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Comité des droits économiques, sociaux et culturels: audition de la société civile s'agissant du Guatemala, du Nepal et de la Roumanie
17 novembre 2014
Comité des droits économiques,
sociaux et culturels
17 novembre 2014
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu, ce matin, des représentants de la société civile qui ont témoigné de l'application des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels au Guatemala, au Népal et en Roumanie, trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine, avec celui de la Slovénie.
S'agissant du Guatemala, des représentants de la société civile ont notamment indiqué que plus de soixante organisations non gouvernementales du pays avaient préparé un rapport alternatif au rapport soumis par les autorités. Le rapport constate que les obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au Guatemala sont liés à un organisation de l'État autour des intérêts d'une petite partie de la population au détriment de la majorité, in cinquième de la population accaparant 60% de revenu national. L'État devrait ratifier la convention n°189 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, ouvrir des centres d'accueil pour les femmes victimes de la violence et renforcer les institutions de protection des droits des femmes. Il faudra également, à titre prioritaire, éliminer les causes premières de la malnutrition et réformer le droit de propriété foncière.
Les représentants de la société civile népalaise ont souligné que six millions de personnes au Népal souffrent de malnutrition, le pays connaissant l'un des pires taux de malnutrition des enfants. Ils ont recommandé l'adoption d'une politique et d'un cadre juridique pour l'éradication de la faim, la réalisation du droit à l'alimentation et la réforme du droit foncier. S'agissant du travail dans le secteur manufacturier, le collectif recommande aux autorités d'améliorer la sécurité au travail et la protection sociale dans le secteur informel. Il a aussi été recommandé que les droits des femmes soient mieux défendus par la Constitution, notamment au plan foncier. Un représentant a dénoncé l'inaction des autorités dans le domaine du développement local, qui explique en partie l'exode rural et le fort taux d'émigration à partir de régions rurales et reculées.
S'agissant de la Roumanie, des organisations de la société civile ont déclaré que les Roms vivant dans le pays ne bénéficient pas du droit à un logement convenable et qu'ils sont particulièrement exposés aux expulsions forcées. Elles ont aussi constaté les carences de la Roumanie dans le domaine de la lutte contre la mortalité maternelle et en matière d'éducation sexuelle. À cet égard, la Roumanie connaît l'un des taux de grossesse adolescente les plus élevés en Europe.
Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Guatemala (E/C.12/GTM/3).
Dialogue avec la société civile
S'agissant du Guatemala
La Coordination des organisations non gouvernementales et coopératives du Guatemala, l'Association paysanne du Guatemala et le Syndicat des travailleurs domestiques et des travailleurs indépendants du Guatemala ont indiqué que plus de soixante organisations non gouvernementales du pays avaient préparé, cette année, un rapport alternatif au document établi par les autorités. Le rapport est basé sur le constat que les obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au Guatemala sont liés à la structuration de l'État autour des intérêts d'une petite partie de la population au détriment de la majorité. Un cinquième de la population accapare 60% de revenu national. Les femmes et les peuples autochtones sont les principales victimes de cette situation. La loi ne reconnaissant pas les peuples autochtones, leurs droits sont systématiquement bafoués, dans un contexte où le modèle de développement économique empêche une grande majorité de la population de tirer parti du développement. Le Guatemala se situe au 133ème rang du classement du développement humain. Par ailleurs, les progrès juridiques et institutionnels obtenus en faveur des femmes depuis dix ans ont été systématiquement démantelés par le gouvernement actuel.
Dans les campagnes, l'exploitation dans le domaine du travail est le fait surtout des industries du sucre et de la palme. Lorsque le salaire minimal est payé, il correspond à des horaires quotidiens de douze heures. Les entreprises empêchent la création de syndicats, avec la complicité de l'État. Il n'existe pas d'infrastructure d'éducation, l'État n'ayant pas de budget pour l'éducation rurale. La terre est aux mains de quelques grands propriétaires terriens. L'accès aux services publics est conditionné à l'affiliation à tel ou tel parti. La situation dans les campagnes est grave au point d'entraîner la malnutrition, voire la mort d'enfants, a résumé un représentant paysan.
