Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture conclut les travaux de sa session de printemps

14 mai 2010

Comité contre la torture CAT/10/21
COMMUNIQUÉ FINAL 14 mai 2010

Il présente des observations finales sur la France, le Cameroun, la Jordanie, la Suisse, la Syrie, le Liechtenstein, l'Autriche et le Yémen

Le Comité contre la torture a conclu, ce matin, les travaux de sa quarante-quatrième session, en rendant publiques ses conclusions et recommandations sur les rapports présentés au cours de la session par la France, le Cameroun, la Jordanie, la Suisse, la Syrie, le Liechtenstein et l'Autriche. Il a également finalisé ses observations sur le rapport du Yémen, dont il avait commencé l'examen à sa session précédente, l'automne dernier.

En ce qui concerne l'examen du rapport de la France, le Comité reste préoccupé de ce que 22% des demandes d'asile présentées en 2009 auraient été traitées au titre de la procédure dite prioritaire, qui n'offrirait pas des garanties suffisantes contre un éloignement emportant un risque de torture. Par ailleurs, le Comité recommande un strict contrôle de l'application du régime des fouilles corporelles, en veillant à ce que seules les méthodes les moins intrusives et les plus respectueuses de l'intégrité physique soient appliquées.

S'agissant du rapport présenté par le Cameroun, le Comité demeure profondément préoccupé par les conditions de vie déplorables dans les lieux de détention, les informations reçues faisant état de surpopulation carcérale, de violences entre détenus, de corruption, de manque d'hygiène et de nourriture adéquate et de violations du droit aux visites. Le Comité recommande d'adopter une loi interdisant les mutilations génitales féminines et les autres pratiques traditionnelles nocives, notamment le repassage des seins.

Dans ses recommandations sur le rapport de la Jordanie, le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses allégations témoignant d'une pratique généralisée et systématique de la torture et des mauvais traitements dans les établissements de détention. Il est préoccupé par l'absence de surveillance systématique et efficace de tous les lieux de détention et s'inquiète que le Rapporteur spécial sur la torture se soit vu refuser l'accès à ces installations lors de sa visite en Jordanie en juin 2006. Par ailleurs, le Comité exhorte le pays à veiller à ce que les crimes d'honneur soient traités avec autant de sérieux que d'autres crimes violents.

Pour ce qui est de la Suisse, le Comité se préoccupe d'allégations de violences policières ou d'usage excessif de la force par les forces de police lors de l'interpellation de suspects, ainsi que lors des renvois de personnes par voie aérienne sous la contrainte. D'une part, la Suisse doit veiller à ce qu'un mécanisme indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à des violences de la part de la police soit créé dans chaque canton; d'autre part, la Suisse doit assurer la présence d'observateurs des droits de l'homme et de médecins indépendants lors des rapatriements forcés par voie aérienne.

À la Syrie, le Comité recommande de réaffirmer clairement l'interdiction absolue de la torture et de condamner publiquement les pratiques de la torture. De toute urgence, la Syrie devrait prendre des mesures pour annuler les décrets permettant l'immunité pour les crimes commis en service, ce qui entraîne, dans la pratique, l'impunité pour les actes de torture commis par des membres des services de sécurité. Le Comité exhorte la Syrie à fermer toutes les installations de détention au secret.

Suite à l'examen du rapport du Liechtenstein, le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les demandes des demandeurs d'asile ne sont pas toujours examinées avec soin. Il note avec préoccupation que la majorité des demandes d'asile rejetées en 2009 concernaient deux États où le risque de torture peut être considéré comme substantiel. Par ailleurs, le Liechtenstein est invité à abolir les pratiques consistant à couvrir les yeux ou la tête des personnes appréhendées et à introduire des mesures alternatives qui respectent la dignité des suspects.

Pour ce qui est de l'Autriche, le Comité est préoccupé par la détention de demandeurs d'asile: le pays devrait veiller à ce que la détention soit utilisée uniquement dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier ressort. Par ailleurs, préoccupé par le niveau élevé de l'impunité pour les cas de brutalités policières, le Comité recommande d'établir un mécanisme chargé de mener des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements commis par les agents des services d'ordre.

