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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de l'Australie

11 novembre 2014

11 novembre 2014

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de l'Australie sur les mesures qu'elle a prises en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Représentant permanent de l'Australie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, M. John Quinn, a indiqué que depuis la présentation du dernier rapport de l'Australie devant le Comité en 2008, son pays avait introduit en 2010 un délit spécifique de torture dans son code pénal, ainsi que l'avait recommandé le Comité dans ses observations finales. Dans le cadre des délits relatifs à la traite des personnes, il a indiqué que le code pénal avait été durci l'an dernier et que la protection des témoins avait été renforcée. En matière d'immigration et face au nombre croissant de naufragés, les autorités ont veillé à renforcer les politiques de protection des migrants et demandeurs d'asile tout en cherchant à prévenir leur exploitation par les passeurs. Toutefois, pour que la protection des victimes d'abus et d'exploitation soit viable, le renvoi des personnes ne nécessitant pas de protection particulière doit être l'autre volet fondamental de toute politique, a observé le représentant. Il a aussi indiqué que le Parlement australien s'était doté d'une nouvelle commission chargée d'évaluer la législation fédérale à la lumière des engagements internationaux du pays, y compris le respect de la Convention contre la torture. M. Quinn a assuré par ailleurs que son pays était engagé en faveur de l'amélioration de la condition des aborigènes, avec la création d'un Conseil consultatif autochtone.

La délégation australienne était également composée de représentants du Ministère de l'immigration et de la protection des frontières, du Ministère de la justice, ainsi que du Ministère des affaires étrangères et du commerce. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la surreprésentation des aborigènes en institution pénitentiaire, de la violence domestique, des mesures prises contre l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre, notamment envers les migrants. La délégation a notamment souligné que des mesures - de retour à l'emploi en particulier - avaient été prises en faveur des populations autochtones. Des alternatives à la détention sont promues dans le cadre de la justice juvénile. En matière de migration et de lutte contre la traite, la politique gouvernementale vise à dissuader les candidats à l'émigration à entreprendre des voyages périlleux en mer. Bien que l'Australie considère que la violence conjugale ne relève pas de la Convention, la délégation a indiqué que le Gouvernement, dans le cadre d'une politique de tolérance zéro, avait lancé un Plan national de réduction de la violence contre les femmes et les enfants.

Les rapporteurs du Comité pour l'examen du rapport étaient M. Claudio Grossman, par ailleurs Président du Comité, et M. Kening Zhang, qui se sont félicités de l'introduction du crime de torture dans le Code pénal. Ils ont jugé très importantes les garanties prévues en matière de non-refoulement des demandeurs d'asile, ainsi que la reconnaissance constitutionnelle des autochtones. Ils se sont félicités de la création de la commission parlementaire sur les droits de l'homme, dont l'avis est requis pour toute présentation de projets de loi. S'agissant des migrants, ils se sont inquiétés de la disposition qui prévoit leur «détention obligatoire», en particulier en ce qui concerne les mineurs. Ils ont aussi noté les délais semble-t-il excessifs dans le traitement des demandes d'asile s'agissant des personnes dans les centres de rétention extraterritoriaux gérés par l'Australie. Les experts se sont aussi inquiétés d'une définition beaucoup trop large du terrorisme prévue par la loi. Ils se sont vivement inquiétés de la surreprésentation des aborigènes dans les prisons.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur l'Australie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 28 novembre prochain.


Le Comité entamera, le mercredi 12 novembre à 10 heures, en salle XVII du Palais des Nations, l'examen du rapport des États-Unis (CAT/C/USA/3-5) avant de conclure dans l'après-midi l'examen du rapport du Burundi (CAT/C/BDI/2) au Palais Wilson.

Présentation du rapport de l'Australie

Le rapport de l'Australie (CAT/C/AUS/4-5), est soumis conformément à la procédure facultative d'établissement de rapports et répond à ce titre à une liste de points à traiter (CAT/C/AUS/Q/5) préparée par le Comité.

M. JOHN QUINN, Représentant permanent de l'Australie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a d'abord rappelé la structure fédérale de son pays et ses conséquences dans l'application des traités internationaux. «Cela signifie que neuf gouvernements partagent la responsabilité de mettre en œuvre la Convention contre la torture», a-t-il expliqué. «Cela implique une concertation étroite», entre le gouvernement fédéral et les six États fédérés et deux territoires autonomes, a-t-il observé. Le gouvernement central coopère aussi étroitement avec la Commission australienne des droits de l'homme. L'Australie reconnaît le rôle important de la société civile dans la mise en œuvre de la Convention. M. Quinn a indiqué que depuis la présentation du dernier rapport de l'Australie devant le Comité en 2008, son pays avait introduit en 2010 un délit spécifique de torture dans son code pénal, ainsi que l'avait alors recommandé le Comité dans ses observations finales.

Dans le cadre les délits relatifs à la traite des personnes, il a assuré que son gouvernement suivait une approche efficace et globale pour y mettre un terme ainsi qu'à l'esclavage et aux mariages forcés. Le code pénal a été durci à cette fin en 2013 et la protection des témoins a été renforcée. Il a par ailleurs indiqué que l'Australie avait financé à hauteur de 150 millions de dollars toute une gamme d'initiatives nationales, régionales et internationales pour lutter contre la traite.

En matière d'immigration, le gouvernement demeure fortement engagé en faveur d'un régime international de protection qui soit à la fois fort et efficace. Reconnaissant le caractère de plus en plus complexe de la question et des défis qu'elle pose, M. Quinn s'est félicité que son pays ne soit pas seul, bénéficiant de la coopération de ses partenaires. Face au nombre croissant de naufragés, les autorités ont veillé à renforcer ses politiques de protection des migrants et demandeurs d'asile tout en cherchant à prévenir leur exploitation par les passeurs. Le nombre de places dans le cadre d'un «Programme humanitaire spécial» est passé de 500 à 5000 en deux ans, l'objectif étant d'en ouvrir 13 750. En 2014-2015, un minimum de 2200 places ont été réservées aux ressortissants iraquiens fuyant leur pays, en réponse à l'appel en ce sens lancé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Toutefois, pour que la protection des victimes d'abus et d'exploitation soit viable, le renvoi des personnes ne nécessitant pas de protection particulière doit être l'autre volet fondamental de toute politique, a observé le représentant de l'Australie.

Celui-ci a aussi indiqué que le Parlement australien s'était doté d'une nouvelle commission chargée d'évaluer toute la législation fédérale à la lumière des engagements internationaux du pays, y compris le respect de la Convention contre la torture. Cette «Commission conjointe parlementaire sur les droits de l'homme» (Parliamentary Joint Committee on Human Rights) a été créée en 2012. En outre, tout projet de texte doit faire l'objet d'une «déclaration de compatibilité» (Statement of Compatibility) avec les obligations internationales de l'Australie.

M. Quinn a assuré que son pays était engagé en faveur de l'amélioration de la condition des aborigènes. La gestion de ces questions a été renforcée avec en particulier la création d'un Conseil consultatif autochtone auprès du premier ministre. Il s'agit de parvenir à terme à une reconnaissance constitutionnelle des aborigènes. Ces initiatives se font en concertation étroite avec les États et les territoires. Un budget de 4,8 milliards de dollars sur quatre ans a été prévu en faveur de la «Stratégie de promotion autochtone» (Indigenous Advancement Strategy). Mettant l'accent sur l'éducation et l'emploi, celle-ci vise essentiellement à scolariser les enfants et permettre aux adultes de travailler. Les autorités ont aussi pour priorité de combler le fossé séparant les aborigènes du reste de la population, notamment en matière de sécurité. Il s'agit en particulier de réduire la prévalence des poursuites en justice contre les membres de la communauté aborigène, a indiqué M. Quinn.

Le représentant australien a reconnu en conclusion que l'on pouvait toujours faire davantage pour la mise en œuvre des obligations de l'Australie en vertu de la Convention. Le pays est déterminé à évaluer sans relâche ses politiques pour s'assurer qu'elles sont conformes et pertinentes à la mise en œuvre des engagements pris.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité et rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie en ce qui concerne les articles 1 à 9 de la Convention, s'est félicité de l'introduction du crime de torture dans le code pénal, notant que celui-ci était passible d'une peine de vingt ans de réclusion. Il a aussi jugé très importantes les garanties en matière de non-refoulement des demandeurs d'asile, ainsi que la reconnaissance constitutionnelle des autochtones. Il s'est félicité de la création de la commission parlementaire sur les droits de l'homme dont l'avis est requis pour toute présentation de projets de loi. S'agissant de la loi antiterroriste, il s'est félicité que l'auteur éventuel d'actes de torture ne peut en aucun cas bénéficier de l'impunité. On ne peut admettre le terrorisme, mais on ne saurait pas davantage accepter la torture, a-t-il souligné, rappelant que certaines législations en la matière ailleurs dans le monde avaient donné lieu à des dérives. Il s'est aussi félicité du rôle de la société civile australienne, rappelant que le Comité s'appuyait sur les informations fournies par les organisations non gouvernementales.

M. Grossman a ensuite abordé la question des migrants arrivant par voie maritime. S'il a constaté des progrès, certaines pratiques vont à l'encontre de la jurisprudence du Comité. Il s'est inquiété du recours à la «détention obligatoire» dans ce contexte, estimant que l'association de ces deux termes était contraire aux droits de l'homme. Ces personnes ont-elles une possibilité de recours pour contester leur placement en détention? Le Comité souhaite avoir davantage de précisions sur le traitement des demandes d'asile et sur la longueur semble-t-il excessive des délais. Le transfert des cas de demande d'asile en dehors du territoire australien, sur l'île de Nauru notamment, semble problématique, ces centres de détention extraterritoriaux étant gérés néanmoins par l'Australie. Le pays ne peut donc se dédouaner de ses responsabilités même si les incidents signalés dans ces camps – y compris des décès – se produisent dans des installations ne relevant pas de la souveraineté australienne.

En juillet 2013, 766 enfants étaient détenus dans ces centres de rétention, à Nauru et dans l'île Christmas notamment. Le Comité demande la libération de ces mineurs. Les enfants doivent être hébergés dans des familles et bénéficier d'une éducation. L'Australie a-t-elle l'intention de mettre un terme à cette situation? S'agissant du principe de non-refoulement, le Président-Rapporteur a cité le cas de Sri-Lankais renvoyés de force dans leur pays où leur sécurité n'était garantie en aucune manière et auraient de fait subi des violences à leur retour. Il a demandé par ailleurs combien de passeurs avaient été appréhendés. M. Grossman s'est aussi inquiété de la politique en matière de visas, ainsi que de l'absence de possibilités de regroupement familial.

Quant à la question de la violence à l'égard des femmes, l'Australie semble considérer que celle-ci n'est pas couverte par la Convention, ce qui inquiète particulièrement le Comité. La violence domestique ne semble ainsi pas faire l'objet d'une politique de prévention. De nombreuses femmes aborigènes semblent touchées de manière disproportionnée par cette violence. M. Grossman a par ailleurs souligné que les États violaient la Convention lorsqu'ils se montraient incapables d'empêcher la violence à l'égard des femmes, ou de proposer des réparations ou une réhabilitation aux victimes.

L'expert a demandé des statistiques quant au nombre de cas de détention à l'isolement. Il a parlé par ailleurs de la discrimination en vertu de l'orientation sexuelle, notamment en prison. Quant aux jeunes en détention provisoire, il a rappelé qu'ils étaient considérés comme innocents tant qu'ils n'avaient pas été jugés. L'Australie a-t-elle des propositions pour trouver des modes d'incarcération plus adaptés à leur cas, constatant un manque criant de foyers d'accueil. Il s'est particulièrement inquiété de la tendance populiste à l'incarcération systématique des délinquants, au détriment de la recherche d'une alternative à la détention. Qu'en est-il par ailleurs de la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, a-t-il demandé. L'Australie envisage-t-elle d'y adhérer?

M. Grossman s'est inquiété d'une définition beaucoup trop large du terrorisme dans la législation australienne, encourageant l'Australie à entériner les recommandations du Comité des droits de l'homme à ce sujet. Combien de temps une personne peut-elle être détenue avant d'être présentée à un juge, a-t-il enfin demandé. Il a souhaité avoir plus de précisions chiffrées sur la violence contre les personnes vulnérables en détention, les autochtones en particulier. Il a aussi demandé des précisions sur les mesures prises dans la lutte contre les discriminations dans le cadre de la loi.

Le Président du Comité a par la suite souhaité savoir où en était la reconnaissance des peuples autochtones et à quelle échéance elle pourrait être actée. Il s'est aussi enquis de l'état d'avancement de l'adhésion au Protocole facultatif à la Convention, rappelant que l'Australie s'était engagée à le ratifier lors de l'Examen périodique universel.

S'agissant des migrations, M. Grossman s'est interrogé sur le renforcement de la protection des frontières et sur ses retombées sur le principe de non-refoulement. Il a aussi soulevé le cas des personnes renvoyées vers Sri Lanka, souhaitant savoir si toutes les garanties avaient été prises et si des trafiquants avaient été appréhendés lors de cette opération. Il a admis que tout pays avait le droit de se protéger, tout en s'interrogeant sur la pratique d'une détention obligatoire de toute personne arrivant par la mer, rétention qui peut atteindre jusqu'à deux ans, avec tous les problèmes que cela pose.

M. KENING ZHANG, rapporteur pour l'examen du rapport de l'Australie en ce qui concerne les articles 10 à 16 la Convention, a constaté que les conditions sanitaires des détenus n'étaient pas satisfaisantes en comparaison du reste de la population, particulièrement en matière de santé mentale. Par ailleurs, selon une organisation non gouvernementale, les aborigènes sont quinze fois plus de risque d'être incarcérés, au point où ils constitueraient parmi les détenus un homme sur quatre, et une femme sur trois. Les jeunes aborigènes sont aussi beaucoup plus susceptibles de se retrouver derrière les barreaux. Que fait le Gouvernement pour réduire la surreprésentation des aborigènes dans les prisons, a-t-il demandé. Quelles mesures ont été prises pour que les États et les territoires appliquent les dispositions fédérales relatives à l'amélioration des conditions carcérales? M. Zhang a aussi évoqué la question des alternatives à la détention, souhaitant savoir ce qu'envisageaient les autorités pour les développer.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a dit qu'il semblait que ces alternatives étaient rarement appliquées. Un autre a mentionné le pourcentage de 30% des demandeurs d'asile qui seraient victimes de mauvais traitements en Europe et souhaité savoir si l'Australie disposait de données dans ce domaine. Il a notamment mentionné le risque de représailles de la part des gardiens des centres de rétention. Un membre du Comité a souhaité savoir si l'Australie envisageait de fermer certains d'entre eux, celui de Nauru en particulier. S'agissant du suicide en prison, un fléau courant dans de nombreux pays, il a demandé quelles étaient les conditions de détention dans les «cellules antisuicide» mentionnées dans le rapport. Il s'est également dit très préoccupé que les décès en prison concernent en premier lieu les aborigènes.

S'agissant de l'usage de la force par la police, parfois excessif selon certaines informations, les autorités ont-t-elles une politique de formation des agents pour limiter ces dérives? Un expert a demandé s'il était envisagé d'assurer un meilleur contrôle indépendant des centres de détention et de rétention. Un autre a demandé comment était assurée l'indépendance des procédures d'enquête en cas de bavure. Comment la police des polices fonctionne-t-elle? Il a cité le cas d'un membre des forces de l'ordre condamné et exclu de la police pour neuf agressions, souhaitant savoir en vertu de quels chefs d'accusation il avait été jugé et si la torture avait été mentionnée spécifiquement. Il a aussi demandé quelle était la position du Gouvernement australien face aux possibilités de détention illimitée sans jugement et sans le mandat d'un juge pour les suspects de terrorisme. Il a rappelé que la Commission australienne des droits de l'homme avait demandé qu'une limite soit fixée à cette possibilité.

Une experte a demandé à la délégation ce qui était fait en matière de violence domestique, en particulier envers les personnes handicapées, alors que celles-ci ne sont souvent pas en mesure de porter plainte. Elle s'est inquiétée des cas de stérilisation forcée: tout en se félicitant que cette pratique ait été abolie, elle a demandé ce qui était prévu en matière de réparations.

Un membre du Comité s'est félicité de la richesse de la société civile australienne et demandé si les autorités exploitaient pleinement ses connaissances et son savoir-faire. Que font les autorités pour faire pleinement participer la société civile à leurs projets? Il a demandé au passage ce qu'il en était du projet de loi sur la lutte contre la discrimination.

Une experte a évoqué la tendance à la hausse de l'incarcération des femmes, plus particulièrement des aborigènes. Les autorités en connaissent-elles les causes? Une autre a évoqué la possibilité de détention indéfinie des apatrides, se demandant comment l'Australie la justifiait. Quant aux arrivées de migrants sur l'île Christmas, elle s'est demandé de quelle autorité ils relevaient, l'Australie semblait considérer que ce territoire ne relevait pas de sa juridiction. Elle s'est inquiétée de l'impunité, sous prétexte d'un manque de preuves, dont ont bénéficié les tortionnaires ayant maltraité les auteurs présumés de l'assassinat d'un soldat australien en Afghanistan.

Un membre du Comité a rappelé que le risque de torture, même minime, devait suffire à ne pas extrader un demandeur d'asile. Il a souhaité avoir des statistiques sur le nombre de recours introduits.

Un autre membre du Comité a estimé que l'Australie s'en remettait à des États tiers pour gérer les flux migratoires la concernant. Il a demandé comment les autorités mesuraient la probabilité des risques encourus par un demandeur d'asile en cas de renvoi, celles-ci semblant accepter ainsi un «risque acceptable», ce qui contredit le principe de non-refoulement. Si un requérant présente un risque, aussi minime soit-il, de subir des représailles en cas de renvoi dans son pays, alors on ne devrait pas le renvoyer, a-t-il souligné. Il s'est interrogé aussi sur les cellules «anti-suicide» créées par l'Australie, se demandant à quoi elles ressemblaient. Un autre expert s'est interrogé sur l'utilité d'un référendum préalable à la reconnaissance des peuples autochtones dans la Constitution.

Réponses de la délégation

Bien que l'Australie considère que la violence conjugale ne relève pas des dispositions de la Convention, cela ne signifie évidemment pas qu'elle soit tolérée de quelque façon que ce soit. Le gouvernement, qui a une politique de tolérance zéro à cet égard, a alloué un budget de 200 millions de dollars australiens dans le cadre d'un Plan national de réduction de la violence contre les femmes et les enfants. Il s'agit d'une stratégie s'appuyant sur les associations de la société civile dans tout le pays et qui se décline en quatre plans d'action triennaux de 2010 à 2022. Le deuxième plan action, qui court jusqu'en 2016, a été lancé par le Premier Ministre en juin dernier. Les autorités reconnaissent un problème spécifique s'agissant des femmes autochtones. Le plan national prend en compte cet aspect du problème dans sa reconnaissance de la diversité des besoins et expériences des femmes – autochtones mais aussi handicapées, jeunes, ou d'origine culturelle et linguistique diverse. La Stratégie de promotion autochtone fournit, dans le cadre de son programme de sécurité et de bien-être, des services juridiques et de prévention, d'assistance aux victimes et de promotion de l'éducation. Le Gouvernement est déterminé à abattre les obstacles qui subsistent pour dénoncer la violence domestique.

En matière de migration et de lutte contre la traite, la politique gouvernementale vise à dissuader les candidats à l'émigration à entreprendre de périlleux voyages en mer et, le cas échéant, à les secourir. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre les passeurs, la délégation indiquant que 354 individus avaient été condamnés pour ce délit depuis septembre 2008. Par ailleurs, les victimes présumées de la traite et du travail forcé peuvent demeurer légalement en Australie. Des mesures de protection ont été prises pour que ces victimes soient incitées à témoigner contre les trafiquants d'êtres humains. La délégation a indiqué qu'en septembre dernier, 3314 personnes se trouvaient dans des centres de rétention pour immigrants et 3076 dans des centres communautaires. On s'attend à ce que le nombre de personnes en centres de rétention, qui a diminué de près de moitié par rapport à 2013, diminue encore fortement dans les prochains mois grâce au recours accru à la formule «communautaire» et à la délivrance de visas. On prévoit par ailleurs dans les prochains mois une forte diminution du nombre de mineurs détenus. L'Australie considère que les cas de Nauru et de la Papouasie Nouvelle-Guinée relèvent de la souveraineté de ces territoires, même si elle contribue au fonctionnement des centres de rétention qui y sont installés. L'Australie estime que la détention migratoire est un élément essentiel du contrôle des frontières. Les efforts se poursuivent pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention, y compris l'accès aux soins de santé de qualité. Tous les enfants se voient fixer des objectifs d'éducation adaptés à leurs besoins et des activités culturelles et familiales sont prévues à leur intention.

Les demandeurs d'asile par «voie maritime illégale» peuvent demander à être transférés vers un pays avec lequel l'Australie a des accords. Ces arrivées illégales par mer sont en principe soumises à l'obtention de visas dits «de protection». Par ailleurs, le nombre de demandes d'asile acceptées a dépassé les 9000 ces douze derniers mois. S'agissant de l'extradition, l'Australie n'expulse jamais vers un pays où la peine de mort risque d'être appliquée, conformément à son opposition de longue date à la peine capitale.

Répondant à des questions complémentaires, la délégation a souligné que la traite des personnes constitue un fléau mondial et assuré le Comité que les intérêts des victimes étaient pleinement pris en compte. Elle a précisé qu'un programme de passage au crible des personnes arrivant par bateau avait été mis en place. Une procédure rigoureuse est en place prévoyant le renvoi des personnes n'ayant pu obtenir le droit de demeurer en territoire australien. S'agissant des risques encourus en cas de renvoi dans le pays d'origine, ceux-ci sont évalués en termes de probabilités plus ou moins fortes qui déterminent la décision. La délégation a assuré que des soins médicaux étaient couramment fournis dans les centres de rétention, et ce bien souvent 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Elle a précisé que la rétention dite «communautaire» avait pour cadre des maisons ou des appartements, généralement en périphérie des grandes villes, un mode d'accueil croissant pour les migrants en attente de statut qui peuvent ainsi avoir une vie normale leur permettant notamment de scolariser leurs enfants. La majorité des quelque 600 enfants séjournant actuellement dans les centres de rétention fermés seront transférés dans un proche avenir dans ces centres communautaires ouverts. Enfin, s'agissant des territoires tels que Nauru, la fourniture de services par l'Australie ne signifie pas pour autant que celle-ci les contrôle ou qu'elle empiète sur leur souveraineté, a encore indiqué la délégation.

La délégation a déclaré que l'Australie a mis en œuvre ses obligations découlant de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie à travers sa loi sur la citoyenneté. Les apatrides peuvent demander l'octroi de la citoyenneté australienne, le Gouvernement s'étant engagé par ailleurs à identifier plus rapidement les situations d'apatridie. La Cour suprême a autorisé en 2004 le placement en rétention des personnes en situation d'apatridie, afin notamment d'examiner les possibilités éventuelles d'octroi d'un visa australien.

S'agissant des conditions de détention, outre la construction de nouvelles infrastructures, des mesures alternatives à la détention ont été prises pour lutter contre la surpopulation carcérale. La détention au secret est uniquement autorisée pour des raisons disciplinaires, pour une durée d'un mois, et elle doit recevoir l'aval d'un médecin. Les fouilles en prison doivent être effectuées par un membre du personnel pénitentiaire du même sexe que le détenu concerné.

L'usage de la force doit être une mesure d'ultime recours. Une formation obligatoire est dispensée à cet égard à tous les agents de police.

En ce qui concerne la surreprésentation des aborigènes dans le système de justice pénale, la délégation a notamment fait valoir que le nombre de décès d'aborigènes en détention était en diminution, grâce notamment à la mise en œuvre des recommandations de la Commission royale visant à améliorer les mécanismes de plainte contre la police. Ainsi, il n'y a pas eu de décès d'aborigènes en prison depuis l'an dernier, en dehors de causes naturelles. Les autorités se sont engagées à améliorer la condition autochtone. Des programmes d'action publics en faveur de la diminution de l'abus des drogues et d'alcool sont financés par les autorités fédérales. Des actions de formation éducative et professionnelle s'inscrivent dans cette perspective. Tous les niveaux de gouvernement, Gouvernement fédéral, États et territoires, ont adopté la Loi autochtone nationale visant à éliminer les obstacles que rencontrent les autochtones en matière juridique et judiciaire au travers d'initiatives et programmes divers.

Répondant à une question sur la reconnaissance des peuples autochtones dans la Constitution, la délégation a indiqué que divers mécanismes de concertation étaient en place. Il existe un réseau d'une quarantaine d'organisations soutenant la reconnaissance de ces populations. Celles-ci ont été consultées sur cette question ainsi que sur l'adhésion aux traités internationaux et sur les questions de migration. Un panel d'examen a été créé qui a fait un certain nombre de recommandations en faveur de cette reconnaissance et au sujet du référendum devant la précéder. Le référendum sur la Constitution constitue un défi de taille, a ajouté la délégation.

Par ailleurs, le Gouvernement australien a entrepris de réduire le nombre de jeunes confrontés à la justice. Le système judiciaire s'appuie sur deux grands principes qui font partie de la législation des États et des territoires: la détention juvénile doit être une mesure ultime et elle doit être la plus brève possible. Ainsi, ont été favorisées des peines alternatives telles que les travaux d'intérêt général.

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la détention préventive ne peut excéder une semaine, les interrogatoires ne pouvant dépasser huit heures par jour.

Pour ce qui a trait à la stérilisation des personnes handicapées, une telle décision ne peut être prise qu'après l'aval d'un tribunal de tutelle qui doit prendre en compte l'intérêt supérieur de la personne.

La délégation a fait valoir en conclusion que l'importance de sa délégation montrait à quel point la Convention était importante pour son pays. Le processus d'examen est très utile, même si le dialogue est parfois difficile car nous vivons dans un «monde réel», a-t-il observé.

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