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Le Comité contre la torture entend les réponses de Monaco
23 mai 2011
APRES-MIDI
23 mai 2011
Le Comité contre la torture a entendu cet après-midi les réponses de la délégation de Monaco aux questions que lui avaient adressées vendredi les experts sur les mesures prises par la Principauté pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
La délégation monégasque, par la voix du Représentant permanent de Monaco auprès des Nations Unies à Genève, M. Robert Fillon, a fourni des renseignements complémentaires en ce qui concerne, en particulier, divers aspects de la Convention de voisinage franco-monégasque de 1963, s'agissant essentiellement des questions relatives au transfèrement des détenus vers la France et à la détermination du statut de réfugié; la définition de la torture; la durée maximale de la détention provisoire; et la position de la Principauté à l'égard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. La délégation a en particulier relevé que le Comité est désireux qu'une définition de la torture soit introduite dans le droit de la Principauté et a indiqué qu'elle veillera à ce que cette demande soit relayée aux autorités compétentes. En l'état actuel, les actes de torture sont susceptibles d'être appréhendés sous d'autres qualifications comme par exemple les coups et blessures, les violences, les voies de fait ou sous d'autres chefs d'infractions. La délégation a en outre souligné que l'article 20 de la Constitution consacre expressément l'interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants et que la Convention contre la torture a été rendue exécutoire par une ordonnance de 1992.
La délégation a expliqué que les personnes définitivement condamnées par les juridictions monégasques sont transférées dans des établissements pénitentiaires français et dès lors placées «sous la garde» des autorités françaises compétentes. Cependant, les autorités monégasques conservent une responsabilité et une compétence en matière de grâce, de réduction de peine et de libération conditionnelle. La délégation a précisé que les cas de transfèrement sont peu nombreux car ils ne concernent que les détenus dont le reliquat de peine de prison à accomplir est, en général, supérieur à six mois, et représentent environ 7 affaires par an. Monaco ne compte qu'une seule maison d'arrêt son territoire, dans laquelle séjournent en moyenne chaque année une trentaine de détenus effectuant des peines de courte durée; en outre, aucun cas de mauvais traitement ou de situation de mauvaises conditions matérielles n'a été constaté ni même allégué depuis des décennies. De cette situation découle l'absence d'engagement de la part de Monaco vis-à-vis du Protocole facultatif, a expliqué la délégation. Des compléments d'information ont aussi été apportés en ce qui concerne, notamment, les châtiments corporels; la législation antiterroriste; le rôle du Médiateur; les conditions de détention; ou encore la possibilité pour un détenu de porter plainte.
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de l'Irlande aux questions qui lui ont été posées ce matin.
Réponses de la délégation monégasque
M. ROBERT FILLON, Représentant permanent de Monaco auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que Monaco, micro-État ou État à taille réduite, est certes enclavé dans le territoire français – d'où l'imbrication des relations humaines, économiques et sociales depuis de nombreuses décennies entre la France et la Principauté de Monaco. Cette situation a naturellement entraîné la conclusion de nombreux accords bilatéraux qui n'aliènent en rien la souveraineté et l'indépendance de Monaco, ni sur le plan de la conduite de ses affaires intérieures, ni sur celui de ses relations internationales. Comme tout État, la Principauté est dotées des organes politiques et économiques investis des compétences inhérentes à toute entité étatique, a poursuivi M. Fillon. Cependant, a-t-il reconnu, en raison de son caractère d'État à taille réduite, il arrive que Monaco n'atteigne pas la «masse critique» qui lui permettrait de mettre en place de manière totalement autonome certaines entités ou certaines institutions. «Dans ce cas, une approche réaliste et soucieuse d'efficacité conduit souvent à nous appuyer sur la coopération internationale – plus particulièrement avec la France – pour atteindre le but recherché», a expliqué M. Fillon.
La délégation monégasque note que le Comité est désireux qu'une définition de la torture soit introduite dans le droit monégasque et veillera à ce que cette demande soit relayée aux autorités compétentes, a poursuivi le Représentant permanent de Monaco. En l'état actuel, a-t-il souligné, les actes de torture sont susceptibles d'être appréhendés sous d'autres qualifications comme par exemple les coups et blessures, les violences, les voies de fait ou sous d'autres chefs d'infractions. Il convient en outre de rappeler que l'article 20 de la Constitution consacre expressément l'interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants et que la Convention contre la torture a été rendue exécutoire par l'ordonnance souveraine n°10542 du 14 mai 1992, de sorte que cet instrument fait pleinement partie des normes juridiques monégasques. D'autre part, l'article 228 du Code pénal incrimine l'assassinat commis au moyen de la torture ou acte de cruauté et prévoit une peine aggravée, a ajouté M. Fillon.
Le représentant monégasque a par ailleurs souligné que l'article 5 de la Convention n'oblige pas les États parties à mettre en place un système de compétence universelle totale. Il a fait valoir que l'article 8 du Code de procédure pénale, qui vise «quiconque, hors du territoire de la Principauté (…) coupable de faits qualifiés de crime ou délit constituant des tortures au sens de l'article premier de la Convention contre la torture (…), s'il est trouvé dans la Principauté», correspond en tous points aux prescriptions de la Convention.
En application de l'article 61 du Code de procédure pénale, a d'autre part rappelé M. Fillon, toute autorité, tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis, sur le champ, au procureur général et de transmettre à ce magistrat tous renseignements, documents et actes pouvant permettre d'en poursuivre la répression. M. Fillon a en outre confirmé que les articles 127 à 130 du Code pénal portant sur l'abus d'autorité sanctionnent sévèrement les ordres d'autorités publiques contraires à la loi.
S'agissant des plaintes pour menottage, le représentant a indiqué que depuis la visite du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et ses recommandations en la matière, les instructions sur le menottage ont porté leurs fruits et ont bien été respectées puisqu'il n'y a pas eu de difficultés constatées. «Il peut être confirmé qu'aucun cas de torture ou de maltraitance n'a été signalé», a ajouté M. Fillon.
En ce qui concerne le transfèrement des détenus, M. Fillon a rappelé que l'article 14 de la Convention de voisinage franco-monégasque de 1963 prévoit que «les individus condamnés pour des crimes ou délits de droit commun à une peine privative de liberté seront reçus dans les établissements pénitentiaires de France; ils seront soumis au régime en vigueur dans ces établissements, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale». Ainsi, les personnes définitivement condamnées par les juridictions monégasques sont, en application de cet accord bilatéral librement consenti, transférées dans les établissements pénitentiaires français et sont dès lors placées «sous la garde» des autorités françaises compétentes. Cependant, a rappelé M. Fillon, les autorités monégasques – en vertu du même article de cette Convention de voisinage – conservent une responsabilité et une compétence en matière de grâce, de réduction de peine et de libération conditionnelle. Conformément aux recommandations du Comité, les autorités monégasques ont initié des discussions avec les autorités compétentes françaises dans le but de faire évoluer les accords franco-monégasques dans le sens d'assurer un suivi plus efficace de la détention de ces prisonniers, a par ailleurs fait valoir le Représentant permanent de Monaco. Ainsi, est-il prévu qu'une personne désignée par les autorités monégasques, en l'occurrence un magistrat, se rende périodiquement dans les établissements pénitentiaires français pour y rencontrer les détenus condamnés par les juridictions monégasques; il a également été décidé qu'à l'issue de chaque visite, un rapport sera établi par les autorités monégasques et communiqué aux autorités françaises compétentes. «À noter que les cas de transfèrement sont peu nombreux car ils ne concernent que les détenus dont le reliquat de peine de prison à accomplir est significatif (en général supérieur à six mois)», a précisé M. Fillon, ajoutant que les condamnations à de très longues peines sont rares.
M. Fillon a par la suite indiqué que sur les cinq dernières années, 35 détenus ont été transférés, ce qui représente une moyenne de sept détenus par an.
Pour ce qui est de l'éventuelle plainte d'un détenu, M. Fillon a indiqué qu'une fois le détenu transféré dans un établissement de détention français, sa plainte relèverait de la compétence des autorités françaises, en raison du principe de territorialité.
Monaco a fait le choix d'avoir sur son territoire une maison d'arrêt, c'est-à-dire un établissement pour courtes peines, a rappelé M. Fillon. D'un commun accord avec la France, il est convenu que cet établissement de détention ne soit qu'un point de passage, destiné à la détention préventive ou à l'exécution de courtes peines, a-t-il précisé. «Les conditions de détention à Monaco sont très bonnes mais en France, les détenus condamnés à de longues peines peuvent bénéficier d'infrastructures de détention plus développées et diversifiées, telles que celles permettant une activité professionnelle en détention qui peut offrir de meilleures chances de réinsertion», a expliqué le Représentant permanent de Monaco.
Depuis la visite du CPT, a poursuivi M. Fillon, Monaco a entrepris un important travail de réforme pour améliorer les conditions de détention et a mis un point d'honneur à mettre en œuvre et suivre ses recommandations. Il a cité à titre d'exemples la mise en place de parloirs libres; la construction d'une cellule mère-enfant; le choix laissé au détenu à son arrivée dans l'établissement d'avoir une cellule individuelle ou collective; l'amélioration des contacts avec l'extérieur avec la possibilité de téléphoner sous certaines conditions; ou encore l'augmentation du nombre de visites médicales, dont celles d'un psychologue.
Pour ce qui est de la durée maximale de la détention provisoire, elle ne peut excéder quatre mois en matière correctionnelle, avec possibilité pour le juge d'instruction, si nécessaire, de la prolonger pour une période d'égale durée, renouvelable, la durée totale ne pouvant excéder trente mois, a indiqué M. Fillon. En matière criminelle, a-t-il poursuivi, la détention provisoire ne peut excéder un an; à l'expiration de ce délai, le juge d'instruction peut prolonger la détention pour une période de six mois, renouvelable, la durée totale ne pouvant excéder quatre ans. Depuis l'entrée en vigueur de la loi dite «justice et liberté» ayant introduit la durée maximale de la détention provisoire, ont été constatées une diminution progressive mais nette du nombre de personnes détenues provisoirement ainsi que la durée moyenne de détention provisoire – laquelle, sur les trois dernières années, oscille entre deux et quatre mois.