Enfin, en ce qui concerne le Yémen, le Comité fait part de sa préoccupation face aux nombreuses allégations faisant état d'une pratique généralisée de la torture et des mauvais traitements dans les prisons du pays. Il exhorte donc le Yémen à établir un système de surveillance et d'inspection des lieux de détention. Alors que 283 peines de mort ont été prononcées entre 2006 et 2008, le Yémen est invité à revoir sa politique en la matière et à garantir que cette peine ne soit pas infligée à des enfants. Enfin, le Comité s'inquiète que des sanctions pénales comme le fouet et l'amputation des membres soient prévues par la loi et pratiquées, en violation de la Convention.

Au cours de cette session, le Comité a par ailleurs tenu une réunion avec les États parties à la Convention sur la torture. Il s'est également entretenu avec les membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture, créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, et dont les travaux ont débuté en février 2007. Le Comité s'est, en outre, penché sur le suivi de diverses plaintes individuelles, examinées en vertu de l'article 22 de la Convention, ainsi que sur le suivi de ses recommandations.

Lors de la séance de clôture, la rapporteuse du Comité, Mme Nora Sveaass, a attiré l'attention sur certaines parties du rapport annuel. Elle a souligné que le Comité avait, jusqu'à aujourd'hui, reçu 237 rapports de pays. La demande d'une session supplémentaire adressée par le Comité à l'Assemblée générale pour l'exercice biennal 2011-2012 a été rejetée; le Comité prévoit désormais de demander d'ajouter une semaine supplémentaire à chacune de ses deux sessions annuelles ou de se réunir dans le cadre d'une session supplémentaire de deux semaines chaque année. Dans la discussion qui a suivi, les membres du Comité ont envisagé différentes options pour essayer d'obtenir davantage de temps afin de permettre au Comité de s'acquitter de toutes ses tâches. Il a été décidé que le Président du Comité enverrait une lettre au Secrétaire général à cet égard.

La quarante-cinquième session du Comité contre la torture se tiendra à Genève du 1er au 19 novembre 2010. Le Comité a prévu d'examiner à cette occasion les rapports des pays suivants: Bosnie-Herzégovine, Cambodge, Équateur, Éthiopie, Irlande, Mongolie et Turquie.

Observations finales

Le Comité contre la torture a adopté des observations finales sur les rapports examinés au cours de cette session et présentés par les sept pays suivants (dans l'ordre de présentation des rapports): France, Cameroun, Jordanie, Suisse, Syrie, Liechtenstein et Autriche. Il a également finalisé ses observations concernant le rapport du Yémen, examiné à la session d'automne et suite aux renseignements complémentaires fournis la semaine dernière par la délégation. Les textes complets de ces observations finales seront disponibles sur la page Internet de la session, à l'adresse suivante: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/cats44.htm (consultez la colonne «Concluding Observations» en regard de chaque pays).

Pour ce qui est de la France, le Comité prend note avec satisfaction de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, et de la création corollaire du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, institué comme mécanisme national de prévention indépendant. Il prend également acte avec satisfaction du Plan d'action de 2009 de la Garde des Sceaux en matière de prévention du suicide en milieu carcéral. Il note en outre avec intérêt la mise en place d'une procédure permettant à l'Inspection générale de la gendarmerie nationale, nouvellement créée, d'effectuer des visites inopinées des locaux de garde à vue. Le Comité reste préoccupé de ce que 22% des demandes d'asile présentées en 2009 auraient été traitées au titre de la procédure dite prioritaire, qui n'offre pas de recours suspensif contre un refus initial de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il n'est pas convaincu que la procédure prioritaire offre des garanties suffisantes contre un éloignement emportant un risque de torture. En outre, il réitère sa recommandation à l'effet que la France prenne les mesures idoines pour s'assurer que les demandes d'asile de personnes provenant d'États auxquels s'appliquent les notions d'«asile interne» ou de «pays d'origine sûrs» soient examinées en tenant compte de la situation personnelle du demandeur et en pleine conformité avec les dispositions de l'article 3 de la Convention.

Le Comité demeure particulièrement préoccupé face à la persistance d'allégations qu'il a reçues au sujet de cas de mauvais traitements qui auraient été infligés par des agents de l'ordre public. Selon lui, la France devrait prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que chaque allégation de mauvais traitements imputable à des agents de l'ordre fasse promptement l'objet d'une enquête transparente et indépendante, et que les auteurs soient sanctionnés de manière appropriée. Par ailleurs, vivement préoccupé par les taux de surpopulation carcérale, le Comité invite la France à entreprendre une réflexion importante sur les effets de sa politique pénale récente sur la surpopulation carcérale et lui recommande d'envisager un recours plus important à la substitution de peines non privatives de liberté aux peines d'emprisonnement encourues en l'état actuel. En outre, le Comité a pris note avec préoccupation du fait que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 semble doter l'administration pénitentiaire d'une vaste discrétion permettant une différenciation de régime de détention sur la base d'une classification des détenus sur des critères subjectifs, tels la personnalité ou la dangerosité. Il engage le pays à prendre les mesures idoines pour assurer un contrôle de la marge discrétionnaire, et du potentiel corollaire d'arbitraire, inhérents aux prérogatives dont a été investie l'administration pénitentiaire. Par ailleurs, préoccupé par la nature intrusive et humiliante des fouilles corporelles, le Comité recommande à la France un strict contrôle de l'application du régime des fouilles corporelles, en veillant à ce que seules les méthodes les moins intrusives et les plus respectueuses de l'intégrité physique des personnes soient appliquées. Le Comité est aussi particulièrement préoccupé par l'annonce faite par le pays de sa volonté d'expérimenter l'usage du pistolet à impulsion électrique dans les lieux de détention. Enfin, le Comité se déclare préoccupé par le fait que le pays estime qu'il n'est pas tenu de donner suite aux demandes de mesures de sécurité provisoires formulées par le Comité en référence à deux communications. Il l'exhorte à revoir sa politique en la matière, en examinant de bonne foi les demandes de mesures provisoires dont il est saisi.

Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport du Cameroun, le Comité note avec satisfaction les avancées telles que le décret rattachant l'Administration pénitentiaire au Ministère de la justice et celui créant une Direction des droits de l'homme et de la coopération internationale. Il se félicite aussi de l'accueil par le Cameroun du Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l'homme et la démocratie en Afrique centrale. Il note en outre avec satisfaction sa coopération avec l'Union européenne au programme d'amélioration des conditions de détention et respect des droits de l'homme. Toutefois, le Comité s'inquiète vivement du nombre de détenus en détention provisoire qui, en 2009, s'élevait à 14 265 pour 8931 condamnés. Le Cameroun devrait en urgence prendre des mesures afin de réduire la durée de la détention provisoire qui devrait être conçue comme une mesure exceptionnelle. Le Comité demeure aussi profondément préoccupé par les conditions de vie déplorables dans les lieux de détention. Les informations reçues font état de surpopulation carcérale, de violences entre détenus, de corruption - y compris la location des cellules et la vente de matériel médical-, de manque d'hygiène et de nourriture adéquate, d'absence de soins de santé adaptés, de violations du droit aux visites et du fait que certains prévenus auraient déjà purgé plus que la durée de leur peine sans avoir été libérés. Le pays devrait prendre les mesures appropriées afin de mettre un terme définitif aux allégations d'actes de corruption et de rançonnement dans les prisons; renforcer le contrôle judiciaire des conditions de détention; et prendre des mesures visant à ce que les femmes soient séparées des hommes et à ce qu'elles soient gardées par du personnel féminin uniquement. Le Comité s'inquiète aussi vivement du nombre élevé de décès en détention, 178 détenus étant décédés entre janvier et octobre 2008. Le Cameroun devrait prendre d'urgence des mesures visant à prévenir la violence entre détenus et contre les détenus ainsi que les décès en détention, et de faire en sorte que tous les cas fassent l'objet sans délai d'une enquête.

