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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'AUSTRALIE

29 avril 2008

Committee against Torture
29 avril 2008

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport périodique de l'Australie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Caroline Millar, Représentante permanente de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, a fait état des changements intervenus depuis l'élection du nouveau gouvernement, en novembre 2007. Elle a, en particulier, affirmé que le gouvernement actuel était déterminé à devenir partie au Protocole facultatif sur la prévention de la torture, qui prévoit la mise en place d'un mécanisme de prévention de la torture. Le Gouvernement australien examine également l'intégration dans la loi d'un article spécifique relatif à la torture. Mme Millar a encore indiqué qu'en réponse aux préoccupations exprimées par le Comité, l'Australie procédait désormais au regroupement familial des candidats à l'immigration et que les enfants de demandeurs d'asile n'étaient plus gardés dans des centres de rétention, mais placés, avec leur famille, dans des structures distinctes prévues à leur intention. Rappelant le fonctionnement du système fédéral australien, elle a fait valoir que la légitimité et l'indépendance des pouvoirs qui le caractérisent, en font un système efficace de protection des droits de l'homme. Dans la pratique, a-t-elle dit, cela signifie qu'il y a peu de chance de porter atteinte à la Convention et que s'il y a violation, il existe des mécanismes internes très efficaces pour agir.

La délégation australienne était également composée de représentants du Ministère de la justice et du Département de l'immigration et de la citoyenneté, ainsi que de membres de la Mission permanente de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève.

Soulignant que l'Australie prend très au sérieux ses obligations internationales, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie, M. Fernando Mariño Menéndez, s'est dit très satisfait du démantèlement des centres australiens de rétention de demandeurs d'asile situés en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Nauru. Le corapporteur, M. Luis Gallegos Chiriboga, s'est pour sa part étonné que le pays ait conçu un projet de construire un centre de rétention sur l'île Christmas, alors que ceux de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Nauru sont en train d'être fermés. M. Mariño s'est réjoui que le pays ait entamé le processus d'un examen de son adhésion au Protocole facultatif. Tout en se félicitant de ce que le nouveau gouvernement envisage l'inscription dans la loi de la torture comme une infraction, il a fait remarquer que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, faute d'une charte et d'une loi indépendante. Il y a bien certaines lois qui condamnent spécifiquement les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais ce sont des lois des divers États constitutifs de l'Australie, a relevé le rapporteur, soulignant qu'il peut y avoir des interprétations différentes selon les États et que le principe de non-discrimination peut donc être violé. Le rapporteur s'est aussi inquiété du traitement réservé aux demandeurs d'asile, relevant que le contexte de détention ne facilite pas l'accès à une justice indépendante. Cela crée de fait une situation de prolongement indéfini de la rétention. Des informations ont en outre été demandées sur les prétendues «super-prisons» de sécurité maximale et les conditions de détention en isolement.


Le Comité entendra, le 30 avril à 15 heures, les réponses de la délégation australienne aux questions qui lui ont été posées par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du cinquième rapport périodique de la Suède.
Présentation du rapport de l'Australie

MME CAROLINE MILLAR, Représentante permanente de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, a exprimé sa conviction que les réponses apportées par l'Australie répondent bien aux questions des experts du Comité contre la torture. Elle a précisé que le quatrième rapport périodique de l'Australie avait été rédigé sous l'ancien gouvernement mais comportait un additif du gouvernement actuel faisant état des changements de politiques et de statistiques récentes. Relevant que le gouvernement élu en novembre 2007 l'avait été sur la base d'un programme mettant l'accent sur les engagements de l'Australie en matière de droits de l'homme, elle a rappelé que le 13 février dernier, le Premier ministre avait formellement présenté des excuses à la population aborigène pour les lois et les politiques passées qui ont résulté dans l'enlèvement à leur famille d'enfants de communautés autochtones.

La représentante australienne a informé le Comité que le nouveau gouvernement était est déterminé à devenir partie au Protocole facultatif à la Convention contre la torture et qu'il prenait des mesures préparatoires pour y adhérer . Les exigences pour un mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif sont en cours d'examen, en vue d'une éventuelle ratification. Le Gouvernement australien examine également l'intégration dans la loi d'un article spécifique relatif à la torture, a dit Mme Millar, tout en faisant valoir que l'Australie estime qu'elle remplit les conditions de l'article 4 de la Convention, la torture étant bien considérée comme une infraction en regard des lois pénales des États et Territoires.

Rappelant le fonctionnement du système fédéral australien, Mme Millar a fait valoir que la légitimité et l'indépendance des pouvoirs qui le caractérisent, en font un système efficace de protection des droits de l'homme. Dans la pratique, a-t-elle dit, cela signifie qu'il y a peu de chance de porter atteinte à la Convention et que s'il y a violation, il existe des mécanismes internes très forts pour agir.