En réponse à une autre question, M. Fillon a assuré que le droit à un recours n'a jamais été réservé aux personnes domiciliées sur le territoire monégasque. Il est bien évident que le droit à un recours devant les juridictions monégasques est ouvert à toute personne ayant un intérêt à agir; dans le cas où elle ne vit pas à Monaco, la seule condition requise est l'élection de domicile chez un avocat à Monaco, a-t-il expliqué.
Monaco a signé la Convention portant Statut de la Cour pénale internationale en juillet 1998, a par ailleurs rappelé M. Fillon. Depuis lors, plusieurs études juridiques ont été engagées afin de vérifier la compatibilité entre les stipulations de cette Convention et les prescriptions de la Constitution et de la loi monégasque. Ces études ont permis de détecter de multiples et diverses incompatibilités qui seraient de nature à nécessiter la modification substantielle de plusieurs normes juridiques monégasques – notamment la Constitution et ses principes fondamentaux, comme celui selon lequel «la personne du Prince est inviolable». «L'ensemble de ces révisions constitue un processus de réforme sans précédent auquel il n'est pas envisagé de procéder», a indiqué M. Fillon.
Pour ce qui est du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, M. Fillon a rappelé que Monaco ne compte qu'une seule maison d'arrêt sur son territoire, dans laquelle séjournent en moyenne chaque année une trentaine de détenus effectuant des peines de courte durée; il ne s'agit pas d'un centre de détention à proprement parler. En outre, aucun cas de mauvais traitement ou de situation de mauvaises conditions matérielles n'a été constaté ni même allégué depuis des décennies. En toute hypothèse, la création d'un organe indépendant de contrôle des prisons apparaîtrait inadaptée à la situation monégasque et ne saurait améliorer les garanties offertes aux détenus, a estimé M. Fillon. De cette situation découle l'absence d'engagement de la part de Monaco vis-à-vis du Protocole facultatif, a-t-il expliqué.
Le Représentant permanent a par ailleurs déclaré que sont «incriminables et réprimables» les châtiments corporels, qu'ils se produisent au sein de la famille, dans les établissements scolaires ou les lieux de prise en charge des enfants.
Questions complémentaires des membres du Comité
MME SAADIA BELMIR, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Monaco, a félicité la délégation monégasque pour les réponses qu'elle a apportées aux questions qui lui avaient été posées vendredi dernier. Certaines questions mériteraient toutefois d'être clarifiées plus avant, a-t-elle souligné, évoquant en particulier la question de la Convention de voisinage franco-monégasque. Les autorités monégasques affirment que la mise en œuvre de la procédure de transfèrement (vers un établissement de détention français) ne se fait qu'avec le consentement explicite des personnes condamnées; mais il serait souhaitable que cela soit clairement entériné dans les textes.
Abordant la question des requérants d'asile expulsés vers la France, Mme Belmir a relevé que le statut de réfugié à Monaco est subordonné à sa reconnaissance par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). La question se pose donc de savoir si les personnes concernées ne se retrouvent pas prises dans une sorte de labyrinthe et exposées à une procédure plus compliquée, tant sur le plan normatif que sur celui des recours.
M. ABDOULAYE GAYE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport monégasque, a souligné que les réponses apportées par la délégation au sujet des questions de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ne lui ont pas donné satisfaction.
M. Gaye a par ailleurs souligné qu'il souhaitait en savoir davantage au sujet du statut du médiateur; comment est-il désigné et quels sont ses pouvoirs et ses moyens d'actions ?
Réponses complémentaires de la délégation
La délégation monégasque a rappelé que pour Monaco, le statut de réfugiés et l'intervention de l'OFPRA française dans ce domaine résultent de la Convention de voisinage franco-monégasque. Cette question est à distinguer de celle du refoulement et de l'expulsion, pour lesquels la décision est prise par le Gouvernement monégasque pour des motifs de sécurité publique. La question du transfèrement de détenus est encore différente. Il s'agit pour chacune de ces questions de régimes juridiques différents, a insisté la délégation.
Le Médiateur fait partie de l'administration monégasque, a par ailleurs indiqué la délégation. Le Médiateur est chargé de traiter les affaires avant qu'elles ne prennent un caractère contentieux, le but étant de parvenir à un arrangement avec l'État lorsque cela est possible, a-t-elle expliqué.
La délégation a par ailleurs indiqué que la loi monégasque sur le terrorisme date de 2006. Les autorités de la Principauté se sont efforcées dans cette loi d'adopter une terminologie moderne et adaptée aux réalités actuelles. En outre, cette loi ne déroge absolument pas aux garanties du droit commun, a assuré la délégation.
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