Préoccupé par les allégations faisant état d'actes de harcèlement, de détention arbitraire, d'actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et de menaces de mort dont sont victimes les journalistes et défenseurs des droits de l'homme, et par le fait que ces actes demeurent impunis, le Comité estime que le Cameroun devrait adopter des mesures efficaces pour faire cesser ces actes et pour prévenir de nouveaux actes de violence. Il devrait de plus veiller à ce qu'une enquête diligente, exhaustive et efficace soit menée rapidement et à ce que les auteurs de tels actes soient dûment punis. D'autre part, le Comité recommande l'ouverture d'une enquête globale, indépendante et approfondie concernant les événements de février 2008. S'agissant enfin des pratiques nocives à l'égard des femmes, le Comité recommande d'adopter une loi interdisant les mutilations génitales féminines et les autres pratiques traditionnelles nocives, notamment le repassage des seins, et d'assurer son effective application pratique. Par ailleurs, le Comité recommande au Cameroun de veiller à ce que la violence à l'égard des femmes et des filles, y compris la violence familiale, le viol, même lorsqu'il est conjugal et toutes les formes de sévices sexuels soient érigés en infraction pénale, que les auteurs soient poursuivis et punis et les victimes réhabilitées. Il réitère en outre sa recommandation au Cameroun de revoir sa législation en ce qui concerne l'exemption de peine de l'auteur d'un viol qui se marie avec sa victime.

Suite à l'examen du rapport périodique de la Jordanie, le Comité relève avec satisfaction les efforts que la Jordanie continue de déployer, et en particulier la création, en 2003, du Centre national pour les droits de l'homme en tant qu'institution nationale de droits de l'homme; la création, en 2008, du Bureau de l'Ombudsman en tant qu'organisme indépendant ayant pour mandat de recevoir les plaintes; et l'adoption, en 2007, du plan global pour le développement et la modernisation des établissements pénitentiaires et de réadaptation. Le Comité note avec satisfaction les informations fournies par la délégation selon laquelle la peine de mort n'a pas été appliquée en Jordanie depuis mars 2006. Toutefois, le Comité est d'avis que la Jordanie devrait incorporer l'interdiction de la torture dans la Constitution afin de montrer qu'il considère la torture comme un crime grave. Il est profondément préoccupé par les nombreuses allégations témoignant d'une pratique généralisée et systématique de la torture et des mauvais traitements dans les établissements de détention. De toute urgence, la Jordanie devrait prendre des mesures pour prévenir les actes de torture et de mauvais traitements dans tout le pays. Elle devrait aussi renforcer ses mesures visant à assurer des enquêtes rapides, approfondies, impartiales et efficaces pour toutes les allégations de torture et de mauvais traitements des détenus; ces enquêtes devraient être menées par un organisme indépendant. Enfin, puisque la détention administrative met les détenus hors du contrôle judiciaire et donc au risque de subir des actes contraires à la Convention, le Comité exhorte la Jordanie à prendre toutes les mesures appropriées pour abolir la pratique de la détention administrative.

Le Comité est préoccupé par l'absence de surveillance systématique et efficace de tous les lieux de détention et s'inquiète que le Rapporteur spécial sur la torture se soit vu refuser l'accès à ces installations lors de sa visite en Jordanie en juin 2006. Il invite la Jordanie à établir un système national efficace pour surveiller et inspecter tous les lieux de détention; ce système devrait inclure des visites régulières et inopinées par des inspecteurs nationaux et internationaux. Le Comité invite aussi le pays à mettre tous les départements de sécurité, et principalement le Service des renseignements généraux, sous une autorité et supervision civile; à établir un audit indépendant de ces services; et à veiller à la séparation des pouvoirs, en droit et en pratique, entre les autorités responsables de la détention des suspects et les personnes chargées de l'enquête. D'autre part, le Comité invite la Jordanie à modifier sans délai les dispositions de son Code pénal, de sorte que les auteurs de crimes d'honneur ne bénéficient pas d'une réduction de peine, et l'exhorte à veiller à ce que les crimes d'honneur soient traités avec autant de sérieux que d'autres crimes violents. Il l'invite aussi à retirer la disposition relative à l'exemption de peine d'un violeur qui se marie avec sa victime. Enfin, le Comité exprime sa préoccupation face aux abus physiques, psychologiques et sexuels commis à l'encontre des femmes migrantes employées de maison, dont la grande majorité est originaire d'Asie du Sud et du Sud-Est. La Jordanie devrait renforcer ses mesures visant à prévenir la violence et les sévices contre les femmes migrantes employées de maison en assurant leur droit à porter plainte contre les responsables, et en veillant à ce que tout cas soit examiné et jugé d'une manière prompte et impartiale.

S'agissant du rapport de la Suisse, le Comité relève avec satisfaction les efforts que la Suisse continue de déployer pour réviser la législation, les politiques et les procédures en vue de garantir une meilleure protection des droits de l'homme, et en particulier l'adoption du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 qui renforce les droits de la défense, accorde des droits plus étendus aux victimes, ainsi que des mesures de protection pour les témoins. Il relève également avec satisfaction la création d'une commission nationale de prévention de la torture, entrée en fonction le 1er janvier 2010, suite à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Selon le Comité, la Suisse devrait envisager d'établir une institution nationale des droits de l'homme avec une compétence étendue dans le domaine des droits de l'homme. Par ailleurs, le Comité se préoccupe d'informations d'allégations de violences policières ou d'usage excessif de la force ou d'autres mauvais traitements par les forces de police lors de l'interpellation de suspects. La Suisse doit veiller à mener une enquête prompte, approfondie et impartiale sur toutes les allégations de violences ou de mauvais traitements de la part des forces de police, à poursuivre les auteurs, et, si leur culpabilité est établie, à les sanctionner à la hauteur de leurs actes; et veiller à ce que les victimes puissent être indemnisées. La Suisse doit également veiller à ce qu'un mécanisme indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à des violences de la part de la police et à enquêter de manière prompte, profonde et impartiale sur ces plaintes, soit créé dans chaque canton.

En matière de non-refoulement, le Comité estime que la Suisse devrait envisager de modifier sa législation afin de permettre une évaluation du risque et prendre des mesures garantissant pour la personne expulsée la pleine conformité de la procédure avec l'article 3 de la Convention. Préoccupé par la persistance d'allégations de mauvais traitements lors des renvois de personnes par contrainte par voie aérienne, le Comité est d'avis que la Suisse doit assurer la présence d'observateurs des droits de l'homme et de médecins indépendants lors des rapatriements forcés par voie aérienne; prévenir les violences policières et les mauvais traitements, ouvrir une enquête sur les allégations, poursuivre, punir les responsables et indemniser les victimes; et poursuivre la formation des agents de police et des personnes intervenant lors de ces rapatriements dans le domaine des droits de l'homme et s'agissant en particulier des garanties prévues par la Convention. D'autre part, le Comité relève avec préoccupation que le niveau élevé de la surpopulation carcérale à la prison de Champ Dollon et les conditions de détention dans les prisons suisses ne sont pas adéquates; et que la séparation entre mineurs et adultes n'est pas toujours garantie. Le Comité reste également préoccupé par les informations faisant état d'un nombre inacceptable d'actes de violence contre les femmes, notamment au sein du foyer. À ce sujet, il est préoccupé par la déclaration des autorités critiquant les interventions de la police dans des cas impliquant des personnes qui jouissent d'une protection internationale, envoyant ainsi un message contraire à la lutte contre l'impunité. Pour le Comité, la Suisse doit garantir que les victimes de violence peuvent porter plainte sans crainte de représailles. L'État doit ensuite fermement lutter contre l'impunité en ce qui concerne les violences domestiques, en menant des enquêtes, en poursuivant et punissant les responsables à la hauteur de leurs actes.

Dans ses recommandations adressées à la Syrie, le Comité se félicite de la ratification par le pays de plusieurs instruments internationaux, parmi lesquels la Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux protocoles facultatifs, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Entre autres inquiétudes, le Comité note avec préoccupation que les dispositions du Code pénal et de la Constitution relatives à la torture ne parviennent pas à garantir des sanctions appropriées, une peine maximale de trois ans d'emprisonnement étant prévue. Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses et persistantes concernant le recours à la torture par les forces de l'ordre, en particulier dans les centres de détention. Cette situation est exacerbée par l'application de règlements internes qui, dans la pratique, autorisent des procédures contraires aux lois et en violation de la Convention. Selon le Comité, la Syrie devrait réaffirmer clairement l'interdiction absolue de la torture et condamner publiquement la pratique de la torture; prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour assurer des enquêtes rapides et impartiales pour toutes les allégations de torture, ainsi que pour poursuivre et punir les responsables. La Syrie devrait également veiller à ce que tous les détenus soient pleinement enregistrés sur le lieu de détention, comme mesure visant à prévenir les actes de torture.

Préoccupé que l'état d'urgence ait un caractère presque permanent et permette la suspension des droits fondamentaux, le Comité est d'avis que la Syrie devrait s'assurer que soit incorporé dans sa législation le principe de l'interdiction absolue de la torture, qui prévoit qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture. De toute urgence, la Syrie devrait prendre des mesures pour annuler les décrets permettant l'immunité pour les crimes commis en service, ce qui entraîne, dans la pratique, l'impunité pour les actes de torture commis par des membres des services de sécurité. Le Comité engage la Syrie à établir un système national efficace de surveillance de tous les lieux de détention. L'État devrait en outre veiller à ce que nul ne soit détenu dans un centre de détention secret. À cet égard, le Comité exhorte la Syrie à fermer toutes ces installations. Le pays devrait également mener de toute urgence des enquêtes sur tous les cas de disparitions forcées. Dans ce contexte, il l'exhorte à créer une commission d'enquête indépendante sur toutes les disparitions, y compris celles des membres des Frères musulmans et celles qui se sont produites au cours de la présence militaire syrienne au Liban au début des années 1970. En outre, le pays devrait mener d'urgence une enquête indépendante sur l'incident de la prison de Sednaya en juillet 2008. Entre autres recommandations, le Comité demande à la Syrie de modifier sans délai certaines dispositions du Code pénal de sorte que les auteurs de crimes d'honneur ne bénéficient pas d'une réduction de peine. Il l'invite aussi à garantir qu'un violeur n'échappe pas aux sanctions en épousant sa victime. Enfin, la Syrie devrait prendre des mesures urgentes pour rendre les conditions de détention en conformité avec l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, notamment en réduisant la surpopulation carcérale, en améliorant la nourriture et les soins de santé fournis aux détenus, et en s'assurant que les mineurs sont détenus séparément des adultes.

En ce qui concerne le rapport du Liechtenstein, le Comité note avec satisfaction la révision complète de la loi sur l'exécution des peines de septembre 2007, qui, entre autres, renforce les garanties juridiques relatives au droit des détenus d'avoir accès à un médecin, ainsi que la mise en place en décembre 2007 de la Commission pénitentiaire, qui est également désignée comme mécanisme national de prévention au sens du Protocole facultatif. Le Comité note également avec satisfaction la création d'une Commission de l'égalité des chances, d'un Bureau du Médiateur pour les enfants et les jeunes et d'un Bureau pour l'aide aux victimes. Dans ses observations finales, le Comité s'inquiète du délai de prescription de cinq ans pour les infractions assimilables à la torture. Aucune justification n'est acceptable pour imposer des délais à l'obligation d'un État d'enquêter sur les crimes de torture, souligne-t-il. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation l'absence de séparation des compétences entre le Ministère de la justice et le Ministère de l'intérieur s'agissant du système pénitentiaire; le Liechtenstein devrait veiller à ce que le Ministère de la justice ait une compétence pleine et exclusive sur le système pénitentiaire.

Par ailleurs, le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les demandes des demandeurs d'asile ne sont pas toujours examinées avec soin. À cet égard, il note avec une certaine préoccupation que la majorité des demandes d'asile rejetées en 2009 concernaient deux États où le risque de torture ou d'autres formes de mauvais traitements peut être considéré comme substantiel. Le Comité recommande au Liechtenstein de veiller à une évaluation de fond de toutes les demandes d'asile; d'augmenter le délai dans lequel les demandeurs d'asile soumis à «l'expulsion préventive» peuvent demander le rétablissement de l'effet suspensif de la décision; et d'enquêter sur les allégations selon lesquelles des responsables gouvernementaux paieraient les demandeurs d'asile pour les convaincre de quitter le pays. Constatant la capacité d'accueil limitée du Centre pour les réfugiés (60 places), conjuguée à l'augmentation soudaine des demandeurs d'asile en 2009, le Comité est d'avis que le Liechtenstein devrait accroître la capacité d'accueil du Centre pour les réfugiés et élaborer des plans d'urgence pour veiller à ce qu'un autre logement soit mis à disposition dans les futures situations d'urgence. En ce qui concerne le traité bilatéral sur l'hébergement des détenus signé en 1982 entre le Liechtenstein et l'Autriche et en vertu duquel les peines de plus de deux ans d'emprisonnement sont exécutées en Autriche, le Comité recommande au Liechtenstein de le renégocier de sorte que les droits des détenus soient garantis. Enfin, le Comité est préoccupé par certaines pratiques de la police consistant à couvrir les yeux ou la tête des personnes appréhendées. Selon lui, le Liechtenstein devrait veiller à ce que ces pratiques soient abolies en droit et en pratique. L'État devrait introduire des mesures alternatives qui respectent la dignité des suspects, tout en assurant la sécurité et la protection des agents de police.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de la Convention en Autriche, le Comité prend note des efforts constants de l'Autriche et notamment de l'entrée en vigueur, en juin 2009, de la deuxième loi de protection contre la violence - qui étend la gamme de services et de soutien aux victimes de violence -, ainsi que l'entrée en vigueur, en janvier 2008, de la loi de réforme de la procédure pénale et des amendements au Code de procédure pénale, et en particulier la disposition relative à l'invalidité des preuves obtenues sous la torture. Le Comité se félicite également de l'adoption d'une position ferme et de principe contre l'utilisation des garanties diplomatiques et de l'adoption de deux plans nationaux contre la traite des êtres humains pour les périodes 2007-2009 et 2009-2011. Toutefois, le Comité est préoccupé par les restrictions imposées par l'Autriche sur l'exercice du droit des détenus à communiquer avec un avocat et sur la présence d'un avocat lors des interrogatoires. Il réitère sa recommandation selon laquelle toutes les garanties juridiques et administratives nécessaires devraient être prises pour s'assurer que les suspects ont accès à un avocat, y compris pendant la détention. L'Autriche devrait aussi étendre l'utilisation de matériel audio et vidéo à tous les postes de police et les centres de détention, non seulement dans les salles d'interrogatoire, mais aussi dans les cellules et les couloirs. Le Comité est préoccupé par la détention de demandeurs d'asile, certaines informations indiquant que les demandeurs d'asile sont détenus dans des centres de détention de la police pour criminels, dans certains cas confinés dans leur cellule 23 heures par jour, sans accès à des soins médicaux ou à une aide juridique. L'Autriche devrait veiller à ce que la détention des demandeurs d'asile soit utilisée uniquement dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier ressort.

