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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITé CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'ISLANDE

01 mai 2003



CAT
30ème session
1er mai 2003
Matin




Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique de l'Islande sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Dis Sigurgeirsdottir, Experte juridique au Département des affaires juridiques du Ministère de la justice et des affaires ecclésiastiques de l'Islande, a indiqué qu'une nouvelle loi accorde une protection accrue aux étrangers. Elle a également souligné qu'en vertu d'un amendement apporté à la loi sur la police, les enquêtes relatives à des plaintes déposées contre la police sont désormais supervisées par le Procureur général. Mme Sigurgeirsdottir a en outre indiqué qu'il n'y a eu en Islande aucun cas de plainte qu'un policier ou toute autre personne impliquée dans la procédure judiciaire aurait obligé une personne à avouer un crime. Elle a expliqué que si le rapport fait état d'une hausse des plaintes déposées contre des policiers, cette hausse peut être portée au crédit d'une meilleure connaissance que le public a de ses droits en la matière.

Mme Sigurgeirsdottir a assuré que, bien que le terme de torture ne soit pas défini dans un texte juridique, ce qui est inclus dans ce terme ne fait aucun doute, pas plus qu'il ne saurait y avoir de doute quant au fait que la torture est un délit punissable en vertu du droit islandais. En ce qui concerne la recommandation précédemment adressée au pays par le Comité visant à ce que la législation islandaise exclue explicitement la recevabilité des preuves obtenues sous la torture, l'Experte juridique a expliqué qu'un principe de la procédure pénale islandaise veut qu'il appartienne au juge d'évaluer librement les preuves présentées devant la Cour.

La délégation islandaise est également composée de M. Stefan Haukur Johannesson, Représentant permanent de l'Islande auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants de l'Administration pénitentiaire et de la Mission permanente de l'Islande auprès des Nations Unies à Genève.

M. Sayed Kassem el Masry, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Islande, a expliqué que l'un des problèmes qu'éprouve généralement le Comité à l'égard de nombreux États parties est l'écart considérable existant entre la loi et la pratique, la loi étant souvent bien meilleure que la pratique. Or, dans le cas de l'Islande, le problème est inverse, a-t-il poursuivi. En effet, la situation peut être qualifiée d'excellente sur le terrain; mais il y a un problème d'incompatibilité entre certains aspects de la loi nationale et les dispositions du droit international. M. el Masry a notamment jugé regrettable que la torture ne soit pas définie dans le droit islandais.

M. Andreas Mavrommatis, co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport islandais, tout en reconnaissant qu'il n'y a pas de torture en Islande, a pour sa part souligné que l'interdiction des aveux obtenus sous la torture doit avoir un caractère absolu.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation islandaise aux questions soulevées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra la délégation de l'Azerbaïdjan, qui répondra aux questions que lui ont adressées les experts ce matin.


Présentation du rapport de l'Islande

Dans une brève introduction, M. STEFAN HAUKUR JOHANNESSON, Représentant permanent de l'Islande auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que son gouvernement, fortement préoccupé face à la torture pratiquée à travers le monde, s'est engagé à prévenir cette pratique et contribue au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture.

Présentant le rapport de son pays, MME DIS SIGURGEIRSDOTTIR, experte juridique au Département des affaires juridiques du Ministère de la justice et des affaires ecclésiastiques, a notamment indiqué qu'une nouvelle loi sur les étrangers a été adoptée en 2002 et est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Cette nouvelle loi, qui n'autorise pas le renvoi d'un étranger dans un pays où il a des raisons de craindre d'être persécuté, accorde une protection accrue aux étrangers, a assuré l'experte juridique. Elle a également indiqué qu'un amendement a été apporté à la loi sur la police s'agissant des enquêtes relatives à des plaintes déposées contre la police. Désormais, de telles enquêtes sont supervisées par le Procureur général, a-t-elle précisé, expliquant qu'il avait été jugé contraire à la loi constitutionnelle de confier à la même partie le pouvoir de suspendre temporairement une personne suspectée d'avoir commis un crime dans le cadre de ses fonctions et le pouvoir de superviser l'enquête concernant ce crime.