Mme Millar a aussi informé le Comité de l'évolution du système d'immigration qui, a-t-elle dit, se concentre sur l'amélioration des services à l'intention des immigrants. Le système s'assure que tout au long du processus les personnes sont traitées de manière juste et équitable, a-t-elle affirmé. Une des réformes majeure, à cet égard, est de permettre la rétention des enfants avec les parents; les familles se trouvent désormais placées dans des infrastructures spéciales. La représentante de l'Australie a indiqué que le Gouvernement actuel a ajouté que les enfants ne seront plus détenus dans des centres de rétention d'immigrés, dans aucune circonstance. Une autre réforme datant de 2005 est l'amélioration du temps de traitement des visas. Elle a encore indiqué qu'un examen de la situation des requérants détenus depuis plus de deux ans est prévu.

La représentante australienne a enfin informé le Comité que son pays avait ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et adapté sa législation pour se conformer à ses dispositions. À cet égard, elle a déclaré que les membres de la Force de défense australienne sont liés par cette législation et reçoivent une formation approfondie en matière de droit humanitaire. Le nouveau poste d'inspecteur général de l'armée australienne, permet, par ailleurs, de conduire des audits indépendants de la justice militaire, a-t-elle conclu.

Le rapport périodique de l'Australie (CAT/C/67/Add.7) couvre la période allant du 30 juin 1997 au 29 octobre 2004. Au titre des faits nouveaux intervenus pendant la période concernée, le rapport mentionne notamment l'adoption, en 2004, d'une Charte des droits par le Parlement du Territoire de la capitale fédérale et l'examen par le Gouvernement fédéral de la position de l'Australie concernant la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Au cours de la période considérée, d'importants progrès ont été accomplis dans l'adoption d'un code pénal type par l'ensemble des juridictions australiennes, notamment en matière de mutilation génitale féminine et de torture. L'Australie indique par ailleurs qu'elle a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 1er juillet 2002. En juin 2002, le Parlement australien a adopté une loi pour faciliter le respect des obligations contractées par l'Australie en vertu du Statut de Rome.

Le rapport indique qu'en 2003, la loi sur l'Agence australienne du renseignement relatif à la sécurité de 1979 a été modifiée en vue de renforcer la capacité de l'Agence de recueillir des informations afin d'empêcher ou de dissuader les activités terroristes. En vertu de cette loi, l'Agence peut aujourd'hui demander que soient délivrés des mandats d'amener et, dans certaines circonstances particulières, détenir une personne susceptible de posséder des informations relatives à une infraction terroriste. Conformément à d'autres garanties prévues par la loi, la personne qui fait l'objet d'un mandat doit être traitée avec humanité, dans le respect de sa dignité et ne doit pas faire l'objet de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tout fonctionnaire qui agit au mépris d'une directive émanant de l'autorité de contrôle viole les garanties ou les droits reconnus à la personne par la loi et se rend ainsi coupable d'une infraction passible d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Les fonctionnaires peuvent également faire l'objet d'autres sanctions pénales. S'agissant de questions de refoulement, expulsion et extradition, le rapport indique qu'en tant qu'État partie à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, l'Australie accorde une protection aux demandeurs d'asile auxquels s'appliquent les obligations de protection qui lui incombent en vertu de ces instruments. Les demandeurs d'asile en Australie ont accès à plusieurs mécanismes de réexamen de leur demande.

Répondant aux observations finales adoptées par le Comité s'agissant des discriminations dont sont victimes des Australiens autochtones, le rapport (préparé par le précédent gouvernement) indique que l'Australie estime que cette question ne relève pas des obligations auxquelles elle a souscrites en vertu de la Convention. L'Australie prie aussi le Comité de se référer au rapport qu'elle a présenté au titre de l'article 9 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 28 novembre 2003. S'agissant de mesures préventives, le rapport note que les services de la police fédérale et tous les services de police des États et des Territoires organisent régulièrement à l'intention des policiers des activités d'éducation et de formation aux règles de droit applicable dans l'exercice de leurs fonctions et plus particulièrement en ce qui concerne le recours à la force, le traitement des détenus, l'emploi des moyens de contrainte et l'obligation de faire rapport.

Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie, M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, reconnaissant que l'Australie prend très au sérieux ses obligations internationales, s'est dit, en particulier, très satisfait du démantèlement des centres de rétention en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Nauru. Il s'est réjoui aussi de ce que le département du Commonwealth ait procédé à une étude concernant l'adhésion au Protocole facultatif (qui porte création du Sous-Comité de la prévention de la torture, chargé de procéder à des visites des lieux de détention). Tout en se félicitant de ce que le nouveau gouvernement envisage l'inscription dans la loi de la torture comme une infraction, il a fait remarquer que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, faute d'une charte et d'une loi indépendante. Il y a bien certaines lois qui condamnent spécifiquement les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, a-t-il dit, mais ce sont des lois des divers États fédérés. Or, il peut y avoir des interprétations différentes selon les États, ce qui signifie que le principe de non-discrimination peut être violé.