Par ailleurs, selon le Comité, l'Autriche devrait renforcer ses efforts pour réduire la surpopulation des établissements pénitentiaires, y compris par l'application de mesures alternatives à l'incarcération et la construction de centres de détention supplémentaires. Le Comité réitère également sa préoccupation s'agissant de l'utilisation de dispositifs de perturbation électromusculaire qui peuvent provoquer de fortes douleurs assimilables à de la torture et, dans certains cas, être mortels; l'Autriche devrait envisager de renoncer à l'utilisation de ces armes pour maîtriser des personnes en garde à vue. En outre, l'Autriche devrait intensifier ses efforts pour prévenir les suicides et morts subites dans tous les lieux de détention; le Comité l'exhorte à enquêter de manière rapide, approfondie et impartiale sur tous les décès de détenus. D'autre part, le Comité continue d'être préoccupé par le niveau élevé de l'impunité pour les cas de brutalités policières; il recommande à l'Autriche de prendre les mesures appropriées pour veiller à ce que toutes les allégations de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent l'objet d'enquêtes, ainsi que d'établir un mécanisme, détaché du Ministère de l'intérieur, chargé de mener des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements commis par les agents des services d'ordre. L'Autriche doit également veiller à ce que les condamnations pour torture et mauvais traitements soient proportionnelles à la gravité de l'infraction.

Pour ce qui est des observations finales du Comité sur le rapport présenté par le Yémen à sa session de novembre dernier, le Comité prend note des efforts déployés par le pays et notamment de l'examen complet de sa législation pénale, y compris en ce qui concerne le droit de ne pas être soumis à la torture. Il prend note également des diverses activités de formation et d'éducation aux droits de l'homme, ainsi que de son ouverture à la coopération internationale. De l'avis du Comité, le Yémen devrait appliquer de bonne foi toutes les recommandations qui lui sont adressées et veiller à ce que ses principes religieux et ses lois soient compatibles avec les droits de l'homme et avec ses obligations en vertu de la Convention. Le pays est prié de fournir des informations sur le mandat du nouveau Comité du vice et de la vertu, sur ses procédures d'appel éventuelles et sur ses compétences précises. Le Comité est en outre préoccupé par la définition de la torture actuellement en vigueur au Yémen, qui interdit la torture uniquement en tant que moyen d'obtenir des aveux et qui limite les sanctions aux seules personnes qui ordonnent ou commettent des actes de torture, sans les étendre aux individus complices de tels actes. Face aux nombreuses allégations, corroborées par un certain nombre de sources yéménites et internationales, faisant état d'une pratique généralisée de la torture et des mauvais traitements dans les prisons yéménites, le pays devrait, de toute urgence, prendre des mesures pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans tout le pays et annoncer le lancement d'une politique d'éradication de ces actes. L'État devrait également veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent l'objet d'enquêtes efficaces et impartiales et à ce que les coupables soient poursuivis et condamnés conformément à la gravité de leur acte.

D'autre part, le Comité reste gravement préoccupé par le manque de respect des garanties juridiques fondamentales applicables aux détenus, comme le droit d'avoir rapidement accès à un avocat et à un examen médical indépendant et le droit de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. Le Yémen devrait aussi assurer que tous les détenus, y compris les mineurs, soient dûment enregistrés dans un registre central efficace. Le Yémen est exhorté à établir un système de surveillance et d'inspection efficace de tous les lieux de détention. Le pays devrait également faire en sorte que des médecins légistes formés à la détection des signes de torture soient présents lors de ces inspections. Il devrait aussi formellement interdire tout lieu de détention ne relevant pas de l'autorité étatique; il devrait en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la compatibilité de ses mesures antiterroristes avec les dispositions de la Convention et pour abolir la détention au secret. Le Comité reste en outre préoccupé que certaines sanctions pénales, telles que le fouet, les coups ou encore l'amputation soient encore prévues par la loi et pratiquées au Yémen, en violation de la Convention. Il s'inquiète également que les tribunaux du pays imposent presque quotidiennement des peines de flagellation pour consommation d'alcool et infractions sexuelles et que ces sentences soient exécutées en public, immédiatement et sans appel. En outre, notant avec préoccupation qu'un total de 283 peines de mort ont été prononcées entre 2006 et 2008, le Comité est d'avis que le Yémen devrait revoir sa politique en matière de peine capitale et prendre des mesures pour garantir que cette peine ne soit pas infligée à des enfants.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :