Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de l'Ukraine

06 novembre 2014

Comité contre la torture

6 novembre 2014

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de l'Ukraine sur l'application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
 
Le rapport de l'Ukraine a été présenté par le Mme Natalia Sevostianova, du Ministère de la justice,  Agent du Gouvernement de l'Ukraine auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.  Elle a souligné que depuis que le pays a soumis son rapport au Comité, beaucoup a changé en Ukraine, précisant notamment que le nouveau Parlement, le Gouvernement et le Président œuvrent de concert pour l'intégration de l'Ukraine dans l'Union européenne.  Mme Sevostianova a ensuite souligné que «l'occupation du territoire de la République autonome de Crimée par la Fédération de Russie et les actions de cet État en relation avec l'annexion d'une partie du territoire ukrainien constituent non seulement un cas sans précédent de violation flagrante des principes internationaux fondamentaux, mais aussi un défi global dans le domaine humanitaire».  Les citoyens résidant en Crimée ou purgeant une peine dans ce territoire souffrent de violations systématiques des droits et libertés fondamentaux, a-t-elle poursuivi; les citoyens ukrainiens sont forcés de changer de citoyenneté sous la menace; les écoles sont fermées par la force; de nombreuses violations des droits sont commises contre les Tatars de Crimée; de nombreux enlèvements ont été commis.  Elle a aussi souligné que la situation dans les établissements pénitentiaires dans le sud-est de l'Ukraine était «également assez compliquée».  Des personnes non identifiées qui se prétendent «République populaire de Donetsk» et «République populaire de Lougansk» attaquent le personnel pénitentiaire dans le but de prendre possession d'une arme et de libérer certains prisonniers et personnes détenus, a-t-elle expliqué. 
 
La délégation ukrainienne était également composée d'autres représentants du Ministère de la justice, ainsi que de fonctionnaires du Ministre de l'intérieur et des services pénitentiaires.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de l'incrimination de la torture; des plaintes pour violations des droits de l'homme, y compris pour lésions physiques; des règles en matière d'interpellation et de garde à vue; d'infractions à l'encontre de journalistes; de la violence au sein de la famille; des questions d'asile et de migration; ou encore de l'occupation d'une partie du territoire ukrainien.  Sur ce dernier point, la délégation a notamment relevé qu'au 18 août dernier, 1026 signalements de prises d'otages et d'enlèvements de personnes ont été recensés; il y en aurait aujourd'hui plus de 1500, pour les seuls enlèvements signalés officiellement.  La délégation a en outre dénoncé les tortures infligées à des citoyens ukrainiens par des formations armées illégales agissant dans l'est de l'Ukraine. 
 
Les deux rapporteurs pour l'examen du rapport de l'Ukraine étaient M. George Tugushi et M. Alessio Bruni.  M. Tugushi étant empêché de participer aux travaux aujourd'hui, c'est le Président du Comité, M. Claudio Grossman, qui a procédé à une partie de l'examen de ce rapport.  Si le Comité comprend la situation que traverse actuellement l'Ukraine, alors que les autorités ne contrôlent pas la totalité du territoire ukrainien, il est notamment préoccupé par des informations selon lesquelles il y aurait des cas de disparitions dans le pays, ainsi que, par le nombre de 500 cas de torture rapportés par Amnesty International entre avril et juin 2014 dans des régions ne se trouvant pas sous le contrôle effectif de l'Ukraine.  Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la hausse du nombre de décès en détention durant la période couverte par le rapport.  L'attention a également été attirée sur la problématique de la détention illégale et les nombreuses allégations de violations des droits constitutionnels de la part des services du Ministère de l'intérieur, dont bon nombre portent sur des gardes à vue illégales.  Des inquiétudes ont aussi été exprimées sur le grand nombre d'affaires de brutalités policières classées sans suite.
 
Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur l'Ukraine, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 28 novembre prochain.
 
 
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation vénézuélienne aux questions que lui ont adressées les experts ce matin.
 
 

Présentation du rapport de l'Ukraine
 
Présentant le rapport de l'Ukraine (CAT/C/UKR/6), MME NATALIA SEVOSTIANOVA, Agent du Gouvernement de l'Ukraine auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, du Ministère de la justice, a souligné que depuis que le pays a soumis son rapport au Comité, beaucoup a changé en Ukraine.  L'Ukraine est aujourd'hui très différente: il s'agit d'un pays fort doté d'une puissante société civile, a-t-elle assuré.  L'Ukraine, c'est l'Europe: tel était l'un des slogans d'Euromaïdan, qui s'est traduit par des changements politiques majeurs pour le pays, a-t-elle ajouté.  Le Parlement nouvellement élu, le Gouvernement et le Président ukrainiens œuvrent de concert pour un seul et même but: l'intégration de l'Ukraine dans l'Union européenne, a-t-elle insisté, soulignant que pour atteindre cet objectif, de nombreuses réformes doivent être entreprises, en particulier dans le domaine de la protection des droits de l'homme.
 
En 2012, le Parlement ukrainien a adopté un nouveau code de procédure pénale remplaçant l'ancien qui datait des années 1960, a poursuivi Mme Sevostianova.  Le nouveau Code de procédure pénale, qui respecte pleinement les garanties associées au droit à un procès équitable, fournit à chacun un droit égal à la protection, établit des critères clairs en matière d'admissibilité de la preuve et garantit le droit à la défense.  Le paradigme de la peine n'est plus de mise, comme en témoigne le fait que pour les neuf premiers mois de cette année, les tribunaux ont prononcé des acquittements dans 235 affaires, alors que, pour leur part, les procureurs abandonnaient les charges dans 40 affaires, a précisé Mme Sevostianova.
 
En mars 2014, a-t-elle poursuivi, le Gouvernement ukrainien a adopté le programme d'activités du Cabinet des Ministres visant à assurer la protection des droits de l'homme sur la base des principes de primauté du droit, d'ouverture et de transparence des actions des autorités publiques.  Ce programme prévoit notamment une enquête complète concernant les crimes liés aux manifestations massives qu'a connues le pays entre novembre 2013 et février 2014, ainsi que l'adoption de diverses législations concernant, entre autres, le système judiciaire et le statut des juges; les services du procureur; la police; les services pénitentiaires d'État; ou encore les assemblées pacifiques.  En 2011, l'Ukraine a adopté la loi sur l'aide juridique, a en outre fait valoir Mme Sevostianova, assurant qu'à ce jour, l'Ukraine a pleinement résolu la question de l'accès à l'assistance juridique et du droit à la défense dans les procédures pénales.
 
Mme Sevostianova a ensuite attiré l'attention sur la loi relative au bureau du procureur adoptée le 16 octobre dernier, en vertu de laquelle les procureurs se sont vu retirer la prérogative de mener des enquêtes avant procès.  À titre transitoire, et au plus pour cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale (c'est-à-dire jusqu'au 21 novembre 2017 au plus tard), les autorités chargées des poursuites continuent d'appliquer l'enquête avant procès pour certains crimes avant que n'intervienne le Bureau des enquêtes de l'État.
 
Mme Sevostianova a par ailleurs indiqué que les stratégies nationales dans le domaine des droits de l'homme ont été établies par décret présidentiel le 15 octobre dernier.
 
Évoquant les événements en Crimée et dans la partie orientale de l'Ukraine, Mme Sevostianova a déclaré que «l'occupation du territoire de la République autonome de Crimée par la Fédération de Russie et les actions de cet État en relation avec l'annexion d'une partie du territoire ukrainien constituent non seulement un cas sans précédent de violation flagrante des principes internationaux fondamentaux, mais aussi un défi global dans le domaine humanitaire».  Les citoyens résidant en Crimée ou purgeant une peine dans ce territoire subissent une pression incroyable et souffrent de violations systématiques des droits et libertés fondamentaux, a-t-elle poursuivi.  Les citoyens ukrainiens sont à très grande échelle forcés de changer de citoyenneté sous les menaces et la force physique, a-t-elle insisté.  Les écoles ukrainiennes sont fermées par la force, a-t-elle ajouté.
 
La représentante a aussi attiré l'attention sur les nombreuses violations des droits des Tatars de Crimée à leur langue maternelle et à la liberté de religion; sur les entraves aux droits des journalistes et les restrictions à la liberté de mouvement; et sur les pressions psychologiques et les nombreux cas d'enlèvements injustifiés qui ont été commis.  Le respect des droits de l'homme des prisonniers et des personnes reconnues coupables constitue un défi particulier, car la responsabilité d'assurer une prise en charge adéquate de ces personnes repose sur l'État, a souligné Mme Sevostianova, avant de faire observer que l'occupation du territoire de la République autonome de Crimée par la Fédération de Russie fait qu'il est impossible pour l'État ukrainien d'assurer les droits de l'homme et les libertés, privant ainsi les prisonniers de leurs droits fondamentaux à la nourriture, aux soins médicaux ou encore à la communication avec leur famille.
 
Mme Sevostianova a ajouté que la situation dans les établissements pénitentiaires dans le sud-est de l'Ukraine était «également assez compliquée».  Des personnes non identifiées qui se prétendent «République populaire de Donetsk» et «République populaire de Lougansk» attaquent le personnel (pénitentiaire) dans le but de prendre possession d'une arme et de libérer certains prisonniers et personnes détenus, a-t-elle expliqué, ajoutant que les personnels sont devenus victimes de violences, de tortures, de xénophobie et autres délits fondés sur leur appartenance ethnique, mais aussi de meurtres et de menaces à l'encontre des membres de leur famille.  Ces actions de la part de personnes inconnues ont entraîné de nombreux décès de personnels et de civils, a insisté Mme Sevostianova.  Le Gouvernement ukrainien prend toutes les mesures possibles pour assurer les droits et libertés de tous les citoyens du Donbas et de la région de Lougansk et mène des enquêtes sur tous les faits de mauvais traitement, de torture, d'enlèvement ou de décès, a-t-elle assuré.
 
Trois cas ont été déposés par le Gouvernement contre la Fédération de Russie devant la Cour européenne des droits de l'homme, en accompagnant de toutes les preuves nécessaires chaque fait attestant d'une activité militaire russe sur le territoire de l'Ukraine, a également précisé Mme Sevostianova.
 
Le rapport de l'Ukraine est soumis selon la procédure facultative d’établissement des rapports et se fonde sur une liste des points à traiter transmise par le Comité (CAT/C/UKR/Q/6).
 
Examen du rapport
 
Questions et observations des membres du Comité
 
M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité, intervenant en l'absence du rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ukraine en ce qui concerne les articles 1 à 9 de la Convention, M. George Tugushi, a pris bonne note de la réforme du Code de procédure pénale en 2012.  Il a souhaité en savoir davantage au sujet de la définition de la torture qui, en l'état actuel, concerne des «actes violents».  Existe-t-il une jurisprudence qui permette de mieux comprendre en quoi consistent exactement ces «actes violents», a-t-il demandé, soulignant que la torture peut parfois procéder d'actes qui ne sont pas violents?  Il a par ailleurs voulu savoir si la législation ukrainienne considère la torture pratiquée sur ordre d'un supérieur comme une infraction pénale.  Il aussi demandé si la législation couvre les actes de torture perpétrés par d'autres acteurs que des agents étatiques.  Il faut que les sanctions pour acte de torture soient proportionnelles au délit, a-t-il également rappelé, relevant qu'en Ukraine, les actes de torture sont passibles d'une peine de deux à cinq ans d'emprisonnement.  Il a demandé à la délégation si elle estimait qu'une peine de deux ans d'emprisonnement était proportionnelle à la gravité inhérente à l'acte de torture.
 
