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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture entame l'examen du rapport de la République Tchèque

14 mai 2012

Comité contre la torture
MATIN

14 mai 2012

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par la République tchèque sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, Mme Andrea Barsova, Directrice du Département des droits de l'homme et de la protection des minorités du Bureau du Gouvernement de la République tchèque, a souligné qu'un nouveau Code pénal était entré en vigueur en 2010, qui inclut un crime spécifique de torture et de traitement inhumain, assorti de peines pouvant aller jusqu'à cinq années d'emprisonnement et même jusqu'à dix-huit années d'emprisonnement en cas de circonstances aggravantes.  La définition de la torture utilisée par les tribunaux, les procureurs, les policiers et d'autres organes publics est celle énoncée à l'article premier de la Convention puisque les traités internationaux ratifiés par le pays font partie intégrante du système juridique interne, sont directement applicables et prévalent sur la loi interne.  Mme Barsova a en outre fait part de la création récente de l'Inspection générale des forces de sécurité, un organe totalement indépendant chargé de la détection et de la poursuite des crimes commis par les membres de la police tchèque, des services carcéraux et des services douaniers.  Elle a également évoqué les travaux du Bureau de l'Ombudsman, qui est le mécanisme national de prévention mis en place conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et qui contribue de manière significative à la prévention de la torture dans le pays en visitant les prisons, les commissariats de police, les établissements de santé et les services sociaux, ainsi que les établissements pour enfants ou étrangers ou d'autres lieux où la liberté personnelle est limitée.

La délégation tchèque était également composée de la Représentante permanente de la République tchèque auprès des Nations Unies à Genève, Mme Katerina Sequensova, ainsi que de représentants du Bureau du Gouvernement; du Ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports; du Ministère du travail et des affaires sociales; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de la santé; et du Ministère de la justice.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, M. Claudio Grossman, également Président du Comité, s'est félicité des progrès enregistrés par la République tchèque, mais s'est inquiété qu'il semble que la Convention soit utilisée uniquement comme outil d'interprétation et que les dispositions de la Convention ne soient pas transposées dans le droit interne.  À l'instar de M. Grossman, le corapporteur, M. Xuexian Wang, s'est lui aussi inquiété des chiffres montrant une hausse d'environ 30% du nombre de crimes à caractère discriminatoire, voire raciste dans le pays, notamment contre les Roms.  M. Wang a par ailleurs déploré que la pratique consistant à faire supporter par les prisonniers une partie importante des frais de leur incarcération n'ait pas été totalement abolie en République tchèque, contrairement à ce que le Comité avait demandé au pays.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation tchèque aux questions qui lui ont été adressées ce matin.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra une réunion avec les États parties à la Convention.

Présentation du rapport

Présentant le rapport périodique de la République tchèque (CAT/C/CZE/4-5), MME ANDREA BARSOVA, Directrice du Département des droits de l'homme et de la protection des minorités du Bureau du Gouvernement de la République tchèque, a souligné qu'un nouveau Code pénal était entré en vigueur en 2010, qui inclut un crime spécifique de torture et de traitement inhumain, assorti de peines pouvant aller jusqu'à cinq années d'emprisonnement et même jusqu'à dix-huit années d'emprisonnement en cas de circonstances aggravantes, comme pour les crimes à caractère raciste, les crimes commis contre une femme enceinte ou un enfant ou les crimes ayant entraîné la mort de la victime.

La définition de la torture utilisée par les tribunaux, les procureurs, les policiers et d'autres organes publics est celle énoncée à l'article premier de la Convention puisque selon la Constitution de la République tchèque, les traités internationaux ratifiés par le pays font partie intégrante du système juridique interne, sont directement applicables et prévalent sur la loi interne, a poursuivi Mme Barsova.

Le Code pénal punit également d'autres crimes tels que le trafic de personnes, le viol, les mauvais traitements à l'encontre d'une personne placée en détention, entre autres, a souligné Mme Barsova.  Elle a en outre fait part de la création, début 2012, de l'Inspection générale des forces de sécurité, un organe totalement indépendant chargé de la détection et de la poursuite des crimes commis par les membres de la police tchèque, des services carcéraux et des services douaniers, c'est-à-dire des principaux organes habilités dans le pays à procéder à une limitation de la liberté personnelle des individus.  Cet organe est responsable devant le Gouvernement et auprès d'une commission spéciale du Parlement qui en contrôle les travaux.  L'Inspection générale des forces de sécurité n'est pas seulement chargée de détection et de poursuites; elle peut également publier des directives et des recommandations méthodiques aux fins de la prévention d'activités illégales et criminelles de membres des forces de sécurité, a insisté Mme Barsova.

En 2008, la République tchèque a adopté une nouvelle Loi sur la police qui énonce les principes généraux de proportionnalité, de respect et de courtoisie, ainsi que l'obligation d'informer au sujet des raisons d'une action de police et au sujet des droits et obligations de la personne interpellée.  Cette Loi fixe en outre des règles spécifiques pour la détention dans les commissariats de police, notamment pour ce qui est de la durée maximale de 24 heures de cette détention, des raisons de la détention, du devoir d'informer la famille du détenu et du droit de la personne placée en détention à une assistance légale et médicale.  Par ailleurs, la Loi sur la police règlemente strictement les questions se rapportant aux armes et à la contrainte.  Tout recours à la contrainte et à la détention doit être enregistré, a insisté Mme Barsova.  Toute occurrence de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant est strictement interdite et fait l'objet d'une enquête adéquate, a-t-elle ajouté.

Un amendement apporté en 2011 au Code de procédure pénale permet aux victimes de tout type de crime, y compris de torture, de porter plainte au pénal, en tant que partie lésée, non seulement pour préjudice matériel, mais aussi pour préjudice immatériel résultant d'une souffrance mentale et d'autres formes d'attaques contre la dignité et la personne humaine résultant du crime.  Si l'auteur du crime est reconnu coupable et que le lien de cause à effet entre le crime et le préjudice a été prouvé durant la procédure, le tribunal peut accorder un dédommagement à la victime; dans les autres cas, la victime peut revendiquer ses droits dans une procédure civile.

Mme Barsova a par ailleurs fait état de deux lois qui sont actuellement débattues au Parlement; l'une porte sur les victimes de crimes et l'autre a trait à la coopération judiciaire internationale.  La République tchèque reste engagée en faveur de la prévention et de la suppression de la violence domestique et du trafic de personnes, a-t-elle poursuivi, faisant état des stratégies adoptées pour lutter contre ces phénomènes.

Enfin, Mme Barsova a évoqué les travaux du mécanisme national de prévention mis en place par la République tchèque conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, à savoir le Bureau de l'Ombudsman.  Celui-ci contribue de manière significative à la prévention de la torture dans le pays en visitant les prisons, les commissariats de police, les établissements de santé et ceux des services sociaux, ainsi que les établissements pour enfants ou étrangers ou d'autres lieux où des gens voient leur liberté personnelle limitée.  Depuis 2010, a précisé Mme Barsova, l'Ombudsman a acquis une nouvelle compétence s'agissant de la surveillance de la procédure d'expulsion des étrangers.

Questions et observations des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité et rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, s'est félicité d'un certain nombre de progrès enregistrés par la République tchèque et mentionnés dans son rapport.  S'agissant de la définition de la torture, M. Grossman a toutefois relevé qu'un arrêt rendu par une juridiction tchèque laisse entendre que la Convention est utilisée comme outil d'interprétation seulement.  La loi pénale exige l'existence d'une définition pour chaque délit, a rappelé le rapporteur, qui a estimé que le fait que le texte en vigueur en République tchèque incriminant la torture n'ait pas transposé la définition de la torture figurant à l'article premier de la Convention crée une certaine limitation quant à la façon dont les tribunaux vont appliquer cet instrument.

Les dispositions de la Convention ne semblent pas avoir été transposées dans le droit interne, a insisté M. Grossman.  Aussi, s'est-il enquis d'exemples de cas où la Convention aurait été directement invoquée par un tribunal ou simplement citée par un tribunal civil ou pénal.

En ce qui concerne le principe de non-discrimination, M. Grossman a relevé que pour les actes de torture, la sanction encourue est de six mois à cinq ans, ce qui constitue une fourchette «assez étrange».  La question se pose de savoir si une sanction de six mois correspond aux exigences de la Convention, a insisté le rapporteur.

En ce qui concerne la question de la pratique de stérilisations s'agissant de personnes appartenant aux minorités, M. Grossman a relevé que selon la loi en vigueur en République tchèque, le consentement du patient doit être recueilli sans aucune forme de pression, le patient devant en outre avoir été dûment informé auparavant; aussi, quelles sont les informations fournies au patient potentiel et dans quelles langues, afin de s'assurer qu'elles soient bien comprises par les membres des minorités?  Qu'en est-il des indemnisations versées pour les cas qui se sont produits dans le passé et qui concernait une cinquantaine de personnes?

Le Centre européen pour les droits des Roms fait état de 23 attaques récentes de communautés roms en République tchèque ayant donné lieu à une vingtaine de décès, s'est en outre inquiété M. Grossman; si ces informations sont avérées, cela représenterait une hausse du nombre d'attaques violentes dans le pays par rapport à la situation qui prévalait en août 2011.

