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« Il y a du sens dans la thèse avancée par les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies selon laquelle la question n’est plus de savoir si les juridictions de protection des droits de l’homme doivent examiner les conséquences des dommages environnementaux sur la jouissance des droits de l’homme, mais comment elles doivent le faire. »

Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’affaire Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, a statué en faveur d’un groupe de femmes âgées suisses affirmant que la faiblesse des politiques climatiques de la Suisse les exposait à un risque accru de décès dû aux vagues de chaleur. Dans son arrêt historique, la Cour a conclu que le droit au respect de la vie privée et familiale « doit être considéré comme englobant un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie ».

Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, une association à but non lucratif représentant un groupe de 2 400 femmes âgées suisses et quatre membres individuels, a déclaré à la Cour que plusieurs de leurs droits étaient violés et qu’elles étaient plus susceptibles de mourir dans des vagues de chaleur en raison des changements climatiques, qui sont devenues plus chaudes et plus fréquentes. Elle a fait valoir que la Convention européenne des droits de l’homme exigeait de la Suisse qu’elle fasse davantage pour empêcher le réchauffement de la planète au-delà de l’objectif de l’Accord de Paris de 1,5 oC (2,7 oF) au-dessus des niveaux préindustriels.

Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, le Rapporteur spécial sur les substances toxiques et les droits de l’homme et l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme ont soumis un mémoire en qualité d’amicus curiae à la Cour le 15 septembre 2021. Ce mémoire présentait deux arguments principaux, le premier étant que l’approche actuelle de la Cour dans les affaires traitant des droits de l’homme et de l’environnement et des droits des personnes âgées pouvait être adaptée pour tenir compte des spécificités des affaires relatives aux changements climatiques. Deuxièmement, il a fait valoir que les principes, les obligations et les engagements tirés du droit international de l’environnement pourraient aider la Cour à aborder les affaires relatives au climat d’une manière fondée sur des principes, en s’appuyant sur sa jurisprudence existante.

Parmi les documents internationaux pertinents cités, la Cour a mentionné les rapports du Rapporteur spécial sur les changements climatiques, du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, de l’Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale et de l’Experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme.

Dans son arrêt, la Cour s’est référée aux observations des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Au paragraphe 451, la Cour a stipulé : « Il découle des considérations qui précèdent que la compétence de la Cour pour connaître de litiges relatifs au changement climatique ne peut, par principe, être exclue. En effet, compte tenu de la nécessité de répondre à l’urgence de la menace que constitue le changement climatique et eu égard au consensus général selon lequel ce changement est une préoccupation commune de l’humanité [...], il y a du sens dans la thèse avancée par les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies selon laquelle la question n’est plus de savoir si les juridictions de protection des droits de l’homme doivent examiner les conséquences des dommages environnementaux sur la jouissance des droits de l’homme, mais comment elles doivent le faire [...]. »

Un arrêt historique d’une cour régionale des droits de l’homme établit la responsabilité de l’État dans la violation du droit à un environnement sain

Le 22 mars 2024, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a rendu sa décision dans l’affaire Communauté de Oroya c. Pérou. La Cour a tenu le Pérou pour responsable de son incapacité à protéger les habitants de la ville de La Oroya, dans les Andes péruviennes, qui ont été exposés à une pollution industrielle toxique provenant d’un complexe métallurgique opérant sans contrôle adéquat de la pollution pendant un siècle. C’est la première fois que la Cour reconnaît la responsabilité d’un État pour avoir violé le droit à un environnement sain et ne pas avoir protégé la population contre les atteintes à l’environnement liées à l’activité économique. Cette décision constitue également l’arrêt le plus fort et le plus complet rendu à ce jour par une cour régionale des droits de l’homme sur le droit à un environnement sain et, par là même, établit un précédent solide en la matière.

Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement et le Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme, en collaboration avec le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains ont soumis deux mémoires en qualité d’amicus curiae à la Cour en octobre 2022. 

Conformément au mémoire d’amicus curiae du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, la Cour a précisé que le droit à un environnement sain se compose d’un ensemble d’éléments procéduraux et substantiels. Elle a cité plusieurs rapports du Rapporteur spécial, dont un sur « l’air pur » (A/HRC/40/55), déterminant que le droit de respirer de l’air pur était un élément essentiel du droit à un environnement sain, et un autre sur « les droits de l’homme et la crise mondiale de l’eau : la pollution de l’eau, la pénurie d’eau et les catastrophes liées à l’eau » (A/HRC/46/28). En outre, la Cour a souscrit à l’identification antérieure par le Rapporteur spécial de la communauté de La Oroya en tant que zone sacrifiée, comme le souligne son rapport thématique (A/HRC/49/53) sur « l’environnement non toxique ».

L’arrêt citait directement les travaux du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement concernant les effets disproportionnés de la pollution environnementale sur certains groupes. En outre, conformément aux mémoires présentés en qualité d’amicus curiae par les experts de l’ONU, la Cour a expliqué sa décision de tenir le Pérou pour responsable de la protection contre les atteintes à l’environnement et aux droits de l’homme liées aux activités des entreprises, selon les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. La Cour a déclaré que le Pérou aurait dû prendre des mesures supplémentaires, notamment exiger une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, étant donné que la société minière appartenait au Gouvernement. Elle a également reconnu que les membres de la communauté Oroya étaient des défenseurs des droits humains, comme le souligne le mémoire d’amicus curiae, et a tenu le Pérou pour responsable de ne pas les avoir protégés et de ne pas avoir enquêté sur les attaques qu’ils ont subies.

Une telle décision par une cour régionale des droits de l’homme crée un précédent crucial à l’échelle mondiale.

Le Conseil constitutionnel français déclare une loi inconstitutionnelle à la suite de contributions émanant des procédures spéciales

Le 21 mai 2021, le Conseil constitutionnel français a jugé que de nombreuses dispositions de la loi pour une sécurité globale étaient inconstitutionnelles, en particulier l’article 52 (ancien article 24) qui érigeait en infraction le partage malveillant d’images permettant d’identifier des policiers, ainsi que l’article 47 qui prévoyait l’utilisation de drones pour surveiller les manifestations. Plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales avaient auparavant présenté, par le biais d’une communication conjointe (JOL FRA 4/2021), des arguments à cet égard, que le Conseil constitutionnel avait acceptés. Concernant l’article 52 en particulier, le Conseil constitutionnel a conclu que : « faute pour le législateur d’avoir déterminé si “le but manifeste” qu’il soit porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique du policier devait être caractérisé indépendamment de la seule provocation à l’identification, les dispositions contestées font peser une incertitude sur la portée de l’intention exigée de l’auteur du délit [...] Dès lors, le paragraphe I de l’article 52 méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines. » Concernant l’article 47, le Conseil a fait valoir que : « eu égard à leur mobilité et à la hauteur à laquelle ils peuvent évoluer, ces appareils sont susceptibles de capter, en tout lieu et sans que leur présence soit détectée, des images d’un nombre très important de personnes et de suivre leurs déplacements dans un vaste périmètre. Dès lors, la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties particulières de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée. »

Autre impact : élaboration des normes relatives aux droits de l’homme


L’Irlande s’engage à procéder à un examen indépendant de la loi électorale controversée qui affecte les organisations de la société civile

À la suite d’une communication conjointe envoyée le 10 décembre 2020 par le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, le Gouvernement irlandais a reconnu les préoccupations légitimes et de longue date soulevées par la société civile en ce qui concerne la loi électorale de 1997 et s’est engagé à mettre en place, d’ici la fin de l’année 2021, une Commission électorale indépendante chargée notamment d’examiner la loi dans son intégralité, y compris l’article 22.

Depuis la modification de la loi en 2001, la société civile avait critiqué à plusieurs reprises le caractère vague et incertain de la formulation de l’article 22, qui limite l’exercice effectif du droit à la liberté d’association par les organisations de la société civile et a une forte incidence sur leur capacité à collecter des fonds. La définition large des « objectifs politiques » introduite dans la loi de 2001 a eu un impact involontaire sur les activités des organisations de la société civile et sur les moyens par lesquels elles collectent légitimement des fonds pour mener leurs activités quotidiennes. En 2001, l’article 22 de la loi électorale a étendu les restrictions sur les dons qui ne s’appliquaient auparavant qu’aux candidats aux élections et aux partis politiques à toutes les contributions données « à des fins politiques » à un « tiers ». Les restrictions en matière de dons comprennent les dons en nature, c’est-à-dire non seulement l’argent, mais aussi la fourniture de services volontaires, toute réduction de taux pour l’utilisation de biens ou la fourniture de services, ainsi que les dons de biens ou de marchandises. Ces restrictions disproportionnées en matière de dons imposées aux organisations de la société civile limitent la capacité de ces organisations à mener à bien leur travail légitime en contribuant à l’élaboration des politiques publiques en Irlande. Dans sa réponse, le Gouvernement irlandais s’est engagé à répondre aux préoccupations soulevées de la manière la plus raisonnable et la plus appropriée possible.

Autre impact : réforme juridique


Plaidoyer en faveur de l’adoption par la Mongolie de son projet de loi sur les défenseurs des droits humains

Le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, Michel Forst, s’est montré très favorable à l’adoption du projet de loi sur le « statut juridique des défenseurs des droits humains » lors de sa visite en Mongolie en mai 2019 et par la suite, notamment dans le rapport sur cette visite présenté au Conseil en mars 2020 (voir A/HRC/43/51/Add.2). Au mois de septembre 2019, il a participé à un séminaire sur cette loi organisé par le HCDH et à d’autres activités connexes organisées par la société civile. Au cours de son dialogue interactif lors de la 43e session du Conseil des droits de l’homme, le représentant de la Mongolie a indiqué que son Ministre des affaires étrangères avait lancé le projet de loi avec le soutien de l’institution nationale des droits de l’homme et de la société civile. Il a fait examiner le projet de loi par le Gouvernement et, en sa qualité de membre du Parlement, s’est employé à le soumettre au Parlement. Le représentant de la Mongolie a également exprimé la gratitude du Gouvernement envers le HCDH et le Rapporteur spécial pour leur soutien à l’adoption de la loi.

Autre impact : réformes législatives


L’Ouzbékistan met en œuvre avec succès les recommandations visant à renforcer la formation initiale et continue des professionnels de la justice

À la suite de sa visite en Ouzbékistan du 19 au 25 septembre 2019, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats Diego García-Sayán a formulé plusieurs recommandations au Gouvernement sur la manière dont il peut renforcer son système judiciaire, y compris des recommandations sur la manière de garantir que le pouvoir judiciaire est réellement indépendant des autres pouvoirs de l’État, en particulier du pouvoir exécutif, et que les juges, les procureurs et les avocats sont libres d’exercer leur activité professionnelle sans ingérence ou pression indue (A/HRC/44/47/Add.1). Plus particulièrement, le Rapporteur spécial a souligné le rôle important que jouent la formation initiale et la formation continue dans le renforcement de l’indépendance et de l’impartialité des magistrats, des juges, des procureurs et des avocats.

Conformément à ces recommandations, le Gouvernement de l’Ouzbékistan a indiqué que le Président de la République avait adopté le 29 avril 2020 un décret « sur les mesures supplémentaires visant à améliorer radicalement l’éducation et la science juridiques dans la République d’Ouzbékistan ». Le décret vise à mettre en œuvre les recommandations du Rapporteur spécial sur la manière d’améliorer la formation initiale et continue des professionnels du droit, et identifie les domaines prioritaires pour le développement de l’éducation juridique. Conformément au décret, l’Université de droit de Tachkent (TSUL) a été désignée comme l’établissement d’enseignement supérieur pour la formation et la reconversion du personnel juridique, tandis que de nouvelles écoles de droit ont été créées dans les régions de Samarkand, Namangan et Termez pour faciliter l’accès à la profession juridique dans les zones où il y a un manque de professionnels du droit qualifiés. Le décret établit également l’Institut de gouvernance et de droit au sein de l’Académie des sciences pour mener des recherches fondamentales et appliquées dans les domaines de la gouvernance, du droit, et de la pensée politique et juridique.

Autre impact : réformes législatives


Les Bahamas modifient la loi sur la citoyenneté afin de promouvoir l’égalité des genres et de réduire l’apatridie

Le 25 mai 2020, la Cour suprême des Bahamas a statué que toute personne née dans le pays avait droit à la citoyenneté à la naissance si au moins l’un de ses parents était citoyen du pays, que les parents soient mariés ou non. Jusqu’à présent, un enfant né aux Bahamas d’une mère étrangère et d’un père bahamien hors mariage ne se voyait pas accorder la citoyenneté et de nombreux enfants se retrouvaient de fait apatrides puisqu’ils ne pouvaient demander la nationalité bahamienne qu’à l’âge de 18 ans. Alors que le pays a entamé une délibération sur cette question en novembre 2017, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes a plaidé en faveur d’une modification des lois sur la nationalité lors d’une visite officielle aux Bahamas en décembre 2017 (voir le paragraphe 73 f) du rapport de visite de pays A/HRC/38/47/Add.2).  La récente décision de justice concernant les lois sur la citoyenneté du pays représente une étape positive vers la promotion de l’égalité des genres et la réduction du risque d’apatridie.

Autre impact : réformes législatives


L’Argentine crée un Ministère des femmes, du genre et de la diversité

En décembre 2019, le Gouvernement argentin a créé un Ministère des femmes, du genre et de la diversité, conférant un rang ministériel à l’organisme chargé de coordonner et de mettre en œuvre les programmes de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes. En outre, le 3 juillet 2020, le Gouvernement a lancé un plan d’action national contre la violence fondée sur le genre (2020-2022), conformément à la loi no 26.485 pour la protection intégrale visant à prévenir, punir et éradiquer la violence à l’égard des femmes. Les mesures déjà mises en œuvre, ainsi que celles énumérées dans le plan d’action national, constituent des étapes positives vers le respect des recommandations émises par la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes lors de sa visite en novembre 2016.  La Rapporteuse spéciale avait recommandé de donner au Conseil national des femmes de l’époque un rang ministériel afin de le rendre plus visible et de renforcer ses capacités, et de promouvoir la mise en œuvre uniforme de la loi no 26.485 sur la violence à l’égard des femmes à tous les niveaux, parmi d’autres mesures. Voir le rapport A/HRC/35/30/Add.3.

Autre impact :mécanismes de réparation


Un tribunal en El Salvador déclare que la non-reconnaissance des déplacements internes provoqués par des groupes criminels viole les droits des personnes déplacées

En juillet 2018, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice d'El Salvador a conclu dans un procès intenté par une famille déplacée de 33 personnes qu'El Salvador n'a pas formellement reconnu le déplacement interne en cours dans le pays causé par des groupes criminels et l'inaction du gouvernement ont porté atteinte aux droits de ces citoyens. Elle a poursuivi en indiquant que les autorités nationales doivent reconnaître cette situation et prendre des mesures concrètes pour empêcher de nouveaux déplacements de population et protéger ceux qui sont déjà déplacés, entre autres, dans un délai de six mois. En rendant sa décision, la Cour a pris notamment en compte les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays et le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays sur sa visite en El Salvador du 14 au 18 août 2017 (A/HRC/38/39/Add.1).

Autre impact : mécanismes de réparation – responsabilité, soutien aux victimes et accès aux mécanismes de réparation


Un tribunal nigérian déclare que l'expulsion de 30 000 personnes sans logement de substitution est inhumaine et contraire à la dignité

En novembre 2016, la Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable a adressé une communication au Gouvernement du Nigéria (NGA 4/2016*) et un communiqué de presse* soulevant de profondes inquiétudes au sujet de l'expulsion de personnes appartenant à la communauté de pêcheurs Otodo Gbame installés sur le front de mer à Lagos, au Nigéria. Par la suite, le 26 janvier 2017, la Haute Cour de l'État de Lagos au Nigéria a rendu une décision exceptionnelle, qui a assuré la protection de plus de 30 000 personnes appartenant à la communauté des Otodo Gbame installés sur le front de mer de Lagos, qui avaient été expulsés et se sont retrouvés sans logement, et dans le cadre de laquelle le juge Onigbanjo a déclaré qu'une telle expulsion sans proposer de logement de substitution était « totalement contraire à la dignité, inhumaine, cruelle et dégradante ».

Autre impact : mécanismes de réparation – responsabilité, soutien aux victimes, et accès aux mécanismes de réparation, et prévention et/ou cessation des violations des droits de l'homme

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