Le Président du Comité contre la torture a attiré l'attention sur le caractère absolu de l'interdiction de la torture.  Tout en affirmant comprendre la situation que traverse actuellement l'Ukraine – en vertu de laquelle les autorités ne contrôlent pas la totalité du territoire ukrainien, y compris des endroits où peuvent se trouver des prisons et où peuvent avoir lieu des actes de torture – M. Grossman a estimé qu'il n'en faut pas moins espérer qu'à terme, des enquêtes seront menées sur de tels actes et que le Gouvernement pourra indemniser les victimes et assurer réparation.
 
Cinq cents cas de torture entre avril et juin 2014 ont été rapportés par Amnesty International dans des régions ne se trouvant pas sous le contrôle effectif de l'Ukraine, a relevé M. Grossman. 
 
M. Grossman s'est inquiété d'informations sur des cas de disparition.  Le pays connaît également un phénomène de déplacements massifs à l'intérieur des frontières ukrainiennes.  Il a voulu savoir quelles mesures sont prises pour soulager les souffrances des personnes déplacées et quelles mesures sont envisagées pour lutter enrayer ce phénomène.  Les autorités envisagent-elles par exemple de mettre sur pied un fonds spécial qui permettrait de financer de futures indemnités?
 
Nombre d'organisations non gouvernementales ont déploré que les nouvelles dispositions du Code de procédure pénale ne soient pas dûment appliquées, notamment pour ce qui a trait à la mise sous écrou officiel des personnes détenues, a poursuivi M. Grossman.  Il semblerait qu'en Ukraine, les personnes détenues puissent être considérées comme des «hôtes», ce qui permettrait de contourner les nouvelles dispositions législatives.  Il faut également déplorer que les registres consignent sous une même rubrique les détentions et les visites, ce qui empêche de discerner qui sont les détenus et qui sont les visiteurs.  M. Grossman a néanmoins félicité l'Ukraine pour l'adoption de la loi de 2011 sur l'aide juridictionnelle gratuite.
 
M. Grossman a souhaité en savoir davantage au sujet de la détention préventive et des mécanismes de plainte existants dans ce contexte, soulignant à cet égard que l'un des éléments essentiels de l'efficacité de tels mécanismes est leur indépendance.  Il a demandé quels étaient les critères pour la détention administrative ordonnée par un juge et s'il existe des recours dans ce contexte.
 
Dans quels délais une famille est-elle informée de la détention de l'un de ses membres, a par ailleurs demandé M. Grossman?
 
La détention en isolement peut équivaloir à une torture ou tout au moins à une peine ou traitement inhumain ou dégradant, a d'autre part rappelé M. Grossman, avant de s'enquérir de la procédure qui s'applique au placement en isolement.
 
Selon certaines informations, le nombre de décès en détention n'a cessé d'augmenter entre 2010 et 2012, a poursuivi M. Grossman, s'agissant en particulier de cas de tuberculose et de suicides.  Comment le mécanisme ukrainien de prévention de la torture pourrait-il contribuer à prévenir et réduire le nombre de décès en prison, a-t-il demandé?
 
S'inquiétant d'une tendance en Ukraine à assimiler migrants et crimes, le Président du Comité s'est enquis de ce qui est fait pour éviter l'opprobre contre les migrants.  Selon certaines informations, il y aurait eu des mauvais traitements contre des requérants d'asile érythréens et somaliens dans l'ouest de l'Ukraine en 2012, a par ailleurs fait observer M. Grossman, qui a voulu savoir si des enquêtes ont été menées à ce sujet.
 
L'Ukraine reconnaît-elle le système des assurances diplomatiques et en fournit-elle ou en demande-t-elle à d'autres pays, a par ailleurs demandé M. Grossman?
 
Une femme sur trois se serait plainte en Ukraine d'être victime d'une forme ou l'autre de violence, a en outre relevé M. Grossman.  Il a demandé un complément d'information concernant la campagne de lutte contre la violence domestique lancée par les autorités ukrainiennes.
 
Y a-t-il eu en Ukraine des cas d'utilisation d'aveux obtenus sous la torture ou des cas où de tels aveux auraient été jugés irrecevables par un tribunal, a demandé M. Grossman?
 
Le Président du Comité a demandé si l'orientation sexuelle faisait partie des motifs de discrimination interdits en Ukraine.  Relevant que la toute première Marche des fiertés (Gay Pride) s'est tenue en Ukraine au mois de mars dernier, M. Grossman s'est inquiété d'actes de discrimination à l'encontre des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, en particulier dans la partie orientale du pays, que la communauté LGBT a dû fuir pour se protéger.
 
M. ALESSIO BRUNI, rapporteur pour l'examen du rapport de l'Ukraine en ce qui concerne les articles 10 à 16 la Convention, a attiré l'attention sur la problématique de la détention illégale en soulignant que de nombreuses allégations font état de violations des droits constitutionnels de la part des services du Ministère de l'intérieur, dont bon nombre portent sur des gardes à vue illégales.  Quelles sont les peines qui ont été prononcées contre les coupables, a demandé le corapporteur?
 
M. Bruni s'est en outre inquiété qu'aient été classées sans suite nombre d'affaires de brutalités policières, y compris lorsque ces brutalités avaient entraîné le décès de la victime. 
 
Parmi les autres membres du Comité, un expert a notamment rappelé que l'état de droit dans un système démocratique passe non seulement par une procédure adéquate de nomination des juges, mais aussi par la sécurité de leur mandat.

Une experte s'est inquiétée d'informations selon lesquelles, dans certaines prisons du pays, des catégories de prisonniers sont utilisées pour maltraiter d'autres prisonniers.  Elle s'est en outre inquiétée que la rétention des demandeurs d'asile dépasse les délais raisonnables.
 
Un expert a soulevé la question de la santé des détenus, alors que selon les informations disponibles, leur situation sanitaire s'est détériorée.  L'expert a attiré l'attention sur la hausse du nombre de décès en prison ces dernières années, faisant notamment observer que le nombre de suicides en prison a triplé en dix ans.  L'expert a indiqué craindre que le manque d'accès des détenus aux antirétroviraux puisse expliquer le nombre de décès en prison dus au sida.
 
Une experte a souhaité savoir si l'Ukraine était en mesure de fournir une liste des villes et des zones que les autorités ukrainiennes contrôlent.  L'experte a demandé si des enquêtes ont été menées sur les décès dus à des snipers dans le secteur de Maïdan, sur l'incendie d'Odessa ou encore sur les décès dus à des tirs à Marioupol, et quels en auraient été les conclusions.  Qu'en est-il en outre du retour vers la Fédération de Russie des prisonniers de guerre?  Quelles sanctions ont-elles été prises face aux cas de Tatars de Crimée disparus ou tués, a par ailleurs demandé l'experte?  L'experte a demandé à la délégation de commenter des informations indiquant que des séparatistes se placeraient dans des zones habitées et utiliseraient ainsi la population civile comme boucliers humains dans ces zones qui seraient susceptibles de faire l'objet de tirs d'obus.
 
Il semblerait qu'il doit fréquent que la police empêche l'avocat de s'entretenir avec son client, a fait observer un expert; quels sont les recours juridiques sont dispose un avocat face à une telle situation?
 
Quel est le régime juridique applicable aux traitements et hospitalisations non volontaires en Ukraine, a-t-il en outre été demandé? 
 
Compte tenu de la situation actuelle, l'Ukraine ne se trouve-t-elle pas de facto dans une situation d'urgence, a-t-il également été demandé?
 
Un membre du Comité a insisté sur le grave problème de mortalité en prison que connaît l'Ukraine.  Des organisations non gouvernementales dignes de foi font état de failles et de lacunes dans le système de protection, notamment lors du transport des détenus, a-t-il insisté. 
 
L'expert s'est par ailleurs en outre enquis du nombre de femmes occupant des postes au sein de la Cour suprême, par exemple, faisant observer que des études ont montré que la présence plus ou moins grande des femmes dans le système judiciaire joue un rôle sur les décisions de justice prises au sujet de la violence fondée sur le sexe.  Combien de personnes ont-elles été condamnées pour acte de torture depuis la présentation du rapport, a d'autre part souhaité savoir l'expert?  Combien de victimes ont-elles été indemnisées?
 
L'expert s'est en outre inquiété du caractère assez flou de la définition de l'infraction de «vagabondage», dont le champ d'application semble par trop large.
 
Un membre du Comité a plaidé pour un examen médical initial complet au moment de l'admission des détenus en prison, ce qui permettrait notamment de réduire les risques de suicide et d'identifier les cas de torture ou de mauvais traitement, mais aussi de prévenir la propagation de la tuberculose et du VIH/sida.
 
Réponses de la délégation
 
S'agissant de l'incrimination de la torture, la délégation a souligné que l'article 27 du Code pénal ukrainien prévoit une responsabilité pour les personnes qui font subir à dessein à une personne une souffrance physique ou morale très vive.  Des peines privatives de liberté sont prévues pour les personnes qui se livrent à de tels actes, a-t-elle précisé.  L'article 87 du Code pénal tipule que les témoignages obtenus en violation des droits et libertés prévus dans la Constitution ne sont pas acceptables, a ajouté la délégation, soulignant que les aveux obtenus sous la torture ne sont donc pas acceptables.
 
En 2013, a poursuivi la délégation, le Ministère de l'intérieur a reçu 1031 plaintes de la part de citoyens se plaignant d'une violation de leurs droits de l'homme, dont 194 pour lésions physiques; au total, 45 sanctions disciplinaires ont été prononcées contre des membres des forces de l'ordre.
 
En 2012, l'Ukraine a adopté un nouveau Code de procédure pénale qui, dans une large mesure, vise la protection des droits de l'homme.  Ce nouveau code règlemente strictement le moment de l'interpellation: l'interpelé est une personne qui est obligée de rester auprès de l'agent responsable de l'application de la loi à l'injonction de ce dernier, lequel est tenu de mener l'interpelé au commissariat le plus proche où celui-ci sera dûment enregistré dans un registre précisant son nom ainsi que les dates et heures de son interpellation, a précisé la délégation.  Le juge d'instruction, dès qu'il reçoit des informations provenant de n'importe quelle source, a le droit de vérifier la légalité de la détention dans les locaux relevant du Ministère de l'intérieur, a ajouté la délégation.  Si la personne interpelée prétend que ses droits ont été violés ou qu'elle a été victime de violence physique, le juge d'instruction demande immédiatement l'instruction de l'incident par les organes compétents et procède à l'examen médical immédiat de l'intéressé; il a en outre l'obligation de garantir la sécurité du plaignant.  Par ailleurs, si la personne interpelée n'a pas de conseil ou d'avocat, le juge est habilité à lui désigner un avocat commis d'office.  L'instruction est interrompue jusqu'à la désignation d'un avocat, a précisé la délégation. 
 
À travers tout le pays, des centres d'aide juridique gratuite fonctionnent 24 heures sur 24, a par ailleurs fait valoir la délégation.  Ces centres peuvent répondre à des demandes d'aide juridique primaire ou secondaire, a-t-elle précisé.
 
