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Examinant le rapport initial du Malawi, le Comité contre la torture constate la persistance de certaines lacunes législatives ayant une incidence sur la prévention de la torture dans le pays
09 novembre 2022
Certaines lacunes législatives persistantes ont une incidence négative sur la prévention de la torture au Malawi. C’est ce qu’a constaté une experte du Comité contre la torture, alors qu’était examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport initial présenté par le Malawi au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Ainsi, a fait observer cette experte, le Code pénal du Malawi ne contient pas de dispositions complètes sur la torture et, le crime de torture n’existant pas en tant que tel, les actes assimilables à la torture peuvent être poursuivis uniquement en tant qu’infractions pénales ordinaires.
De même, a-t-il été relevé, le Code de procédure pénale n'interdit pas expressément l'utilisation d'aveux obtenus par la torture, ce qui peut entraîner des violations des droits fondamentaux de la personne, à la fois en autorisant des preuves obtenues par la torture ou par des traitements cruels, inhumains et dégradants, et en mettant en cause le droit fondamental à une procédure régulière.
D’autre part, la culture de la torture et des mauvais traitements dans les enquêtes et les interrogatoires de police reste dominante au Malawi, a regretté un membre du Comité, s’interrogeant sur l’existence de procédures pour qu'un accusé puisse dénoncer les tortures qu’il aurait subies et les aveux qu’on lui aurait extorqués. L'accès aux moyens médico-légaux étant limité, voire inexistant, au Malawi, les aveux et les témoignages restent les formes de preuve les plus couramment utilisées : ce serait pourquoi la police continue de recourir si souvent à la torture et aux mauvais traitements, a-t-on mis en garde.
Au cours du dialogue, le Malawi a été félicité pour les dispositions qu’il a prises afin d'assurer la mise en œuvre des garanties juridiques fondamentales. Mais, a souligné un expert, le Comité reste préoccupé par la situation des personnes en détention préventive, car si la Constitution fixe des limites temporelles à la détention provisoire, il n'existe aucune procédure officielle pour en assurer le suivi une fois qu'une personne est arrêtée.
D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant des mutilations génitales féminines et de la violence contre les femmes commise par des agents de l'État. Enfin, les conditions de vie dans les prisons du Malawi restent, selon une experte, potentiellement dangereuses en raison de la surpopulation et des mauvaises conditions sanitaires.
Présentant le rapport de son pays, M. Steven Willian Kayuni, Procureur général du Malawi, a rappelé que la Constitution du Malawi interdisait expressément la torture ainsi que les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants – une interdiction qui est non-dérogeable, pour une infraction qui est en outre imprescriptible. Il a ajouté que si les lois du Malawi ne contiennent pas expressément de définition de la torture telle que prévue par la Convention, ni d'infraction pénale de torture, plusieurs infractions pénales équivalant à la torture telle que définie à l'article premier de la Convention sont à trouver dans le Code pénal, la loi sur la traite des personnes et la loi sur la prévention de la violence domestique, entre autres.
M. Kayuni a ensuite fait savoir que la Commission des lois avait déposé, cette année, un projet de révision de la loi sur les prisons qui propose en particulier des moyens d'améliorer les conditions de détention des prisonniers grâce à une approche de la gestion des prisons fondée sur les droits de l'homme. Contre la surpopulation carcérale, le Service des prisons a, depuis 2018, construit et réhabilité des cellules dans huit prisons, et est en train de construire une prison de sécurité maximale à Lilongwe.
Le Procureur général a d’autre part mentionné la création, en 2021, de la Commission indépendante des plaintes contre la police, chargée d’enquêter sur les plaintes déposées contre le service de police du Malawi et ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. La Commission a reçu 105 plaintes, dont quatre concernent des décès de personnes en garde à vue ou des décès aux mains de la police et 17 des cas d'usage excessif de la force par des policiers : dans deux cas il a été recommandé d’engager des poursuites tandis que les enquêtes se poursuivent concernant les autres cas.
Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a notamment précisé que toute personne détenue peut dénoncer un acte de torture à un officier de police, les plaintes étant traitées, selon les cas, par la police nationale, la Commission des droits de l'homme ou la Commission indépendante des plaintes contre la police (IPCC). D’autre part, a ajouté la délégation, soixante policiers ont suivi une formation locale en criminalistique et cinq autres ont été formés, en Inde, à l’obtention de preuves médico-légales.