Le rapporteur s'est aussi inquiété du traitement réservé aux demandeurs d'asile, relevant que le contexte de détention ne facilite pas l'accès à une justice indépendante. Cela créé de fait une situation de prolongement de la rétention qui pose la question de savoir jusqu'à quel point le prolongement indéfini d'une personne peut être considéré comme contraire au droit, a-t-il déclaré. M. Mariño Menéndez s'est aussi inquiété des pouvoirs excessifs dont dispose le ministère de l'immigration, pouvoirs que lui-même remet en cause, a-t-il relevé.

Abordant la question de la détention, le rapporteur a mentionné des chiffres faisant état d'une surpopulation carcérale de l'ordre de 20%, dans certaines prisons. La situation qui en découle peut être assimilée à un traitement dégradant, a-t-il relevé, en demandant ce que l'Australie faisait pour palier à ce problème. Le rapporteur a, par ailleurs, mentionné des statistiques estimant à 5000 le nombre de personnes en détention souffrant de problèmes psychologiques, sur une population carcérale de 25 000 personnes. Il s'est interrogé sur les raisons de ces chiffres préoccupants et a attiré l'attention de l'Australie sur la possibilité d'interpréter ces problèmes comme des handicaps mentaux. M. Mariño Menéndez s'est aussi interrogé sur la définition que donnait l'Australie aux prisons «de très haute sécurité», relevant que la mise au secret prolongée de personnes qui n'ont pas été jugées y était notamment pratiquée. Il a aussi souhaité savoir, s'agissant des arrestations effectuées dans le cadre de la lutte antiterroriste, si ces actes étaient supervisés et surveillés. Il a encore demandé, s'agissant des techniques d'interrogation des détenus, s'il existe en Australie des protocoles pour mener à bien les interrogatoires.

Soulignant la dimension internationale de la torture, le rapporteur a insisté sur la nécessité que les États exercent leur compétence au-delà de leur territoire. Évoquant l'affaire Higgs, citoyen australien qui a été victime de mauvais traitements dans la prison de Guantánamo et a du renoncer à toute possibilité de recours parce qu'il a été traité de manière illégale par les États-Unis, il a demandé si droit constitutionnel australien prévoit qu'un Australien renonce à porter plainte pour des actes de torture commis à l'étranger. Le droit à ne pas être torturé est un droit indérogeable, a dit M. Mariño Menéndez, qui a fait mention encore des extraditions de citoyens australiens livrés aux États-Unis dans le cadre de la lutte antiterroriste.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, corapporteur pour le rapport de l'Australie, s'est pour sa part étonné que le pays ait conçu un projet de construire un centre de rétention sur l'île Christmas, alors même que ceux de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Nauru sont en train d'être fermés. S'agissant de la formation des membres d'agences engagés sous contrat à l'étranger, M. Gallegos a indiqué qu'il serait souhaitable que des dispositions spécifiques soient prévues pour assurer une formation de ces personnes aux droits de l'homme.

Des informations ont en outre été demandées sur les prétendues «super-prisons» de sécurité maximale et les conditions de détention en isolement. Le corapporteur a aussi voulu savoir ce qui était envisagé s'agissant de la réadaptation des victimes de la torture? D'autres questions mentionnées par M. Gallegos Chiriboga concernaient les châtiments corporels infligés aux enfants, la traite des êtres humains, la situation des migrants et des autochtones, et les obligations extraterritoriales des troupes à l'étranger. Aussi, l'absence d'une définition de la torture dans la législation australienne est une lacune qui doit être abordée.

Les experts se sont accordés sur le fait que l'inexistence d'une définition commune de la torture est une lacune que l'Australie se doit de combler. Plusieurs experts se sont, par ailleurs, étonnés de ce que l'Australie ne recense que peu ou pas de cas de réhabilitation de victimes de torture entre 2000 et 2006 et que, de la même manière, ce pays ne fasse pas état d'enquêtes ou de condamnations s'agissant de la traite d'êtres humains.

Plusieurs experts ont déploré que l'Australie n'ait pas pris en compte toutes les recommandations relatives à la détention des membres de la population autochtone qui, si elle représente 2% de la population générale, se monte à 24% de la population carcérale. Le taux de femmes en prison est vingt fois plus élevé que celui de la population générale, a notamment relevé une experte. Bon nombre de personnes détenues sont à leur tour victimes d'abus. Selon les allégations d'une organisation non gouvernementale, 89% des femmes détenues sont des victimes d'agressions sexuelles, a-t-elle souligné, invitant l'Australie à s'exprimer à ce sujet. L'experte a par ailleurs souhaité connaître l'origine ethnique des personnes décédées en détention. Le Gouvernement australien prévoit-il d'accepter les normes internationales en matière de populations autochtones, adoptées par les Nations Unies, a demandé le rapporteur?

Plusieurs experts ont également mis en évidence la situation ambiguë de la magistrature par rapport au pouvoir législatif et exécutif, et qui s'exprime en particulier dans le domaine de l'immigration. Les experts ont relevé que le principe du non-refoulement n'est pas clairement pris en compte dans l'ordre juridique australien, en rappelant à l'Australie que ce principe est contraignant.

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