Durant les neuf premiers mois de cette année, 9630 personnes ont été interpelées (et donc placées en garde à vue) dans le pays, dont 2041 ont été relaxées du fait qu'elles n'avaient pas été déférées devant le juge d'instruction dans le délai réglementaire de 72 heures.  En effet, la garde à vue en Ukraine ne peut durer plus de 72 heures, a précisé la délégation.  La règle selon laquelle la durée de la garde à vue pouvait aller jusqu'à dix jours au cas où la personne n'était pas en mesure de fournir des documents d'identité a été jugée non conforme à la Constitution par le tribunal constitutionnel en 2010, a fait valoir la délégation.
 
La règle veut que l'on ne puisse détenir quelqu'un plus de trois heures pour une infraction administrative, a d'autre part indiqué la délégation.
 
Cette année, a poursuivi la délégation, quelque 398 poursuites pénales ont été engagées concernant des infractions à l'encontre de représentants des médias.  La délégation a notamment précisé que 95 de ces délits ont été inscrits (dans le registre unique des instructions avant-procès) en tant qu'obstacles à l'activité professionnelle des journalistes; 50 en tant qu'hooliganisme à l'encontre des représentants des médias; et 38 en tant que lésions et blessures légères.  Pour 23 de ces cas, les auteurs ont été identifiés et se sont vu signifier qu'ils étaient suspectés d'avoir commis les délits visés et 18 ont été déférés devant les tribunaux.  Les enquêtes ont montré que dans 88% des cas, ces infractions pénales n'ont aucun lien avec l'activité professionnelle de la victime représentant des médias, a déclaré la délégation.
 
En ce qui concerne la violence au sein de la famille, la délégation a notamment indiqué qu'en 2014, il y a eu 85 000 dépôts de plaintes pour ce type de violence.
 
S'agissant des questions d'asile et de migration, la délégation a rappelé qu'une loi sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d'une protection complémentaire ou provisoire a été adoptée en 2012 afin de rapprocher les normes ukrainiennes en la matière de celles de l'Union européenne.  Cette nouvelle loi interdit notamment l'éloignement ou le retour forcé d'une personne vers un pays où sa vie serait en danger, a fait valoir la délégation.  Les autorités ont lancé l'«Opération Migrants», qui concerne la région des Carpates et vise à prévenir l'immigration illégale et la violation de la législation en matière de migration. En 2013, a en outre précisé la délégation, 1093 personnes ayant présenté une demande d'asile ont été reconnues comme ayant besoin de protection supplémentaire.
 
La délégation a ensuite fait état d'une baisse de moitié du nombre de personnes en détention préventive.  L'Ukraine croit pouvoir être en mesure de respecter la norme européenne voulant que chaque personne détenue dispose de 4 mètres carrés. 
 
L'Ukraine compte environ 6000 lits dans les hôpitaux carcéraux, a ensuite indiqué la délégation.  S'agissant de la mortalité des condamnés dans les établissements pénitentiaires du pays, la délégation a affirmé qu'elle est difficile à analyser.  L'un des principaux facteurs en la matière reste la mortalité due au VIH/sida, même si l'on enregistre une baisse à cet égard, tout comme est enregistrée une baisse des décès dus à la tuberculose en milieu carcéral, a ajouté la délégation.  Il n'y a aucun problème en ce qui concerne l'alimentation dans les hôpitaux carcéraux, sauf pour celui qui se trouve dans la zone de combat de Donetsk, a d'autre part assuré la délégation.
 
La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le Programme national de lutte contre la tuberculose mis en place par les autorités ukrainiennes et prorogé pour la période 2012-2017. 
Le nombre de détenus malades de la tuberculose a été divisé par quatre en Ukraine, a précisé la délégation.  Lors de l'entrée en prison d'un détenu, a-t-elle indiqué, les examens sont obligatoires concernant la tuberculose mais sont en revanche facultatifs en ce qui concerne le VIH/sida.
 
S'agissant de la situation carcérale en Crimée, la délégation ukrainienne a souligné qu'elle était très préoccupante, ajoutant que près de 430 condamnés ne veulent pas continuer à purger leur peine en Crimée.
 
En ce qui concerne la violation des droits des mineurs dans la colonie correctionnelle de Doubno, la délégation a indiqué qu'une enquête a été engagée sur ce dossier, à l'issue de laquelle le directeur de la colonie a été licencié et les autorités locales sanctionnées.  Il s'agit d'un cas isolé qui ne se reproduira plus, a assuré la délégation.
 
Le parquet enquête sur les événements de Maïdan et cette enquête continue, a par ailleurs indiqué la délégation. 
 
S'agissant de «l'occupation temporaire d'une partie du territoire ukrainien», la délégation a rappelé qu'il y avait eu en mars 2014 un prétendu référendum qui est en fait illégal et que la communauté internationale n'a d'ailleurs pas reconnu.  Dès le 13 mars, l'État ukrainien a présenté une plainte contre la Fédération de Russie devant la Cour européenne des droits de l'homme : Ukraine vs Fédération de Russie I, a poursuivi la délégation.  La Cour a réagi rapidement en demandant que ne soit pas utilisée la force sur le territoire ukrainien, ce que la Fédération de Russie n'a pas respecté, a-t-elle rappelé. 
 
Les citoyens ukrainiens de la République autonome de Crimée, en particulier les Tatars de Crimée, se sont vu obligés de prendre des passeports russes, subissant d'importantes pressions.  Ils disposaient d'un délai d'un mois pour dire s'ils ne voulaient pas prendre la nationalité russe; or seuls quatre bureaux, auxquels il était difficile d'accéder aisément, étaient disponibles à cette fin.  Sur le territoire de la République autonome de Crimée, il n'y a plus une seule école ukrainienne: elles ont toutes été fermées, a par ailleurs dénoncé la délégation.  Toutes les infractions dont avaient été accusées les personnes qui étaient détenues en Crimée ont été requalifiées en fonction de la législation russe, de sorte que ces détenus se trouvent en fait dans une zone de non-droit, a d'autre part fait observer la délégation.
 
L'agresseur continue maintenant son agression dans d'autres régions de l'Ukraine, a poursuivi la délégation.  Les deux soi-disant républiques populaires de Donetsk et de Lougansk sont déclarées républiques terroristes sur le territoire de l'Ukraine, a-t-elle rappelé.  Dans le cadre de l'opération antiterroriste qu'ont donc mise sur pied les autorités ukrainiennes, un centre antiterroriste a été créé, qui est chargé de cette opération. 
 
Au 18 août dernier, a par ailleurs indiqué la délégation, il y avait 1026 signalements de prises d'otages et d'enlèvements de personnes; à l'heure actuelle, il y en a plus de 1500 et encore, ce chiffre ne concerne-t-il que les seuls enlèvements signalés officiellement, a-t-elle précisé.  Une deuxième plainte a donc été déposée devant la Cour européenne des droits de l'homme – Ukraine vs Fédération de Russie II – qui concerne l'enlèvement d'enfants orphelins qui ont été illégalement transférés sur le territoire de la Fédération de Russie.  La torture est répandue de la part des groupes armés illégaux, a en outre affirmé la délégation, dénonçant des tortures infligées à des citoyens ukrainiens par des formations armées illégales agissant dans l'est de l'Ukraine. 
 
Pour ce qui est de l'aéroport de Donetsk, dont il ne reste quasiment plus rien, la délégation a indiqué qu'il est contrôlé par l'armée ukrainienne qui se bat jusqu'au bout pour conserver cette position. 
 
Après que l'Ukraine eut repris sur les «terroristes» le contrôle de la ville de Slaviansk, trois fosses communes ont été trouvées (dans cette ville) qui, d'après les premières analyses, remonteraient à juillet dernier, c'est-à-dire à une époque où la ville se trouvait sous le contrôle des «terroristes», a par ailleurs indiqué la délégation.  À ce stade, a-t-elle précisé, a pu être déterminée l'identité de douze victimes se trouvant dans ces fosses.

__________

 Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :