Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entame l'examen du rapport de la Fédération de Russie

09 novembre 2012

Comité contre la torture

9 novembre 2012

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport de la Fédération de Russie sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Georgy Matyushkin, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a souligné que la Convention prime sur le droit interne et a précisé que toutes les autorités de l'État et des municipalités ont l'obligation d'appliquer les dispositions de la Convention, sans limitation aucune.  La torture et autres actes prohibés par la Convention sont poursuivis en vertu du Code pénal, quels que soient le statut et la position officielle de l'auteur présumé.  Par ailleurs, un système d'inspection des lieux de détention a été mis sur pied en 2008 par des comités de contrôle public qui conduisent chaque année plus de 1500 visites.  Les autorités russes ont poursuivi leur politique visant à réduire le nombre de personnes détenues dans les centres de détention avant jugement, ainsi que le nombre de personnes purgeant une peine.  En 2011, le nombre d'ordres de détention émanant des tribunaux avait baissé de 25% par rapport à 2009 et de près de 40% par rapport à 2007. 

La délégation russe était composée d'autres représentants du Ministère de la justice, ainsi que du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la défense, du Service pénitentiaire fédéral, du Service fédéral des migrations et du bureau du Procureur général.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, Mme Felice Gaer, s'est inquiétée de la règle par laquelle un détenu ne peut contacter un membre de sa famille que par le truchement d'un agent de police, ainsi que de la procédure qui exige qu'un avocat obtienne une autorisation écrite du juge instructeur pour s'entretenir avec son client en garde à vue ou en détention provisoire.  Elle s'est par ailleurs enquise du sort de M. Alexei Sokolov; des suites de l'affaire Sergei Magnitsky; ou encore de l'état d'avancement de l'enquête dans l'affaire Politkovskaya.  Elle a également demandé si des enquêtes ont été menées sur les décès de Roms dans les commissariats de police, sur le passage à tabac de Tadjiks, sur les harcèlements contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et sur les mauvais traitements contre les personnes ayant participé aux manifestations du 6 mai 2012.

Le corapporteur, M. Alessio Bruni, s'est notamment inquiété d'informations sur des lieux de détention provisoires secrets utilisés avant l'enregistrement d'une personne arrêtée dans un lieu de détention officiel.  Il s'est en outre inquiété du nombre important de détentions en isolement, ainsi que du nombre de suicides en détention et de l'augmentation constante du nombre de plaintes déposées pour torture et mauvais traitements en garde à vue.  D'autres membres du Comité se sont inquiétés que la torture ne semble pas incriminée en tant qu'infraction autonome dans le droit pénal russe.  Un expert a constaté un phénomène de disparitions forcées dans le Nord Caucase et en République de Tchétchénie.  Un autre a relevé que la définition du crime de trahison comprend désormais le fait de porter assistance à un État étranger ou à une organisation internationale dans le but de porter atteinte à l'État et s'est inquiété que cette disposition puisse servir à punir des personnes ayant fourni des informations au Comité.  Des préoccupations ont également été exprimées s'agissant de la situation dans les hôpitaux psychiatriques ou encore de la stérilisation forcée des transsexuels.

Le Comité entendra lundi après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation russe aux questions des experts.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation du Gabon aux questions qui lui ont été posées hier matin.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de la Fédération de Russie (CAT/C/RUS/5), M. GEORGY MATYUSHKIN, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a assuré que les autorités russes n'ont de cesse d'assurer que la Convention contre la torture s'applique effectivement sur l'ensemble du territoire de la Fédération de Russie.  Elles sont en outre très intéressées par les avis et recommandations que le Comité pourrait leur adresser s'agissant de la mise en œuvre des dispositions de la Convention dans le cadre législatif et les pratiques d'application de la loi en Fédération de Russie.

D'après la Constitution russe, la Convention contre la torture prime sur le droit interne, lequel prévoit, tout comme la Convention, l'interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a souligné le Vice-Ministre de la justice.  Il a précisé que toutes les autorités de l'État et des municipalités ont l'obligation d'appliquer les dispositions de la Convention, sans limitation aucune.  La torture et autres actes prohibés par la Convention sont poursuivis en vertu du Code pénal, quels que soient le statut et la position officielle de la personne ayant commis une telle infraction.

Les autorités russes ont poursuivi leur politique visant à améliorer la législation nationale et la pratique en matière d'application de la loi afin de réduire le nombre de personnes détenues dans les centres de détention avant jugement durant la phase avant procès de la procédure pénale, ainsi que le nombre de personnes purgeant leur peine dans des lieux de privation de liberté, a poursuivi M. Matyushkin.  Selon les données statistiques, a-t-il indiqué, en 2011, le nombre d'ordres de détention (en tant que mesure de contrainte) émanant des tribunaux avait baissé de 25% par rapport à 2009 et de près de 40% par rapport à 2007.  Les mesures de contrainte n'impliquant pas l'isolement d'une personne du reste de la société sont utilisées plus fréquemment durant la phase d'enquête préliminaire, a précisé le Vice-Ministre.  Afin d'encourager cette pratique, le Code de procédure pénale a été amendé afin d'exclure la possibilité d'imposer le placement en garde en vue à des personnes accusées de nombreux crimes économiques.

Parallèlement, a poursuivi M. Matyushkin, la Fédération de Russie s'efforce d'évoluer vers une plus grande humanisation des sanctions pénales.  Depuis 2010, a-t-il précisé, une nouvelle forme de sanction n'impliquant pas l'isolement de la personne du reste de la société a été promue: la limitation de liberté.  Elle consiste à obliger une personne condamnée à respecter certaines restrictions (ne pas quitter le domicile à certains moments de la journée, ne pas participer à des événements de masse sans le consentement d'un organe public spécialisé, par exemple).  Ces dix-huit derniers mois, a précisé le Vice-Ministre de la justice, plus de 36 000 personnes reconnues coupables ont été condamnées à ce type de sanctions.  À compter de 2013, un autre type de sanction sera introduit, à savoir le travail obligatoire.  Ce type de sanction constitue une alternative à la privation de liberté et ce travail obligatoire sera effectué par des condamnés dans des centres pénitentiaires spéciaux.

Le Vice-Ministre de la justice a ensuite attiré l'attention sur la mise sur pied en 2008 du système d'inspection des lieux de détention par des comités de contrôle public.  Le nombre de membres de ces comités est d'environ 700, a-t-il précisé.  Ces comités conduisent chaque année plus de 1500 visites dans des lieux de détention sans avoir à recevoir d'autorisation spéciale de l'administration de chaque établissement concerné.  Ainsi, la loi de 2008 portant création de ces comités a-t-elle institué en Fédération de Russie, dans la pratique, un mécanisme national de prévention des violations potentielles des droits des citoyens dans ce domaine, a affirmé M. Matyushkin.  Il a en outre fait part des mesures prises afin de favoriser les recours internes contre une durée irraisonnable de la procédure judiciaire, y compris dans les affaires pénales.  Ainsi, les autorités russes sont-elles confiantes que les efforts actuellement déployés contribueront à améliorer encore davantage les pratiques en termes de législation et d'application des lois afin de mieux protéger les droits conventionnels des citoyens au niveau national.

Questions et observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, a souhaité savoir si le Gouvernement avait l'intention d'amender la règle relative au droit du détenu de contacter un membre de sa famille afin que de permettre au détenu de contacter lui-même, et non par le truchement d'un agent de police, un membre de sa famille ou un proche.  De la même manière, la procédure qui exige qu'un avocat obtienne une autorisation écrite du juge instructeur pour s'entretenir avec son client en garde à vue ou en détention provisoire va-t-elle, elle aussi, être amendée?  Chacun sait que la garde à vue et la détention provisoire constituent des périodes durant lesquelles le détenu est particulièrement vulnérable, a-t-elle rappelé.  Des agents de police ont-ils été soumis à des mesures disciplinaires pour n'avoir pas contacté un proche de détenus ou autorisé le contact d'un détenu avec un avocat durant la période couverte par le présent rapport, a insisté Mme Gaer?

La rapporteuse a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet des fréquentes visites effectuées par les procureurs dans les prisons.  Elle a aussi voulu savoir si le Médiateur avait pu déceler des violations lors de visites effectuées dans les prisons.  Selon certaines informations, le Médiateur ne peut pas toujours se rendre dans les centres pénitentiaires éloignés des capitales régionales, faute de moyens, et l'experte a voulu savoir quelles mesures sont prises pour renforcer le financement des bureaux régionaux du Médiateur.

Mme Gaer s'est ensuite enquise du sort de M. Alexei Sokolov.  Elle a également demandé le nombre de demandes de poursuites au pénal transmises aux autorités fédérales par les comités de contrôle public qui auraient donné lieu à l'ouverture d'une instruction.

Il semblerait qu'aucun responsable n'ait été traduit en justice dans l'affaire Sergei Magnitsky, qui est mort depuis maintenant deux ans, a poursuivi Mme Gaer.  Pourquoi une enquête pénale dans cette affaire n'a-t-elle pas été ouverte?

Relevant que certaines statistiques fournies par le pays ne concernent apparemment que les seuls cas de torture à l'encontre du personnel pénitentiaire, la rapporteuse a souhaité obtenir des renseignements sur les cas de torture dans les locaux de la police.  Qu'en est-il des mesures prises pour prévenir toute brutalité dans les locaux de la police, a-t-elle demandé?  La rapporteuse a en outre souhaité connaître le nombre de cas où les juges russes ont déclaré irrecevables des aveux parce qu'ils avaient été obtenus sous la torture.

Après avoir noté que les tribunaux russes semblent avoir reconnu que les défenseurs des droits de l'homme sont vulnérables et ont parfois besoin de protection, Mme Gaer a souhaité savoir où en était l'affaire Politkovskaya. 

La loi sur les organisations non gouvernementales – à l'instar de la loi sur les extrémistes – est extrêmement troublante, a poursuivi la rapporteuse: elle stipule que les organisations qui bénéficient de financements étrangers doivent s'identifier clairement comme agents étrangers.

S'agissant des minorités rom et tadjike, des migrants, ainsi que des militants pacifistes et de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre, Mme Gaer s'est enquise des mesures prises pour enquêter sur les décès de Roms dans les commissariats de police, sur le passage à tabac de Tadjiks, sur les harcèlements contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et sur les mauvais traitements contre les personnes ayant participé aux manifestations du 6 mai 2012.

M. ALESSIO BRUNI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, s'est enquis du délai maximal de la détention au secret.  Il s'est inquiété d'informations laissant apparaître que, puisque la loi interdit la torture, il arrive que des agents chargés de l'application des lois amènent un détenu dans un lieu de détention provisoire secret et le ramènent ensuite dans un lieu de détention officiel de manière à ce que tout mauvais traitement susceptible d'être détecté soit considéré comme étant intervenu avant la détention. 

Le corapporteur a rappelé qu'il avait été recommandé à la Fédération de Russie d'adopter une politique de tolérance zéro à l'égard du problème récurrent du bizutage; or, apparemment, une telle politique n'est pas appliquée.  Ce phénomène est absolument déshonorant pour l'armée russe, a-t-il dit, déplorant que le problème n'ait pas encore été résolu.  Il a estimé qu'il faudrait prévoir l'expulsion automatique de l'armée des auteurs de tels agissements.

M. Bruni a par ailleurs souhaité être informé au sujet de l'intention exprimée par la Fédération de Russie en 2010 de revoir la loi de 1993 sur les réfugiés afin de tenir compte des dispositions de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et de la Convention contre la torture.

Le corapporteur s'est en outre inquiété du nombre important de détentions en isolement dans les prisons.  Pour la seule année 2009, quelques 20 000 détenus ont été placés en détention en isolement pour violation du règlement carcéral.  Que faut-il entendre par centres correctionnels à régime spécial, a en outre demandé M. Bruni?  Il a par ailleurs souhaité connaître le taux d'occupation des prisons en Fédération de Russie.

M. Bruni s'est inquiété de l'augmentation constante, entre 2004 et 2009, du nombre de plaintes déposées pour mauvais traitements en garde à vue.  Quant au nombre de plaintes pour torture en garde à vue, il est passé de 4 en 2004 à 90 en 2009, a-t-il relevé.  En outre, le nombre de suicides en détention est passé de 343 en 2005 à 445 en 2009.  Que font les autorités pour remédier à ce phénomène?

S'agissant de la situation dans la République de Tchétchénie de la Fédération de Russie, M. Bruni a relevé que depuis 2001, le Comité européen pour la prévention de la torture a publié trois déclarations concernant, notamment, des allégations dignes de foi de mauvais traitements par des agents de sécurité.

Un autre membre du Comité a relevé que la définition de la torture figure dans le Code pénal sous forme de note à l'article 117 et non sous forme de disposition distincte, de sorte que le statut de cette disposition n'est pas clair.  De la même manière, un expert s'est inquiété que la torture en tant qu'infraction autonome ne soit pas incriminée dans le droit pénal russe.
 
Une experte a relevé que la définition de la trahison a été remaniée dans le Code pénal russe et comprend désormais le fait de porter assistance à un État étranger ou à une organisation internationale dans le but de porter atteinte à l'État russe.  Elle a souhaité obtenir des assurances que cette disposition ne servira jamais à punir des personnes ayant fourni des informations à l'ONU et en particulier au Comité contre la torture.  L'experte s'est en outre inquiétée de la situation dans les hôpitaux psychiatriques de la Fédération de Russie.  Elle a souhaité savoir si des enquêtes ont été menées concernant des violations survenues lors d'interventions policières contre les Roms, et fait observer que des informations font en effet état de décès et de mauvais traitements dans ce contexte.  L'experte a également soulevé la question de la stérilisation forcée des transsexuels.

Un expert a fait observer que les comités de contrôle public doivent annoncer à l'avance une inspection des lieux de détention.

Un autre expert a fait état du problème des disparitions forcées dans le Nord Caucase et en République de Tchétchénie; à ce jour, quelque 427 plaintes ont été déposées et aucune n'a apparemment fait l'objet d'enquête.  Dans ce contexte, il s'est demandé s'il ne serait pas judicieux de créer un registre national de plaintes pour disparitions forcées.  L'expert s'est en outre inquiété que des délits administratifs, qui par définition ne sont pas des délits pénaux, puissent donner lieu à la détention d'une personne jusqu'à 15 jours.
 
Un membre du Comité s'est inquiété des statistiques du bureau du Procureur concernant le nombre de décès dans des lieux de privation de liberté en Fédération de Russie.  Qu'en est-il des enquêtes menées sur ces cas, a-t-il demandé?

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :