au respect universels que lorsque l'intolérance à l'égard des injustices sera universelle, a déclaré le délégué.

MME WILDA SPALDING (Fédération mondiale pour la santé) a salué le débat qui se tient aujourd'hui et les contributions de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et de l'archevêque Tutu. Elle a en outre attiré l'attention sur les efforts menés par certaines organisations non gouvernementales pour promouvoir une culture de la tolérance, en particulier par le biais de l'internet. Elle a déclaré qu'il fallait protéger les droits de populations autochtones.

MME RENATE BLOEM (United Methodist Church, s'exprimant également au nom de General Board of Global Ministries, Fédération mondiale des femmes méthodistes et unies), s'est félicitée qu'il soit reconnu aujourd'hui qu'il n'y a pas d'avenir sans réconciliation. Elle a appelé à l'application de ce principe dans le monde entier. Elle a posé la question de savoir si la Commission pourrait accorder du temps pour que les différentes religions se retrouvent afin de parvenir à cette réconciliation et a demandé à l'archevêque Tutu s'il pense que cette réconciliation est possible au niveau mondial.

L'archevêque DESMOND TUTU, Lauréat du prix Nobel de la paix, a rappelé que l'Afrique du Sud a remporté une grande victoire contre un régime néfaste et a créé la surprise, dans un monde qui s'attendait à une revanche, en établissant une Commission de la vérité et de la réconciliation. Cette victoire n'aurait jamais été possible sans la communauté internationale, a rappelé l'archevêque Tutu. Si la communauté internationale est parvenue à renverser l'apartheid comme elle l'a fait, pourquoi ne parviendrait-elle pas à éliminer le racisme et à régler les conflits qui sévissent ça et là, notamment au Moyen-Orient, a-t-il demandé? Il faut rappeler à tous qu'ils sont faits pour la paix et la tolérance et qu'il faut rêver au jour où Juifs et Arabes seront totalement réconciliés, tout comme on a rêvé de l'abolition de l'apartheid. Il faut amener les auteurs des crimes à assumer la responsabilité de leurs actes, a souligné l'archevêque. Pour ce faire, il ne s'agit pas de se venger mais d'amener ceux qui nous ont fait du mal à reconnaître le mal causé et à présenter des excuses. Penser que l'on peut faire comme si le passé n'avait jamais existé est impossible car le passé revient toujours nous hanter tant que nous n'y avons pas fait face, a rappelé l'archevêque Tutu.




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