Mme Sigurgeirsdottir a par ailleurs souligné que des efforts particuliers ont été déployés ces dernières années au sein du département de formation secondaire du Collège de police nationale afin d'accroître la sensibilisation des policiers quant à l'importance des droits de l'homme dans le cadre de leur travail. Elle a indiqué qu'il n'y a eu en Islande aucun cas de plainte qu'un policier ou toute autre personne impliquée dans la procédure judiciaire aurait obligé une personne à avouer un crime. Elle a par ailleurs expliqué que si le rapport fait état d'une hausse des plaintes déposées contre des policiers, cette hausse peut être portée au crédit d'une meilleure connaissance que le public a de ses droits en la matière.

S'agissant de la recommandation que le Comité avait adressée à l'Islande à l'issue de l'examen du rapport initial du pays afin que celui-ci définisse la torture comme un délit spécifique au regard du droit, Mme Sigurgeirsdottir a indiqué que, comme l'explique le deuxième rapport périodique, bien que le terme de torture ne soit pas défini dans un texte juridique, ce que représente ce terme ne fait aucun doute, pas plus qu'il ne saurait y avoir de doute quant au fait que la torture est un délit punissable en vertu du droit islandais. Étant donné le principe général du droit islandais selon lequel les dispositions légales doivent être interprétées conformément aux obligations juridiques internationales, elle a assuré que le terme de torture serait interprété conformément à l'article premier de la Convention contre la torture devant les tribunaux islandais, a insisté l'Experte juridique. Elle a précisé que nombre des termes fondamentaux utilisés dans le système juridique islandais ne sont pas définis dans le Code pénal; il en va ainsi des termes de viol et de meurtre, par exemple, et il ne viendrait à l'esprit de personne de prétendre que de telles conduites ne constituent pas des délits pénaux en vertu du droit islandais.

Pour ce qui est de l'isolement cellulaire, Mme Sigurgeirsdottir a notamment souligné qu'il n'y est recouru que lorsqu'il existe des raisons de craindre que, s'il n'est pas placé en isolement cellulaire, l'individu concerné risque d'entraver l'enquête sur son cas. Lorsque le chargé de l'enquête prend sa décision de placement en isolement cellulaire, il informe le prisonnier de son droit de faire appel de cette décision devant un tribunal, à tout moment. En ce qui concerne la recommandation du Comité visant à ce que la législation islandaise exclue explicitement la recevabilité des preuves obtenues sous la torture, Mme Sigurgeirsdottir a expliqué qu'un principe de la procédure pénale islandaise veut qu'il appartienne au juge d'évaluer librement les preuves présentées devant la Cour.

Le deuxième rapport périodique de l'Islande (CAT/C/59/Add.2) indique que, le 22 février 1999, le Ministre de la justice a édicté des règles sur l'emploi de la force par la police dont il ressort clairement que la police ne doit recourir à la force que si la situation le justifie et ce, proportionnellement aux besoins. Le rapport souligne également que le nouveau projet de loi sur les étrangers soumis à l'Althing (Parlement) à l'automne 2001 reprend l'assurance donnée dans l'ancienne loi que personne ne peut être extradé ou refoulé vers un autre pays s'il existe des raisons sérieuses de croire que l'intéressé risque d'y être soumis à la torture. Le rapport indique en outre qu'un détenu peut porter plainte pour torture de la part d'un gardien auprès du directeur de la prison ou de l'Administration pénitentiaire ou adresser une plainte en ce sens directement au commissaire de police de la région où se trouve la prison. L'Administration pénitentiaire a reçu deux communications de prisonniers se plaignant d'un traitement dégradant au cours de la période allant du 1er janvier 1997 au 1er novembre 2001. Le rapport précise par ailleurs que les personnes atteintes de troubles mentaux sont accueillies dans quatre établissements dont certains sont fermés de sorte qu'une contrainte s'exerce contre les malades. En revanche, poursuit le rapport, aucun de ces établissements n'utilise de moyens de contrainte physique tels que camisole de force, sangles, etc… Les malades ne sont pas non plus gardés au secret, assure le rapport.

Le rapport indique que, selon l'article 68 de la Constitution, nul ne peut être soumis à la torture. Le terme de torture n'est pas défini dans cet article. Certaines dispositions du Code pénal font de la torture un acte criminel, encore que le terme de torture ne soit pas défini ni mentionné expressément dans le Code, reconnaît le rapport. Compte tenu du principe général de droit islandais qui veut que les dispositions de la loi soient interprétées dans le sens des obligations juridiques internationales, il ne fait aucun doute que le terme de torture serait interprété conformément à l'article premier de la Convention si les tribunaux avaient à statuer en la matière, assure le rapport. Le rapport indique par ailleurs qu'entre le 1er janvier 1997 et le 31 octobre 2001, 416 personnes ont été placées en détention provisoire dont 358 en isolement cellulaire. Sur ces 358 placements en isolement cellulaire, sept ont duré six semaines ou plus et 196 une semaine ou moins. Dans les affaires judiciaires, la législation islandaise n'interdit pas expressément la production à titre de preuve d'une déclaration qui s'avère avoir été obtenue sous la torture. Il est de règle qu'un juge apprécie les preuves produites en toute liberté. De l'avis du Gouvernement islandais, le droit islandais de l'administration de la preuve dans les affaires criminelles garantit qu'une personne ne peut être condamnée sur la base d'aveux s'il est établi qu'ils ont été obtenus sous la torture. Aussi, estime-t-il inutile de modifier la loi pour exclure explicitement la production de preuves obtenues sous la torture. Il faut aussi souligner que jamais les tribunaux n'ont eu à connaître de cas de dépositions de détenu obtenues par la torture.


Examen du rapport

M. SAYED KASSEM EL MASRY, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Islande, s'est réjoui de l'amendement apporté par l'Islande à sa loi sur les étrangers dans la mesure où cet amendement rapproche ladite loi des dispositions de l'article 3 de la Convention, qui interdit l'expulsion, le refoulement ou l'extradition d'une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. M. el Masry a expliqué que l'un des problèmes qu'éprouve généralement le Comité à l'égard de nombreux États parties est l'écart considérable existant entre la loi et la pratique, la loi étant souvent bien meilleure que la pratique. Dans le cas de l'Islande, le problème est inverse, a poursuivi l'expert. En effet, la situation est quasiment excellente sur le terrain; mais le problème s'agissant de l'Islande découle de l'incompatibilité entre certains aspects de la loi nationale et les dispositions du droit international. M. el Masry a relevé que seuls deux instruments internationaux ont été totalement intégrés dans la législation nationale islandaise: il s'agit de la Convention européenne des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Or, la doctrine en vigueur en Islande veut que les traités internationaux n'ont pas force de droit national et que c'est donc le droit national qui l'emporte.

Il est regrettable que la torture ne soit pas définie dans le droit islandais, a par ailleurs déclaré M. el Masry. En effet, sans l'existence d'un crime de torture en tant que tel, il est très difficile de déterminer qu'il y a eu torture, a-t-il souligné. En outre, le droit islandais n'interdit pas complètement l'obtention d'aveux sous la torture et les juges disposent à cet égard d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire pour déterminer si de tels aveux sont recevables ou non.

M. ANDREAS MAVROMMATIS, co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport islandais, a déclaré à titre préliminaire qu'il est certain que la situation est assez bonne en Islande au regard des obligations du pays au titre de la Convention contre la torture. Il n'y a pas de torture dans ce pays, a affirmé M. Mavrommatis. Que la Convention contre la torture soit incorporée ou non dans le droit interne n'est pas le plus important, a poursuivi l'expert; le plus important, et c'est ici le cas, c'est d'avoir l'assurance que la torture est interdite et que chaque cas de torture fera l'objet d'une enquête.

M. Mavrommatis s'est enquis de la procédure suivie lorsqu'une personne est placée en détention entre les mains de la police : cette personne est-elle informée de ses droits, par exemple? Il a par ailleurs mis l'accent sur le caractère absolu de l'interdiction des aveux obtenus sous la torture.

Plusieurs membres du Comité se sont dit intrigués par le nombre élevé de personnes placées en isolement cellulaire dans le pays. Un expert s'est étonné du nombre important de personnes ayant elles-mêmes demandé à être placées en isolement cellulaire et s'est demandé si l'isolement cellulaire ne serait pas perçu par les prisonniers comme «un lieu de vacances de choix». Ce même membre du Comité s'est enquis de la manière dont les autorités ont réagi aux allégations faisant état de violence sexuelle à l'encontre de personnes souffrant de maladies mentales.

Un autre expert a rappelé que la Convention de Vienne sur le droit des traités interdit aux États d'invoquer une disposition de droit interne pour justifier le non-respect d'une disposition de droit international.

Un membre du Comité a souligné qu'il est très peu probable qu'il y ait des cas de torture en Islande et a relevé que les organisations non gouvernementales n'ont fourni aucune information à cet effet concernant l'Islande.




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