M. Grossman s'est par ailleurs enquis du nombre de familles étrangères placées en rétention dont les enfants sont également détenus en attendant leur départ.

Le rapporteur a demandé si des inspections d'aéronefs sont pratiquées et sur la base de quels principes juridiques.  Les dispositions relatives à la torture et au non-refoulement devraient primer dans ce domaine, a-t-il rappelé.  La République tchèque reconnaît des garanties diplomatiques mais ne donne pas de détails en la matière, a en outre fait observer M. Grossman.  Si elles estiment qu'il y a violation de l'article 3 de la Convention - relatif au non-refoulement d'une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture-, peuvent-elles revenir sur ce constat en vertu de garanties diplomatiques, a-t-il demandé?

M. XUEXIAN WANG, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, a estimé que la République tchèque avait bien progressé pour ce qui est de la protection des droits de l'homme et l'en a félicitée.  Il s'est également félicité des mesures prises par la République tchèque en faveur des minorités pour la période 2011-2012 afin, notamment, de lutter contre les préjugés à leur encontre.  Qu'en est-il de la mise en œuvre de cette stratégie alors que les chiffres montrent qu'il y a eu une hausse, d'environ 30%, du nombre de crime à caractère discriminatoire voire raciste, s'est-il interrogé?

S'intéressant à la question de la protection de l'enfance, M. Wang a relevé que la République tchèque évoque des «mesures éducatives adéquates».  Que renferme le terme «adéquat» dans ce contexte: inclut-il les châtiments corporels ou non?

La pratique consistant à faire supporter par les prisonniers une partie non négligeable (parfois jusqu'à 45%) des frais de leur incarcération n'a pas été totalement abolie en République tchèque, contrairement à ce que le Comité avait demandé au pays, a par ailleurs déploré M. Wang.

Il existe une contradiction entre l'affirmation de la République tchèque selon laquelle il n'y aurait pas de cas enregistrés de mauvais traitements imputables à la police, alors que le pays fournit ensuite une liste de plaintes déposées en la matière.

M. Wang a ensuite demandé si la délégation pouvait fournir des exemples de dédommagements qui auraient été versés à des victimes de la torture.

En ce qui concerne les lieux de rétention pour étrangers, la République tchèque affirme qu'il n'y a pas de problèmes dans ce domaine autres que des problèmes ponctuels qui ne sont pas de nature grave.  Quels sont ces problèmes «ponctuels»? 

Une autre membre du Comité a estimé que la consignation des données médicales par les hôpitaux des prisons posait problème en République tchèque.  Elle a également soulevé la question de l'administration forcée de médicaments et de traitements intrusifs et irréversibles et celle de la destruction de dossiers médicaux, notamment dans le contexte de stérilisations illégales. 

Une autre experte s'est inquiétée que des lits-cages sembleraient encore exister dans certains hôpitaux; une femme internée en hôpital psychiatrique et placée durant deux mois dans un lit-cage se serait suicidée en 2006.  Il semblerait en outre que des personnes hospitalisées pour des troubles psychiatriques graves, souvent en raison de traumatismes vécus dans leur enfance, fassent l'objet de traitements qui peuvent les traumatiser de nouveaux.  Après avoir fait état de témoignages selon lesquelles des patients psychiatriques déshydratés avaient dû s'humidifier les lèvres avec leur urine, l'experte s'est enquise des mécanismes existants permettant aux personnes placées en détention psychiatrique de porter plainte.

Un expert s'est enquis du taux de suicide parmi les prisonniers en République tchèque et a voulu savoir si une étude sur le sujet aurait été menée dans ce pays. 

Les étrangers en attente d'expulsion doivent parfois attendre 180 jours avant d'être expulsés; dans ce contexte, qu'en est-il des conditions dans les centres dans lesquels ils sont placés en attendant?  Un autre expert a estimé qu'il y un problème en République tchèque quant à la définition des personnes considérées comme apatrides.  Dans quels cas une personne peut-elle perdre sa nationalité tchèque (acquisition d'une autre nationalité ou autre), s'est en outre enquis l'expert?  Il a enfin voulu savoir comment il fallait interpréter la disposition selon laquelle l'expulsion administrative des étrangers pouvait être interrompue pour des raisons humanitaires s'il y a un «impact sur la vie de la famille».

Plusieurs membres du Comité ont soulevé la question des castrations chirurgicales; leur nombre a certes beaucoup diminué, de nombreux hôpitaux psychiatriques n'y ayant plus recours, mais le pays ne semble pas être parvenu à une interdiction totale de cette pratique, a relevé un expert. 

Plusieurs experts ont également dénoncé la pratique consistant à faire supporter par le prisonnier une partie des frais de son incarcération, l'un d'eux estimant que cette pratique équivalait à une double peine.


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