La délégation du Malawi était également composée de plusieurs représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, du genre, du développement communautaire et de la protection sociale. Elle comprenait également des représentants de la Commission nationale des droits de l’homme, de la police et du service pénitentiaire.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Malawi et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 25 novembre prochain.
Mardi 8 novembre, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Somalie.
Examen du rapport
Le Comité est saisi du rapport initial du Malawi (CAT/C/MWI/1), établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, M. STEVEN WILLIAN KAYUNI, Procureur général du Malawi, a rappelé que la Constitution du Malawi interdit expressément la torture ainsi que les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants – une interdiction qui est non-dérogeable, pour une infraction qui est en outre imprescriptible. Il a ajouté que si les lois du Malawi ne contiennent pas expressément de définition de la torture telle que prévue par la Convention, ni d'infraction pénale de torture, plusieurs infractions pénales équivalant à la torture telle que définie à l'article premier de la Convention sont à trouver dans le Code pénal, la loi sur la traite des personnes et la loi sur la prévention de la violence domestique, entre autres.
Au titre des progrès législatifs, politiques et administratifs qui se sont produits depuis la soumission du rapport en 2019, M. Kayuni a ensuite fait savoir que la Commission des lois avait déposé, cette année, un projet de révision de la loi sur les prisons qui propose en particulier des moyens d'améliorer les conditions de détention des prisonniers grâce à une approche de la gestion des prisons fondée sur les droits de l'homme, ainsi que la création d'un système de libération conditionnelle s’appuyant sur une commission de libération conditionnelle.
Un deuxième progrès est l’entrée en vigueur, en 2020, de la loi sur l'accès à l'information : c’est un outil essentiel pour garantir que les policiers et les agents pénitentiaires rendent des comptes et fassent preuve de transparence dans l'exercice de leurs fonctions, a indiqué M. Kayuni. D’autre part, a été déposé devant le Parlement, en août dernier, un projet d’amendement du Code pénal qui propose notamment d’abroger le délit de sédition et d’améliorer le cadre légal concernant le terrorisme et les infractions sexuelles commises contre les enfants et les personnes handicapées. La Commission des affaires juridiques du Parlement présentera son rapport sur ce projet durant la session parlementaire qui doit débuter le 14 novembre prochain, après quoi le Parlement examinera s’il convient ou non d’adopter ce projet de loi, a précisé le Procureur général.
S’agissant des garanties juridiques, M. Kayuni a précisé que l'article 42 de la Constitution prévoit, entre autres, le droit du justiciable d'avoir accès à un avocat, de demander et de recevoir un examen par un médecin indépendant de son choix, et d'être présenté devant un juge dans les 48 heures.
M. Kayuni a ensuite fait savoir que le Gouvernement du Malawi s’efforçait d’améliorer les conditions de détention dans les prisons, mais que la surpopulation carcérale restait un problème. Le Service des prisons a donc, depuis 2018, construit et réhabilité des cellules dans huit prisons, et est en train de construire une prison de sécurité maximale à Lilongwe. D’autres mesures ont été prises pour remédier à la surpopulation carcérale, comme le traitement accéléré des affaires grâce à la mise en place de tribunaux itinérants. M. Kayuni a évoqué d’autres mesures prises par les autorités en faveur de la nutrition des détenus et de la fourniture de services de santé appropriés, y compris la gestion en prison des maladies transmissibles.
Le Procureur général a d’autre part évoqué la Commission indépendante des plaintes contre la police, chargée d’enquêter sur les plaintes déposées contre le service de police du Malawi et ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. Devenue opérationnelle en janvier 2021, la Commission a reçu 105 plaintes, dont quatre concernent des décès de personnes en garde à vue ou des décès aux mains de la police et 17 des cas d'usage excessif de la force par des policiers : dans deux cas il a été recommandé d’engager des poursuites tandis que les enquêtes se poursuivent concernant les autres cas. Quant à l’Inspection des prisons, établie en vertu de la Constitution, elle continue de surveiller la conduite des agents pénitentiaires et peut recevoir des plaintes de prisonniers et d'autres personnes, mener des enquêtes et recommander des mesures à prendre contre tout agent pénitentiaire.
Pour sa part, la Commission des droits de l'homme du Malawi, également établie en vertu de la Constitution, a enquêté en 2019 sur des actes de torture qui auraient été perpétrés par des policiers, entraînant la mort en garde à vue (en février 2019) de M. Lule Buleya. Dans son rapport d’enquête publié en mai 2019, la Commission a conclu que ce dernier avait été torturé et que la cause du décès était la torture par usage d’électricité ; elle a recommandé que les policiers impliqués soient poursuivis et les poursuites ont effectivement été engagées en 2020. En septembre de cette année, la Haute Cour a jugé que les 13 policiers devaient répondre de leurs actes et les poursuites devraient donc désormais parvenir à leur terme. En novembre 2021, le tribunal a accordé à la veuve du défunt des dommages et intérêts. Une autre institution très importante pour la défense des victimes de torture est le Bureau d'aide juridique, créé en 2011, a ajouté M. Kayuni.
Le Procureur général a fourni au Comité d’autres renseignements concernant la prise en charge des victimes de violence sexuelle ; l’élimination des pratiques culturelles néfastes, y compris les mariages d'enfants ; la protection des personnes atteintes d'albinisme, avec notamment l'élaboration d'un manuel à l'intention des procureurs, des magistrats et des juges pour guider les poursuites dans ce type d’affaires ; et la répression de la traite des êtres humains.
Évoquant par ailleurs les difficultés rencontrées par son pays pour s'assurer que les dispositions de la Convention soient mises en œuvre au niveau national, M. Kayuni a notamment mentionné l'insuffisance des fonds et l'absence de mécanismes de collecte de données.
Questions et observations des membres du Comité
MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Malawi, a d’abord constaté que des lacunes législatives persistantes avaient une incidence négative sur la prévention de la torture au Malawi. Ainsi, le Code pénal ne contient pas de dispositions complètes sur la torture et, le crime de torture n’existant pas en tant que tel, les actes assimilables à la torture peuvent être poursuivis uniquement en tant qu’infractions pénales ordinaires. Cette situation limite la mesure dans laquelle les plaintes peuvent être portées devant les tribunaux pour des cas présumés de torture, a fait observer l’experte, insistant sur l’importance de veiller à ce que l'interdiction absolue de la torture soit non dérogeable et que les actes assimilables à la torture soient imprescriptibles.
Mme Racu a ensuite voulu savoir de quels moyens la Commission nationale des droits de l’homme disposait pour effectuer des visites dans les lieux de détention et a demandé des informations sur les activités de l’Inspection des prisons. L’experte a également voulu savoir si le Malawi entendait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [OPCAT, Protocole visant la création d'un système de visites régulières et indépendantes des lieux de détention].
Mme Racu a ensuite félicité le Malawi pour les dispositions juridiques qu’il a adoptées afin d'assurer la mise en œuvre des garanties juridiques fondamentales, s’agissant notamment du fait que les personnes arrêtées doivent être traduites devant un juge dans les 48 heures suivant leur arrestation, ne pas être contraintes de faire des aveux et être séparées des personnes condamnées. Mais, a dit l’experte, le Comité reste préoccupé par la situation des personnes en détention préventive, car si la Constitution fixe des limites temporelles à la détention provisoire, il n'existe aucune procédure officielle pour en assurer le suivi une fois qu'une personne est arrêtée. Par conséquent, de nombreuses personnes contre lesquelles aucune charge n'a été retenue ou qui n'ont pas été condamnées sont détenues au-delà des délais de garde à vue parce qu'elles ne sont pas informées de leurs droits.
L’experte a également relevé que le Bureau d'aide juridique était sous-financé : il a actuellement 26 561 cas à traiter et ne compte que 41 avocats. De manière plus générale, Mme Racu a prié la délégation de dire comment le Gouvernement entendait garantir le droit à un avocat pour toutes les personnes privées de liberté, y compris celles en arrestation administrative. D’autres questions de l’experte ont porté sur la vidéosurveillance et sur l'accès à un médecin pendant la garde à vue.
S’agissant ensuite des questions relatives à la protection des réfugiés, Mme Racu a jugé positif que le Gouvernement coopère avec le Haut- Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) afin de fournir protection et assistance aux réfugiés, aux réfugiés de retour ou aux demandeurs d'asile. Mais le Comité est préoccupé par le fait que le Gouvernement interdise toujours l'enregistrement des demandeurs d'asile perçus comme lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et intersexués (LGBTQI+).
D’autre part, la capacité d'application de la loi est extrêmement limitée dans le camp pour réfugiés de Dzaleka, car il ne compte que 13 policiers, alors qu’il accueille plus de 51 000 personnes relevant de la compétence du HCR, a poursuivi l’experte. En outre, il n'y a pas d'approche systématisée concernant l'identification des personnes vulnérables, y compris pour les victimes de torture. L’experte s’est d’autre part enquise de ce qui était fait pour garantir que les réfugiés ne sont pas soumis à la torture et aux mauvais traitements lorsqu'ils sont renvoyés dans leur pays d'origine.
Par ailleurs, Mme Racu a fait part des préoccupations du Comité devant la violence contre les femmes commise par des agents de l'État. Un rapport d'enquête détaillé de la Commission des droits de l'homme du Malawi a recommandé que des poursuites pénales soient engagées contre les agents de la police qui ont violé et violenté sexuellement 18 femmes et filles en octobre 2019 dans la région de Nsundwe. Or, les résultats de l'enquête criminelle menée par la police n'ont pas été finalisés ni remis aux autorités de poursuite, de sorte que les poursuites pénales n'ont pas été engagées, a regretté l’experte.
Mme Racu a d’autre part demandé quelles procédures étaient en place pour enquêter sur les incidents violents entre prisonniers, ainsi que sur les décès en prison et en garde à vue. Elle a rappelé qu’entre janvier et août 2018, les médias ont rapporté que 43 suspects étaient morts aux mains de la police ; et qu’en 2019, le Centre pour l'éducation, le conseil et l'assistance en matière de droits de l'homme avait publié un rapport documentant les soupçons d'implication de la police dans les exécutions extrajudiciaires de 28 prisonniers.
Pour Mme Racu, un autre problème tient aux conditions de vie dans les prisons du Malawi, qui, selon l’experte, restent dures et potentiellement dangereuses en raison de la surpopulation et des mauvaises conditions sanitaires, d'une alimentation inadéquate, du manque d'eau potable et de l'absence de soins de santé adéquats.
Enfin, Mme Racu a souligné que la découverte de 28 corps dans une fosse commune dans le district de Mzimba, au nord du pays, soulignait l'importance du Malawi en tant que plaque tournante de la traite des êtres humains et montrait que le pays devait renforcer la mise en œuvre de la loi sur la traite des êtres humains, notamment en révisant ses politiques migratoires pour améliorer les processus de contrôle à la frontière.
M. HUAWEN LIU, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Malawi, a d’abord salué le fait qu’en tant que membre du Conseil des droits de l'homme, le Malawi faisait preuve d'une grande volonté politique pour le respect et la promotion des droits de l'homme, y compris pour ce qui est de l'interdiction de la torture. D’autre part, le pays applique des « bonnes pratiques » en matière d'interdiction de la torture qui méritent d'être reconnus et encouragés, a estimé M. Liu, qui a salué l’adoption du Plan d'action national contre la traite des personnes (2017-2022) et du Plan d'action national visant à mettre fin aux attaques contre les personnes atteintes d'albinisme.
M. Liu a ensuite relevé que, selon des informations, les tribunaux qui condamnent des personnes à la peine capitale s'appuient souvent sur des aveux forcés. D’autre part, les détenus dans le « couloir de la mort » sont soumis à des conditions d'hygiène lamentables, s’est inquiété l’expert, avant de demander si le Malawi allait abolir la peine de mort.
M. Liu a aussi demandé si, dans le cadre d’une prochaine révision du Code pénal, il serait possible de criminaliser les pratiques traditionnelles préjudiciables. L’expert a cité l'affaire Eric Aniva, de 2016, un homme séropositif accusé d'avoir des rapports sexuels non protégés avec des veuves dans le cadre d'une pratique culturelle néfaste de « purification des veuves ». La peine de 24 mois d’emprisonnement qu'il a reçue a été critiquée comme étant trop clémente, a souligné l’expert.
M. Liu a ensuite regretté que les mesures prises par l’État n’aient pas conduit à une réduction du nombre des agressions et des persécutions contre les personnes atteintes d'albinisme, qui se poursuivent en toute impunité. L’expert a d’autre part voulu savoir ce qui avait été fait par l’État pour résoudre le problème de la violence collective et des lynchages par des groupes d'autodéfense.
M. Liu a aussi fait observer que le Code de procédure pénale du Malawi n'interdisait pas expressément l'utilisation d'aveux obtenus par la torture. Cette situation, a-t-il mis en garde, peut entraîner des violations des droits fondamentaux de la personne, à la fois en autorisant des preuves obtenues par la torture ou par des traitements cruels, inhumains et dégradants, et en mettant en cause le droit fondamental à une procédure régulière. Selon des ONG, a constaté l’expert, l'accès aux moyens médico-légaux est limité, voire inexistant, de sorte que les aveux et les témoignages restent les formes de preuve les plus couramment utilisées : ce serait pourquoi la police continue de recourir si souvent à la torture et aux mauvais traitements. À ce propos, M. Liu a recommandé au Malawi de créer un système médico-légal solide et d’introduire des outils d'enquête avancés ; et de former les agents de police afin qu'ils puissent mener des enquêtes efficaces conformément à l'État de droit et aux normes internationales en matière de maintien de l'ordre.
M. Liu a aussi demandé si des procédures étaient place pour qu'un accusé puisse dénoncer les tortures qu’il aurait subies et les aveux qu’on lui aurait extorqués. Le Comité note que, bien que l'État partie ait déjà dispensé quelques formations aux droits de l'homme aux policiers et aux agents pénitentiaires, l'effet n'est pas encore très satisfaisant. La culture de la torture et des mauvais traitements dans les enquêtes et les interrogatoires de police reste dominante, a regretté l’expert.
D’autre part, le corapporteur a noté que le Code pénal du Malawi criminalisait les activités homosexuelles consenties, qui sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Il a prié la délégation dire quelles mesures avaient été adoptées pour faire comprendre que la violence à l'égard des personnes LGBTIQ+ est une forme de torture en vertu des normes internationales relatives aux droits de l'homme, et pour que les policiers adoptent une attitude dénuée de préjugés lorsqu’ils doivent enregistrer des plaintes déposées par des membres de la communauté LGBTIQ+.
M. Liu a enfin souligné que l’utilisation des nouvelles technologies permettrait de renforcer la prévention et la surveillance de la torture et autres mauvais traitements.
Un expert a recommandé que le Malawi élargisse la définition qu’il donne de la traite des personnes afin qu’elle tienne compte, en particulier, de la traite aux fins d’exploitation sexuelle.
Réponses de la délégation
La délégation a précisé qu’au Malawi, différents délits sont considérés comme des formes de torture et pénalisés comme tels. La Commission du droit va se pencher sur ce problème pour faire en sorte qu’il existe, au terme d’une procédure législative, un crime indépendant de torture dans le Code pénal.
La ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [Protocole qui vise la création d’un mécanisme national de prévention] devra être précédée d’une phase de consultation en vue de la construction d’un consensus parmi les intervenants concernés, a d’autre part indiqué la délégation.
S’agissant des garanties procédurales, la délégation a notamment indiqué que le Code de procédure pénale limitait à 90 jours au maximum la durée de détention préventive. Le même Code prévoit la création de bureaux d’aide juridictionnelle dans les commissariats : 28 commissariats sur 45 en sont déjà dotés. L’aide peut aussi être assurée par des organisations de la société civile, a précisé la délégation.
Le Malawi ne compte que 702 avocats pour quelque 20 millions d’habitants, a d’autre part fait observer la délégation. Le Gouvernement essaie de remédier au problème en ouvrant le pays aux avocats formés à l’étranger, notamment.
La délégation a fait état d’autres initiatives visant à accélérer le fonctionnement de la justice, comme l’organisation d’audiences foraines ou le recrutement de nouveaux magistrats. Le Ministère de la justice a aussi donné des instructions pour que la situation des personnes détenues depuis trop longtemps fasse l’objet d’un examen et que ces personnes comparaissent devant un magistrat, ou alors qu’elles soient élargies.
La délégation a fait savoir que, selon les rapports – facilement accessibles au public – de l’inspection des prisons et de la police, il y a en moyenne quatre inspections par an.
Le système judiciaire traite avec le plus grand sérieux toutes les allégations de torture, a assuré la délégation. Outre le cas de M. Lule Buleya, mentionné précédemment, le procureur a réclamé, dans l'affaire Magombo v Attorney General (Personal Injury Cause, 2018), que des dommages et intérêts soient versés à M. Magombo, battu pendant sa garde à vue d’une journée.
Toute personne détenue ou ses proches peuvent dénoncer un acte de torture à un officier de police. Les plaintes sont traitées, selon les cas, par la police nationale, la Commission des droits de l'homme ou la Commission indépendante des plaintes contre la police (IPCC), a expliqué la délégation.
Chaque décès en détention ou dans un commissariat donne lieu à l’ouverture d’une enquête puis à la formulation de recommandations, a-t-il par ailleurs été précisé.
La police tient un registre des personnes détenues ; les données sont conservées au niveau des commissariats, sous forme physique et électronique, a par ailleurs indiqué la délégation. Dans le cadre d’un programme pilote, deux commissariats ont en outre été munis d’une télévision en circuit fermé. Par ailleurs, soixante policiers ont suivi une formation locale en criminalistique ; cinq autres ont été formés, en Inde, à l’obtention de preuves médico-légales.
La délégation a ensuite précisé que la détention à l’isolement ne s’appliquait pas aux mineurs, lesquels sont détenus dans des conditions différentes des adultes. On compte 1032 jeunes délinquants en détention sur les 16 645 détenus du pays; ces mineurs sont placés dans des foyers de rééducation, et non dans des centres de détention, a précisé la délégation.
Quelque 343 femmes sont détenues, dont 228 condamnées et 115 en détention provisoire, a en outre indiqué la délégation. Elles ont généralement accès à des services de santé préventifs et curatifs au sein de la prison, par le biais d’infirmières, nutritionnistes et pharmaciens, entre autres. Les règlements précisent les conditions auxquelles une femme détenue peut garder son nourrisson auprès d’elle.
La Commission nationale des droits de l’homme est autorisée à contrôler les prisons dans le cadre de son mandat général. Depuis 2018, elle a effectué trois inspections et publié des rapports qui sont mis à la disposition du public. La Commission peut aussi mener des enquêtes : elle s’est ainsi penchée, en 2021, sur des allégations de prisonniers qui disaient avoir été agressés par des agents pénitentiaires à la prison centrale de Zomba.
Le Ministère des réfugiés travaille en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour s'assurer que les réfugiés et les demandeurs d'asile ne sont soumis à aucune forme de torture, a aussi fait savoir la délégation. Les agents travaillant au camp de Dzaleka ou dans les centres de transit jouent un rôle crucial en veillant à ce que, en cas d'allégation de torture perpétrée par un agent public, les réfugiés puissent déposer une plainte auprès de la police du camp de Dzaleka, du HCR ou du Ministère.
La délégation a ensuite indiqué que la police de proximité s’efforçait de prévenir les lynchages et les violences collectives par le biais de réunions de sensibilisation et de mesures de prévention au niveau des villages.
Les relations entre personnes de même sexe sont criminalisées, mais cela ne veut pas dire que les personnes LGBTIQ+ ne bénéficient d’aucune mesure de protection : elles jouissent des droits consacrés par la Charte des droits, comme tout le monde, y compris le droit de faire valoir ces droits devant les tribunaux, a par ailleurs souligné la délégation.
Le Malawi applique un moratoire sur la peine de mort depuis 1994. Une éventuelle abolition de cette peine dépendra d’une évolution préalable des mentalités, a affirmé la délégation.
Le Gouvernement déploie des efforts considérables pour appliquer les dispositions de la loi contre la traite des personnes, a assuré la délégation. Il a notamment créé, en 2019, un fonds de dédommagement des victimes de la traite de personnes, doté de l’équivalent d’environ 145 000 dollars des États-Unis chaque année.
Enfin, la délégation a fait savoir que l’on constatait une diminution des agressions contre les personnes atteintes d'albinisme au Malawi. Le Gouvernement a, entre autres mesures, formé les procureurs et la police à la manière de poursuivre ces agressions. On constate par ailleurs que les communautés sont devenues plus actives dans la protection des personnes atteintes d'albinisme.
Remarques de conclusion
M. CLAUDE HELLER, Président du Comité, a décrit la procédure qui serait suivie pour la communication et le suivi des observations finales du Comité concernant le rapport du Malawi. Il a insisté sur le fait que l’examen de ce jour était une première étape de ce que le Comité espérait être un dialogue continu avec le Malawi jusqu’à la présentation de son deuxième rapport, dans quatre ans.
M. KAYUNI a assuré que son pays était très attaché à appliquer les dispositions de la Convention dans toute la mesure du possible. Le Malawi estime que la torture, sous quelque forme que ce soit, est inexcusable et doit être condamnée avec toute la vigueur nécessaire, a déclaré le Procureur général.
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