Les organisations auteurs du rapport alternatif recommandent que le Guatemala œuvre au rééquilibrage et à la diversification de ses ressources fiscales, renforce ses institutions publiques et procède à des dépenses d'infrastructures judicieuses. Le Gouvernement doit également modifier la Constitution dans le sens de la reconnaissance des peuples autochtones, de leurs droits et de leurs territoires. L'État devrait ratifier la convention n° 189 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, ouvrir des centres d'accueil pour les femmes victimes de la violence et renforcer les institutions de protection des droits des femmes. Il faudra également, à titre prioritaire, éliminer les causes premières de la malnutrition et réformer le droit de propriété foncière.
Un membre du Comité a demandé quelle était l'influence du crime organisé sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au Guatemala. Il a demandé l'avis de la société civile sur le plan baptisé Pacto Hambre Cero «Pacte zéro faim». Un expert a rappelé que les accords de paix de 1994-1995 prévoyaient la reconnaissance des peuples autochtones. L'expert s'est aussi enquis des formes de propriété foncière les plus courantes au Guatemala et du mode de reconnaissance de terres de peuples autochtones. D'autres experts ont demandé combien le Guatemala comptait de peuples autochtones et si le pays dispose de statistiques officielles dans ce domaine. Ces peuples expriment-ils tous les mêmes revendications? Un autre membre du Comité s'est interrogé sur la véracité des accusations d'assimilation et d'hispanisation forcées au Guatemala. Un autre membre du Comité a demandé des précisions sur les mesures prises pour résoudre les problèmes dans la mine d'or de Marlín.
Les représentants des organisations de la société civile ont répondu aux questions des experts du Comité en expliquant que l'État guatémaltèque était faible et largement infiltré par la criminalité organisée. De plus, un tiers du budget national est dilapidé du fait de la corruption. Le pays traverse une crise sanitaire permanente qui s'explique par un système de santé aléatoire et discriminatoire, ont aussi indiqué les organisations.
Les peuples autochtones sont mentionnés dans la Constitution en tant que «groupes ethniques», contrairement aux obligations du pays en vertu du droit international. On trouve trois grands peuples autochtones au Guatemala, répartis en 22 groupes linguistiques. De fait, la majorité de la population est d'origine autochtone. La dernière réforme de la Constitution visait à annuler d'un trait de plume les peuples autochtones, ce à quoi la société civile s'est opposée. Les représentants ont admis que l'office statistique national avait fait des progrès dans la collecte des données, même si la ventilation de ces données reste insuffisante. Le Gouvernement devrait consulter les peuples autochtones pour les décisions qui les concernent, comme dans le cas de l'exploitation de la mine de Marlín, qui a des conséquences graves sur l'environnement et sur la santé des peuples autochtones.
La Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail, relative aux peuples indigènes et tribaux a certes été ratifiée, mais elle reste lettre morte, le pouvoir judiciaire étant réticent à l'appliquer.
La campagne pour l'élimination de la faim au Guatemala – Pacto Hambre Cero, programme phare du gouvernement actuel – n'a pas atteint son objectif, a-t-il été observé: ce programme clientéliste vise surtout à faire gagner des voix aux élections. Les millions de dollars investis n'ont guère permis d'améliorer le sort des deux millions d'enfants qui souffrent encore de malnutrition. Le droit à l'alimentation n'est pas du tout respecté au Guatemala.
S'agissant du Népal
Le représentant d'un collectif d'organisations de la société civile népalaise sur les droits économiques, sociaux et culturels a souligné que six millions de personnes souffrent de malnutrition au Népal, le pays connaissant l'un des pires taux de malnutrition des enfants. Le collectif recommande l'adoption d'une politique et d'un cadre juridique pour l'éradication de la faim, la réalisation du droit à l'alimentation et la réforme du droit foncier. Les autorités devraient, en particulier, réformer le droit foncier en faveur, en particulier, des petits exploitants sans terre. S'agissant du travail dans le secteur manufacturier, le collectif recommande aux autorités d'améliorer la sécurité au travail et la protection sociale dans le secteur informel.
Un autre représentant du même collectif a mis en évidence la discrimination et la marginalisation dont sont victimes, au Népal, de nombreuses femmes travaillant dans le secteur informel. Les femmes qui partent travailler à l'étranger devraient quant à elles bénéficier de la protection consulaire.
En matière de santé, les avortements à risque sont responsables d'un tiers des décès maternels. Il faudrait à cet égard modifier les obstacles culturels qui empêchent encore les femmes de bénéficier d'avortements sûrs. Le collectif recommande par ailleurs que les droits des femmes soient mieux défendus par la Constitution, notamment au plan foncier. Les femmes sont également victimes de la violence domestique et de l'exploitation.
Un représentant de la Commission internationale de juristes a constaté que le Gouvernement du Népal n'avait rien fait pour améliorer la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme de manière à garantir le bon fonctionnement de l'institution. Il a appelé le Népal à amender le projet de loi sur l'institution nationale de droits de l'homme conformément aux normes internationales relatives à l'indépendance des institutions de droits de l'homme.
L'organisation FIAN Népal a demandé à l'État népalais d'intégrer le droit à l'alimentation, y compris la souveraineté alimentaire, dans la nouvelle Constitution, et de reconnaître et protéger les droits des femmes rurales. Il doit également reconnaître que la subsistance des peuples autochtones dépend étroitement de leur accès aux ressources alimentaires et naturelles.
Une experte du Comité a demandé le sentiment de la population concernant le projet de nouvelle Constitution, qui doit être adoptée l'an prochain. Dans quelle mesure la nouvelle charte fondamentale défend-elle les droits économiques, sociaux et culturels, et les droits fonciers? Un autre expert a demandé des informations sur les plans de lutte contre la pauvreté engagés par les autorités népalaises. Plusieurs experts ont demandé des précisions sur l'avancement du processus de paix entre le Gouvernement et les groupes armés maoïstes. Il a été demandé aux ONG de dire quelles pourraient être les raisons de l'incapacité des autorités à remédier au problème de la malnutrition, malgré l'aide internationale dont elles bénéficient.
Les organisations de la société civile ont observé que la population n'est pas convaincue que la Constitution sera adoptée en janvier 2015 comme prévu, vu les querelles politiques qu'elle a suscitées. S'agissant de la promotion du droit foncier, le Gouvernement doit consulter davantage les parties concernées. Les ressources naturelles sont contrôlées par un petit nombre d'acteurs ; elles profitent seulement aux classes moyenne et supérieure.
Le Gouvernement peut détacher un employé ou un fonctionnaire à la commission nationale des droits de l'homme, ce qui limite son efficacité, a estimé un représentant de la société civile. La Cour suprême a invalidé la loi qui régit le fonctionnement de l'institution, demandant aux autorités de la rendre conforme aux principes de Paris.
Aucun texte juridique ne reconnaît les droits économiques et sociaux des personnes défavorisées vivant dans les régions rurales et reculées, a constaté un autre représentant. Cela explique l'exode rural et le fort taux d'émigration à partir de ces régions, malgré leur fort potentiel. Le représentant a regretté l'inaction des autorités dans le domaine du développement local. La pauvreté qui y règne explique certains phénomènes préoccupants, comme par exemple la vente d'organes à des fins de survie.
S'agissant de la Roumanie
Amnesty International a déclaré que les Roms vivant en Roumanie ne bénéficient généralement pas du droit à un logement convenable et qu'ils sont particulièrement exposés aux expulsions forcées. Les Roms expulsés de leurs camps de fortune devraient être prévenus à l'avance et relogés dans des locaux salubres.
Euroregional Center for Public Initiatives (ECPI) et Center for Reproductive Rights (États-Unis) ont constaté les carences de la Roumanie dans le domaine de la lutte contre la mortalité maternelle. D'autre part, les cours d'éducation sexuelle ne sont pas obligatoires en Roumanie: seuls 12% des élèves ont suivi, à cet égard, un enseignement au demeurant lacunaire, dispensé par des enseignants mal formés. Aussi la Roumanie connaît-elle l'un des taux de grossesse adolescente les plus élevés en Europe. Enfin, des difficultés demeurent dans l'accès aux avortements sûrs : treize hôpitaux refusent, pour des raisons de conscience, de réaliser les interventions.
Une experte du Comité a voulu savoir quelle était l'attitude de l'opinion publique devant le problème de l'intégration des Roms en Roumanie. Une autre a demandé des précisions sur le taux de mortalité maternelle, surtout dans la communauté rom, et sur les causes des lacunes de la Roumanie dans ce domaine.
Les organisations de la société civile ont dit ne pas disposer de statistiques officielles sur la part des femmes roms dans la mortalité maternelle. Mais les observations des organisations non gouvernementales montrent que ces femmes accèdent plus difficilement que la population générale aux services de santé. La discrimination fondée sur l'ethnie persiste dans la société roumaine.
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