Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme
« Nous devons de toute urgence retrouver le chemin de la paix », déclare le Haut-Commissaire Volker Türk lors de la présentation de son bilan de la situation mondiale à la 56e session du Conseil des droits de l’homme
18 juin 2024
Prononcé par
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
À
Cinquante-sixième session du Conseil des droits de l’homme
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Il m’est douloureux de commencer une fois de plus la présentation de mon bilan mondial au Conseil en invoquant la cruauté de la guerre.
En mars dernier, j’ai parlé du droit à la paix.
Depuis, les conflits n’ont de cesse de s’intensifier.
Le quotidien est désormais rythmé par les civils tués et blessés.
Par la destruction d’infrastructures vitales.
Par des actes dévastateurs et irresponsables.
Par des enfants abattus. Par des hôpitaux sous les bombes. Par des tirs d’artillerie prenant pour cibles des communautés entières.
Tout cela s’accompagnant d’une rhétorique haineuse, clivante et déshumanisante.
Je constate avec effarement à quel point les belligérants ont dépassé les limites de l’acceptable et de la légalité sur de nombreux fronts, avec un mépris total pour l’autre, s’attaquant aux fondements mêmes des droits humains.
En 2023, les données recueillies par le HCDH montrent que le nombre de décès de civils dans les conflits armés a augmenté de 72 %.
Selon ces données effarantes, la proportion de femmes tuées en 2023 a doublé et celle des enfants a triplé par rapport à l’année précédente.
Je suis consterné par le mépris du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire par les parties au conflit à Gaza. Les morts et les souffrances qui s’y produisent sont inadmissibles. Plus de 120 000 Palestiniens, essentiellement des femmes et des enfants, ont été tués ou blessés depuis le 7 octobre, à la suite des nombreuses offensives israéliennes. Depuis qu’Israël a renforcé ses opérations à Rafah au début du mois de mai, près d’un million de Palestiniens ont à nouveau été déplacés de force, tandis que l’acheminement de l’aide et l’accès humanitaire se sont encore détériorés.
La situation en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est, se détériore considérablement. Au 15 juin, 528 Palestiniens, dont 133 enfants, avaient été tués par les forces de sécurité israéliennes ou des colons depuis le mois d’octobre, ce qui, dans de nombreux cas, suscite de vives préoccupations concernant des homicides illicites. Au cours de la même période, 23 Israéliens, dont 8 membres des forces de sécurité israéliennes, ont été tués en Cisjordanie et en Israël lors d’affrontements ou d’attaques de la part de Palestiniens.
Les frappes incessantes d’Israël à Gaza provoquent d’immenses souffrances et des destructions massives. Le refus arbitraire et l’obstruction de l’aide humanitaire se poursuivent, et Israël continue de détenir arbitrairement des milliers de Palestiniens. Cela doit cesser.
Les groupes armés palestiniens continuent de détenir de nombreux otages et, dans certains cas, dans des zones densément peuplées, les exposant ainsi que les civils palestiniens à des risques supplémentaires. Ces otages doivent être libérés.
Les schémas que nous avons mis en évidence soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la commission de crimes de guerre et d’autres atrocités criminelles.
Je demande que les décisions contraignantes du Conseil de sécurité et de la Cour internationale de Justice soient respectées.
L’occupation doit cesser, les responsabilités doivent être établies et la solution des deux États convenue à l’échelle internationale doit devenir une réalité.
Je suis extrêmement inquiet de l’escalade de la situation entre le Liban et Israël. En effet, 401 personnes auraient déjà été tuées au Liban, dont des ambulanciers et des journalistes. Au moins 90 000 personnes ont été déplacées au Liban, et plus de 60 000 autres ont été déplacées en Israël, cette dernière comptant 25 décès. Des milliers de bâtiments ont été détruits. Je réitère mon appel à la cessation des hostilités et à ce que les acteurs influents prennent toutes les mesures possibles pour éviter une guerre généralisée.
