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Myanmar

Conclusions présentées aux Rohingya du Myanmar : un retour d’information inestimable pour la communauté

03 juin 2019

Lorsque la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar a achevé l’année dernière un rapport de 444 pages* sur les atrocités commises par les forces de sécurité contre la minorité ethnique rohingya du Myanmar, ses experts ont fait rapport au Conseil des droits de l’homme, à l’Assemblée générale, au Conseil de sécurité et au public dans le monde entier à travers les médias. Le mois dernier, les experts de la mission ont pris l’initiative de présenter leurs conclusions aux Rohingya.

Lors d’une visite le 5 mai à Cox’s Bazar, au Bangladesh, Marzuki Darusman, président de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le Myanmar, et Christopher Sidoti, membre expert, ont rencontré de nombreux réfugiés, dont la majorité avait fui une explosion de violences dans l’État rakhine, au Myanmar il y a deux ans.

Parmi les personnes présentes figuraient des témoins, des survivants et des dirigeants communautaires qui avaient apporté un témoignage essentiel au rapport. Ces rencontres ont constitué une occasion unique pour les experts d’informer officiellement ces personnes, et pour les Rohingya de poser leurs propres questions.

La plupart des personnes présentes se sont interrogées sur lenteur de la justice et ont indiqué leur forte volonté de rentrer chez elles. Piégées à l’intérieur d’un vaste réseau constituant le plus grand camp de réfugiés au monde (900 000 personnes), elles ont déploré le fait d’être exclues des discussions sur leur avenir par les gouvernements et les organisations humanitaires.

Un homme est intervenu pour poser des questions sur certains des plus grands défis auxquels les Rohingya exilés sont maintenant confrontés : l’accès à l’éducation et l’emploi. " Ce qui nous inquiète, c’est ce qui va arriver à la prochaine génération, a-t-il dit. Si nous sommes coincés ici, que leur arrivera-t-il ? "

Quelques minutes plus tard, une femme s’est levée pour remercier les experts d’avoir pris le temps d’écouter.   " Au Myanmar, nous n’avons jamais eu l’occasion de parler de nos droits et de nos revendications, a-t-elle expliqué, et même ici, dans les camps, les femmes en particulier n’ont pas cette possibilité. "

Cette femme a déclaré que le rapport de la Mission avait contribué à informer le monde sur la " violence indescriptible " que la communauté Rohingya avait subie. Et d’ajouter : " Nous aimerions savoir comment empêcher que ce type de souffrance ne se reproduise. "  

Une occasion unique

Les missions d’enquête établies par le Conseil des droits de l’homme s’adressent principalement aux États membres des Nations Unies à Genève et à New York. Toutefois, puisque le mandat de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar a été prolongé d’une année supplémentaire (il expire en septembre 2019), les experts ont eu l’occasion de retourner sur le terrain et de rencontrer les personnes concernées par le rapport. 

" Pour nous, ce retour d’information a été le plus important que nous ayons fait ", a déclaré M. Sidoti " Notre rapport est le produit de ce que ces personnes nous ont dit. Ce sont leurs histoires que nous avons racontées. Nous voulions donc nous assurer qu’après notre coopération, nous avions l’occasion de leur présenter nos conclusions, de leur expliquer ce que nous avions recommandé et ce qui allait se passer à partir de là. "

" J’espère sincèrement qu’à la lumière de notre expérience, cela deviendra la norme pour les enquêtes du Conseil des droits de l’homme ", a déclaré M. Sidoti, peu après la distribution des résumés du rapport de 2018 par le personnel de la Mission. " Le mandat donné aux équipes d’enquête devrait comprendre l’établissement d’un rapport, non seulement aux mécanismes de l’ONU, mais aussi aux communautés affectées. "

Au cours de leur visite, les experts ont tenu deux réunions dans les camps de réfugiés, dont une exclusivement avec des femmes. Ils ont également rencontré des Rohingya du côté bangladais d’une bande de terre à Konarpara, qui chevauche la frontière du Myanmar, et ont entendu de nouveaux témoignages d’arrivants récents.

Cette visite s’inscrivait dans le cadre d’un voyage de dix jours à travers la région qui a commencé le 3 mai et s’est terminé par un appel lancé par les experts à la communauté internationale* pour qu’elle coupe tout lien financier avec les militaires du Myanmar, affirmant que ses commandants devaient être " isolés " et traduits devant un tribunal crédible pour répondre des accusations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Transmettre le message des Rohingya

Le rapport de septembre 2018 des experts fait état de la violation systématique des droits de l’homme des groupes ethniques dans tout le pays, y compris dans les États kachin et shan. Toutefois, le rapport se concentre en grande partie sur les opérations militaires de " nettoyage " dans l’État rakhine qui ont débuté en août 2017, au cours desquelles les forces de sécurité du Myanmar ont tué des milliers de civils rohingya, violé et agressé sexuellement des femmes et des filles et mis le feu à leurs habitations. Ces violences ont forcé plus de 700 000 Rohingya à fuir le pays, la plupart vers le Bangladesh.

Lors des rencontres dans le camp de Kutupalong au Bangladesh, certains réfugiés ont demandé ce qui allait se passer ensuite.

Marzuki Darusman, qui dirige la Mission, leur a assuré que le Mécanisme indépendant pour le Myanmar, créé par le Conseil des droits de l’homme l’année dernière, recevrait leur travail et commencerait à préparer des dossiers en vue de poursuites éventuelles contre les auteurs présumés de certains des crimes les plus graves au vu du droit international. 

Il a également déclaré qu’il ferait part de leurs inquiétudes au Conseil des droits de l’homme à Genève lors de la présentation du rapport final en septembre.

Après avoir quitté le Bangladesh, les experts ont également rencontré des représentants des communautés kachin, shan et chin de Malaisie.

" Il est important de nous assurer que nous pouvons également rendre compte à d’autres groupes ethniques dont les témoignages ont été reflétés dans notre rapport au Conseil des droits de l’homme l’année dernière. Le sort des communautés kachin, shan et chin reste très préoccupant pour la Mission ", a déclaré Radhika Coomarswamy, membre experte.

3 juin 2019