La situation en Ukraine continue de se détériorer. La récente offensive terrestre des forces armées russes dans la région de Kharkiv, en Ukraine, a détruit des communautés entières. Les habitants, souvent des personnes âgées, se sont cachés dans les sous-sols sans électricité, sans eau et sans nourriture suffisante, alors que la zone subissait des attaques intensives à l’aide d’armes explosives à large rayon d’impact.
Des vagues répétées d’attaques à grande échelle contre les infrastructures énergétiques ont détruit 68 % de la capacité de production d’électricité en Ukraine, amenant le pays à un seuil critique, en particulier à l’approche de l’hiver.
Je fournirai un bilan spécifique le 9 juillet.
Monsieur le Président,
Le Soudan est en train d’être détruit sous nos yeux par deux parties belligérantes et leurs groupes affiliés. Ils ont attisé les tensions interethniques, bloqué l’aide humanitaire, arrêté des défenseurs des droits humains et ignoré de manière flagrante les droits de leur propre peuple. J’ai mis les deux généraux en garde quant à leur propre responsabilité dans la commission d’éventuels crimes de guerre et autres atrocités criminelles, notamment les violences sexuelles et les attaques à motivation ethnique. Ils sont responsables de l’impact de leurs actions sur les civils, notamment les déplacements massifs, la famine imminente et l’aggravation de la catastrophe humanitaire.
Il est essentiel que les efforts de médiation en cours, notamment de la part de l’Union africaine, mettent fin à ce conflit. Les initiatives civiles existantes visant à influencer une future transition doivent également être soutenues. Ces processus doivent être inclusifs, afin de s’attaquer aux causes du conflit qui sont enracinées dans l’exclusion et la discrimination.
Lors de ma mission en République démocratique du Congo en avril, j’ai pu me rendre compte de l’immense souffrance des civils dans l’est du pays, notamment ceux qui vivent dans des camps de déplacés, face aux attaques incessantes des groupes armés, dont le M23, les Forces démocratiques alliées (ADF), la CODECO et d’autres entités. La violence doit cesser. Les efforts du Gouvernement et des acteurs régionaux et internationaux doivent se concentrer sur l’instauration de la paix, de la sécurité et de la confiance. Les discours et les messages de haine visant des personnes sur la base de leur appartenance ethnique doivent cesser et leurs auteurs doivent être traduits en justice. Le principe de responsabilité est essentiel. Le secteur privé, y compris les entreprises qui extraient des ressources, doit également assumer ses responsabilités.
Bien que l’intensité des hostilités en République arabe syrienne ait diminué par rapport aux années précédentes, rien ne laisse présager la fin du conflit. En témoignent les meurtres de civils, la destruction d’objets civils, les violences sexuelles et fondées sur le genre, les arrestations arbitraires et l’intimidation de manifestants pacifiques, qui se poursuivent. Les décès en détention, en particulier dans les zones contrôlées par les forces progouvernementales, persistent. Les rapatriés syriens continuent d’être confrontés à des risques, tels que l’arrestation et la détention arbitraires et l’extorsion, tant dans les zones contrôlées par les forces progouvernementales que dans celles contrôlées par des groupes armés non étatiques.
Dans les pays qui ont connu des changements de pouvoir anticonstitutionnels, notamment au Burkina Faso, que j’ai visité cette année, au Mali et au Niger, nous constatons que les transitions sont de plus en plus longues, sans véritable processus de dialogue national et avec des restrictions croissantes de l’espace civique afin d’étouffer la dissidence. Seule l’inclusion permet d’aller de l’avant, et dans le cas du Niger, en trouvant une solution qui respecte les droits du Président Bazoum et de sa famille.
Les civils sont les plus touchés par la lutte contre les groupes armés non étatiques. Une approche militarisée ne produira pas à elle seule des résultats durables. Il est urgent de rétablir le contrat social entre les autorités de transition et la population.
Le Soudan du Sud est un pays épuisé par les violences intercommunautaires et les meurtres commis par vengeance, les attaques généralisées contre les civils, les exécutions extrajudiciaires, les violences sexuelles liées au conflit, la mauvaise gestion des ressources, l’insécurité alimentaire et les déplacements de population à grande échelle, notamment en raison de facteurs environnementaux. Tous ces problèmes sont exacerbés dans un contexte préélectoral fragile. Je demande instamment au Gouvernement de faire de l’établissement des responsabilités une priorité, de s’attaquer à la violence localisée, de renforcer la protection des civils, d’enquêter sur toutes les violations présumées et de traduire leurs auteurs en justice.
Haïti est l’exemple par excellence de la corrélation croissante entre des inégalités profondément ancrées et la violence. Plusieurs décennies d’exclusion, de mauvaise gouvernance, de corruption et de trafic d’armes ont contribué au problème endémique de la violence en bande organisée et à la situation dramatique que nous connaissons aujourd’hui. Des centres de santé, des écoles, des institutions publiques et des infrastructures stratégiques ont été pris pour cible par des membres de bandes organisées. J’appelle au déploiement urgent de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, avec des garanties en matière de droits humains, afin de soutenir la police nationale et de garantir la sécurité au peuple haïtien.
Je ne parlerai pas de la situation au Myanmar maintenant, car je l’adresserai en détail plus tard dans la matinée.
Monsieur le Président,
Nous devons de toute urgence retrouver le chemin de la paix, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international.
À la fin du mois de mai 2024, l’écart entre les besoins de financement humanitaire et les ressources disponibles s’élèvera à 40,8 milliards de dollars des États-Unis. Les appels ne sont financés qu’à hauteur de 16,1 % en moyenne.
En revanche, les dépenses militaires mondiales atteindront près de 2 500 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 6,8 % en valeur réelle par rapport à 2022. Il s’agit de la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 2009.
En plus d’infliger des souffrances humaines insupportables, la guerre coûte cher.
Monsieur le Président,
L’impact considérable de la guerre et des conflits sur l’environnement est également indéniable.
L’incendie des terres, la contamination chimique de l’air, de l’eau et du sol, la destruction des infrastructures civiles, voire le risque de catastrophe nucléaire.
Ces éléments viennent s’ajouter à certains des plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui : les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution.
Chaque jour qui passe, les possibilités qui s’offrent à l’humanité s’amenuisent.
La Niña et El Niño ont causé de graves dommages dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine et aux Caraïbes. En Afrique australe, 61 millions de personnes sont affectées par la sècheresse provoquée par El Niño et les conditions météorologiques extrêmes aggravées par les changements climatiques. Le Malawi, la Zambie et le Zimbabwe ont déclaré l’état d’urgence, et d’autres pays suivront probablement le pas. Je fais écho aux avertissements de la communauté humanitaire concernant une crise imminente face à l’échec imminent des récoltes.
Comme la plupart des crises, l’urgence climatique touche de manière disproportionnée les pauvres et les plus marginalisés du monde entier. Les pays et les communautés qui y ont le moins contribué souffrent le plus de leurs effets, notamment les petits États insulaires en développement, les pays les moins avancés et les pays en développement sans littoral.
Les catastrophes climatiques s’ajoutent souvent à des problèmes préexistants, tels que l’insécurité alimentaire et la discrimination structurelle, ainsi qu’à des ressources limitées dues à des niveaux d’endettement insoutenables, au manque de marge de manœuvre budgétaire pour les dépenses publiques et aux obstacles à l’accès au financement à des conditions favorables.
Les effets néfastes des changements climatiques ont déjà d’énormes répercussions sur l’exercice des droits humains. Nous devons nous y préparer. En intégrant les droits humains dans l’analyse et la modélisation environnementales, nous pouvons anticiper les types de problèmes qui se poseront, éclairer la prise de décision et minimiser les effets les plus graves.
L’établissement des responsabilités en cas d’atteintes à l’environnement, y compris par un recours approprié au droit pénal, contribuera à faire du droit à un environnement propre, sain et durable une réalité sur le terrain.
Monsieur le Président,
Nous parlons des droits humains comme du meilleur outil d’alerte précoce et de prévention. Mais que cela veut-il dire ?
Cela signifie que nous devons prendre au sérieux les moteurs et les causes profondes des tensions, de la violence et des conflits.
Les inégalités profondément ancrées. Le manque d’accès aux droits fondamentaux : nourriture, eau, logement, éducation, travail décent, environnement propre, sain et durable. La discrimination systémique. La gouvernance déficiente et l’étouffement des voix dissidentes.
Au niveau mondial, les inégalités enregistrent la plus forte augmentation depuis 30 ans, les pays les plus pauvres ayant été les plus durement touchés sur le plan économique par la pandémie de COVID-19 que les pays les plus riches.
Selon Oxfam, la fortune des cinq milliardaires les plus riches du monde a plus que doublé depuis le début de cette décennie, alors que 60 % de l’humanité s’est appauvrie.
4,8 milliards de personnes sont plus pauvres qu’en 2019.
Et l’écart de richesse entre les hommes et les femmes au niveau mondial ? 100 000 milliards de dollars.
Nous sommes bien loin de la promesse du Programme 2030 d’aider en premier lieu les plus défavorisés.
Près de la moitié de l’humanité, soit quelque 3,3 milliards de personnes, vit dans des pays où les gouvernements dépensent plus pour assurer le service de leur dette que pour investir dans les systèmes de santé et d’éducation de leur population.
Si la situation macroéconomique de Sri Lanka s’est améliorée, les effets de la crise économique et les mesures d’austérité qui l’accompagnent touchent surtout les groupes les plus pauvres et déjà marginalisés. Entre 2021 et 2023, le taux de pauvreté a doublé, passant de 13,1 à 25,9 %, et devrait rester à ce niveau au cours des prochaines années.
Durant ma récente visite en République démocratique populaire lao, je me suis rendu compte de l’impact considérable du service de la dette sur les dépenses publiques consacrées aux services sociaux, notamment aux infrastructures sociales, aux programmes de protection sociale, à la santé et à l’éducation. Pendant mes visites dans ce pays et en Malaisie, je me suis félicité de leur coopération accrue avec HCDH et avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits humains, et je me réjouis à l’idée de poursuivre dans cette voie.
En Argentine, les mesures récemment proposées et adoptées risquent de compromettre la protection des droits humains. Parmi elles figurent les coupes dans les dépenses publiques touchant particulièrement les plus marginalisés, la fermeture annoncée d’institutions publiques dédiées aux droits des femmes et à l’accès à la justice, et l’instruction du Ministère des Affaires étrangères de suspendre la participation à tous les événements à l’étranger liés au Programme 2030. J’exhorte les autorités à placer les droits humains au centre de l’élaboration des politiques, afin de construire une société plus cohésive et plus inclusive. Cela signifie également que le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression doivent être pleinement respectés.
Monsieur le Président,
Une économie centrée sur les droits humains est un élément essentiel de la justice sociale.
Il promeut l’égalité des chances, une participation significative et l’investissement dans les services essentiels.
Elle contribue à renforcer la confiance dans les institutions publiques, favorisant ainsi le contrat social.
Au niveau mondial, nous devons mettre nos systèmes économiques, allant des traités commerciaux aux accords d’investissement, en passant par la réglementation des entreprises et les cadres de développement, en conformité avec les droits humains, dont le droit au développement. Cela a également des conséquences sur la réforme de l’architecture financière internationale.
Plusieurs initiatives prometteuses sont en cours, comme l’initiative de Bridgetown, le nouveau projet de convention-cadre sur la coopération fiscale internationale, le taux d’imposition mondial minimum de 15 % de l’OCDE sur les sociétés multinationales et l’impôt mondial minimum de 2 % sur la fortune des milliardaires, proposé par le Brésil, qui assure actuellement la présidence du G20. Cette dernière mesure pourrait à elle seule générer environ 300 milliards de dollars par an pour lutter contre les changements climatiques, les inégalités et la pauvreté.
J’espère que ces initiatives permettront de déclencher la véritable transformation qui doit être opérée, en travaillant ensemble, pour placer les droits humains au centre de toutes les décisions économiques.
Monsieur le Président,
Le racisme systémique contre les personnes d’ascendance africaine est perpétué par des systèmes et des structures qui sont enracinés dans l’héritage du colonialisme et de l’esclavage.
Il se manifeste de différentes manières. À travers les égalités socioéconomiques ; et dans la manière dont les forces de l’ordre et le système de justice pénale interagissent avec les personnes d’ascendance africaine de manière discriminatoire.
Il est clair qu’il reste beaucoup à faire, comme l’illustrent des rapports récents.
Alors que des pays comme le Brésil, la Colombie et les États-Unis prennent des mesures importantes pour lutter contre la discrimination raciale, des problèmes subsistent. Le profilage racial, le taux de chômage élevé, la surreprésentation et le traitement différencié en détention, les cas plus fréquents de recours excessif à la force létale par les forces de l’ordre, les taux disproportionnés de mortalité maternelle, les inégalités en matière de santé et de logement, et l’insécurité alimentaire persistent dans ces pays et dans de nombreux autres pays à travers le monde.
Dans les pays de l’Union européenne, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a également signalé que la discrimination, le harcèlement, la violence et le profilage racial continuaient à faire partie de la vie quotidienne de la population noire.
Le programme de transformation pour la justice et l’égalité raciales du HCDH et les recommandations du Mécanisme international d’experts indépendants chargé de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte du maintien de l’ordre offrent une réponse complète aux problèmes systémiques. En tant que coordonnateur de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, je soutiens les appels de plusieurs États et autres entités à proclamer une deuxième Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine à partir de 2025.
Cette deuxième Décennie internationale doit s’appuyer sur les expériences vécues, les connaissances et l’expertise des personnes d’ascendance africaine, afin de contrer la culture du déni, de démanteler le racisme systémique dans tous les domaines de la vie et de rendre une justice réparatrice pour les torts du passé.
J’invite également les États à s’inspirer des recommandations de l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine et d’autres mécanismes des Nations Unies impliqués dans la lutte contre le racisme dans cette démarche.
Monsieur le Président,
Malheureusement, les droits des femmes et des filles continuent d’être bafoués.
La résistance active à l’égalité des genres est un facteur clé du ralentissement des progrès, voire de l’inversion des acquis, dans la réalisation des objectifs de développement durable.
D’ici 2030, il est prévu que les femmes représentent la majorité des personnes extrêmement pauvres parmi les personnes âgées de 15 ans et plus, ce qui accroît l’écart de pauvreté entre les hommes et les femmes.
Je déplore la persécution systémique des femmes et des filles en Afghanistan, en particulier en ce qui concerne leurs droits à l’éducation, à l’emploi et à la liberté de mouvement. Plus généralement, les défenseurs des droits humains et les professionnels des médias continuent d’être arrêtés et détenus arbitrairement pour avoir exprimé des opinions perçues comme critiques à l’égard des autorités de facto. Le recours aux châtiments corporels, dont les flagellations massives, persiste, en violation du droit international. Les attaques des groupes armés contre les civils, en particulier contre la communauté hazara, se poursuivent.
En République islamique d’Iran, nous continuons de recevoir des informations faisant état de répressions violentes, y compris de vagues d’arrestations, contre des femmes et des filles qui ne portent pas le hijab comme il leur est prescrit, alors que de nouvelles mesures visant à faire respecter la loi sur le hijab sont mises en œuvre. Le projet de loi sur le « soutien à la famille par la promotion de la culture de la chasteté et du hijab » menace d’imposer des mesures restrictives et punitives supplémentaires aux femmes et aux filles. De manière plus générale, à l’approche des élections présidentielles, j’appelle au respect des droits à la liberté d’expression et de réunion, ainsi qu’à la protection des journalistes. Je réitère également mon appel en faveur d’un moratoire immédiat sur la peine de mort, compte tenu de la recrudescence des exécutions signalée depuis le début de l’année.
Je n’ai cité que quelques exemples saillants et il y en a d’autres, mais soyons clairs.
Aucun pays n’est à l’abri d’une régression des droits des femmes. Nous devons toutes et tous faire preuve de vigilance et de constance pour contrer ce recul.
Et c’est avec la même détermination que nous devons remettre en question les récits néfastes, que promouvoir l’inclusion et respecter les droits et la dignité de chaque personne, partout dans le monde.
Je mets une nouvelle fois en garde contre les dangers de l’antisémitisme, du sectarisme antimusulman, ainsi que de la rhétorique de division et de la désinformation qui font des migrants et des réfugiés les boucs émissaires de problèmes plus vastes dans la société, y compris les enjeux socioéconomiques. Cette pratique est devenue particulièrement à la mode chez les populistes et les extrémistes de droite lors des campagnes électorales en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs.
Il reste encore beaucoup à faire pour mettre fin à la discrimination et à l’exclusion fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
Toute forme de discours de haine est inacceptable et dangereuse pour la cohésion sociale, et laisse présager le pire.
Monsieur le Président,
Les attaques se poursuivent contre les défenseurs des droits humains, les journalistes et les autres personnes qui cherchent à faire la lumière sur les violations, tout comme les restrictions de l’espace civique. Nous devons faire mieux pour les protéger.
Selon les données de l’UNESCO, 72 journalistes et professionnels des médias ont été tués en 2023, en grande partie dans des situations de conflit.
Les données compilées par le HCDH montrent qu’au moins 42 défenseurs autochtones des droits humains ont été tués en 2023 dans 11 pays, la plupart d’entre eux pour avoir défendu l’environnement, leurs terres, leurs territoires et leurs ressources. Ce chiffre est très probablement sous-estimé.
Au Guatemala, je salue les efforts déployés par le Gouvernement pour mettre en place de nouveaux mécanismes visant à renforcer la protection des défenseurs des droits humains, des journalistes, des dirigeants autochtones et des fonctionnaires de justice, alors qu’ils continuent d’être attaqués pour avoir défendu les droits humains, dénoncé la corruption et demandé le respect du principe de responsabilité.
Au Yémen, cependant, je suis profondément préoccupé par le sort de 13 membres du personnel national des Nations Unies qui, avec des dizaines d’employés d’ONG nationales et internationales et de la société civile, sont détenus arbitrairement par les autorités de facto depuis le 6 juin. Six d’entre eux, dont une femme, font partie du personnel national du HCDH et n’ont eu aucun contact avec leurs familles. L’ONU pas non plus été en mesure de s’entretenir avec eux. Ces personnes s’ajoutent à deux membres du personnel de l’UNESCO et à deux autres membres du HCDH déjà détenus arbitrairement depuis longtemps. Les autorités de facto doivent libérer ces personnes immédiatement et sans conditions, et le harcèlement de leurs familles doit cesser. J’appelle tous les États influents à prendre des mesures urgentes pour mettre fin à cette situation.
La situation au Belarus continue d’être très troublante. Le HCDH continue de recevoir des rapports faisant état de restrictions des libertés de réunion, d’association et d’expression, ainsi que d’une impunité persistante. Plus de 1 300 personnes sont toujours emprisonnées sur la base d’accusations vagues et motivées par des considérations politiques.
Je demande instamment aux autorités de l’Azerbaïdjan d’examiner, conformément au droit international des droits de l’homme, tous les cas de journalistes, de militants et d’autres individus arbitrairement privés de liberté et de veiller à ce qu’ils soient protégés contre les mauvais traitements. Toutes les personnes détenues arbitrairement doivent être immédiatement libérées.
Une tendance inquiétante en termes d’espace civique est l’examen ou l’adoption de lois dites de « transparence » ou concernant l’« influence étrangère » dans plus de 50 pays, notamment dans l’Entité de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie, en Inde, au Kirghizistan, dans la Fédération de Russie, en Slovaquie et en Türkiye. Ces lois risquent d’avoir de graves répercussions sur le travail de la société civile et sur la liberté d’expression et d’association.
Ces derniers mois, au Pérou, le Congrès a proposé une série d’initiatives législatives susceptibles de porter atteinte à l’indépendance judiciaire et électorale, d’annuler des avancées importantes en matière de justice transitionnelle et de participation politique des femmes, et de restreindre la liberté d’association et d’expression.
Au Mexique, je demande aux autorités de veiller à ce que les responsables des violences et des meurtres qui ont eu lieu pendant la période électorale, y compris les personnalités politiques, rendent compte de leurs actes.
Je continue de dialoguer avec la Chine concernant plusieurs questions relatives aux droits humains, notamment les graves préoccupations que le HCDH a identifiées dans la région du Xinjiang. Le HCDH s’est récemment rendu à Pékin pour discuter, entre autres, des dispositions problématiques des lois antiterroristes et pénales chinoises, ainsi que de l’application des lois sur la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong. Le HCDH continue de soulever des cas individuels préoccupants et je déplore les lourdes peines prononcées la semaine dernière contre une défenseuse des droits de la femme et un défenseur des droits du travail pour avoir exercé leurs droits humains fondamentaux. Je demande instamment aux autorités de libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, de garantir l’accès à l’information aux membres de leur famille et de procéder à une réforme juridique. Je salue le dialogue entre autorités et le HCDH et j’espère qu’il débouchera sur des améliorations concrètes dans le domaine des droits humains.
Dans la région de l’Asie du Sud-Est, une vague de répression transnationale se dessine : des défenseurs des droits humains cherchant refuge dans des pays voisins ont été soumis à des transferts et à des refoulements ou ont disparu, voire ont été tués. Il semblerait que cette tendance soit en train de se généraliser et j’invite donc instamment tous les États à faire preuve d’une tolérance zéro à l’égard de tels actes et à veiller à ce que leurs forces de sécurité rendent pleinement compte de leurs actes.
Monsieur le Président,
Je voudrais également partager avec vous certaines évolutions, sur lesquelles nous pouvons nous appuyer et qui peuvent nous donner de l’espoir.
Tout d’abord, le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme a permis de démontrer la force de notre engagement en faveur de l’universalité et de l’indivisibilité des droits humains.
Près de 800 engagements ont été pris pour faire progresser les droits économiques, sociaux et culturels, le droit au développement, le droit à un environnement propre, sain et durable, ainsi que les droits civils et politiques.
Nombre d’entre eux ont déjà été concrétisés.
Par exemple, 29 ratifications de traités ont été effectuées par 20 États, l’Afrique du Sud, le Kazakhstan et la Thaïlande ayant tenu leur promesse de ratification dans le cadre de l’initiative « Droits humains 75 ». Plus généralement, je me félicite des récentes ratifications de traités relatifs aux droits humains par le Bhoutan, la Côte d’Ivoire, la République du Congo, le Soudan du Sud et Tuvalu.
Le Maroc, le Paraguay et le Portugal ont mené le lancement du réseau international de mécanismes nationaux de mise en œuvre, d’établissement de rapports et le suivi en mai, ce qui constituait leur engagement commun en faveur des droits humains dans le cadre de l’initiative « Droits humains 75 ».
Plusieurs pays ont présenté de nouveaux projets de loi ou ont réformé leurs lois antidiscriminatoires, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’initiative « Droits humains 75.
L’adoption d’une législation contre les violences fondées sur le genre en Dominique et à Sainte-Lucie est également positive.
Deuxièmement, nous continuons d’assister à une mobilisation significative de personnes dans le monde exigeant des changements pour faire respecter les droits humains, l’égalité et la justice et ce, à l’échelle nationale, régionale et mondiale.
De nombreux jeunes font partie de ce mouvement. Il peut s’agir également de personnes qui prennent des risques personnels considérables et qui se heurtent à de nombreux obstacles.
Les droits humains constituent la base solide sur laquelle ces mouvements peuvent s’appuyer.
Troisièmement, les systèmes internationaux et régionaux de protection des droits humains, malgré d’importantes contraintes, continuent d’être bénéfiques pour la population.
Les organes conventionnels ont montré la voie dans de nombreux domaines, notamment dans celui de l’environnement ces derniers temps.
Leur travail est renforcé par celui des cours et tribunaux régionaux et internationaux, comme la récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle les États ont des obligations justiciables et positives en matière de droits humains pour se protéger contre les risques croissants des changements climatiques.
L’avis consultatif du Tribunal international du droit de la mer sur les changements climatiques en est un autre exemple.
Il a constaté que les émissions anthropiques de gaz à effet de serre constituent une pollution marine et que les États ont l’obligation contraignante, en vertu du droit international, de limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C.
Dans un arrêt rendu en mars 2024, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a reconnu la responsabilité d’un État pour avoir violé le droit à un environnement sain et ne pas avoir protégé la population contre les atteintes à l’environnement liées à l’activité économique.
Ces cours et tribunaux ont également fait référence aux contributions des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, démontrant ainsi la pertinence du système.
Plusieurs demandes d’avis consultatifs sur les changements climatiques ont également été déposées auprès de la Cour internationale de Justice et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
Ces efforts donnent de l’élan et démontrent que lorsque les différents éléments du système régional et mondial se renforcent mutuellement, des changements sont possibles.
Les réformes législatives et pratiques qui découlent des travaux de ces mécanismes ne font pas toujours la une des journaux, mais elles sont essentielles pour tracer une voie claire vers l’avenir.
Quatrièmement, je me réjouis de l’engagement croissant de nombreux pays à faire avancer le programme en faveur des droits humains : ces pays qui, malgré les vents géopolitiques contraires, ont pris contact avec le HCDH pour demander un soutien technique.
Par exemple, je reconnais l’ouverture dont fait preuve l’Équateur pour renforcer la présence du HCDH dans ce pays, et celle du Honduras en vue de travailler avec le HCDH pour faire face aux problèmes systémiques, allant des initiatives de justice transitionnelle à la protection des terres et de l’environnement.
Je me félicite également de l’engagement pris pour créer un bureau régional du HCDH dans la Communauté des Caraïbes et un bureau national au Mozambique.
Monsieur le Président,
Pour conclure, je dois souligner une préoccupation majeure. Nous assistons à des attaques verbales, à des menaces et à des représailles de plus en plus violentes, ainsi qu’à des campagnes virulentes sur les médias sociaux contre les institutions et les mécanismes internationaux, y compris les Nations Unies en général, le HCDH, les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale.
Cela est inacceptable. Ces institutions ont été créées et mandatées par les États précisément pour entreprendre leur travail crucial, les États devant faciliter ce travail et protéger ce dernier contre toute ingérence ou attaque injustifiée.
J’aimerais que nous réfléchissions sérieusement à la manière de garantir que les réalisations du système multilatéral ne soient pas minées et que nous soyons en mesure de faire notre travail.
Les États se sont réunis dans cette même salle en décembre dernier, pleinement conscients des nombreux défis à relever, et ont reconnu que les droits humains constituent la voie à suivre.
Alors que l’attention se porte désormais sur le Pacte pour l’avenir, j’exhorte tous les États à veiller à ce que notre engagement commun en faveur des droits humains se reflète avec force et concrètement dans les résultats du Sommet.
Un système de droits humains fort et efficace est la clé d’une coopération multilatérale efficace et de la construction d’un avenir meilleur pour les peuples et la planète.
Le HCDH est prêt à jouer son rôle.
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